A l’aube du nouveau millénaire, Tsui Hark nous offre un film d’action explosif d’ingéniosité : Time
and Tide / Seunlau Ngaklau (2000). L’œuvre se veut avant tout expérimentale.
D’une part, le cinéaste virtuose que l’on connaît y distille tous les
ingrédients du film d’action. D’autres part, il agit avec cette magnificence en
cassant les règles établit et en les remodelant pour ainsi faire siennes. Il
enfante alors une œuvre monumentale. Oui, rien que ça.
Tyler Yim est un jeune homme qui
rêve d’évasion. Un beau jour, il couche avec une femme qui tombe enceinte.
Voulant subvenir aux besoins et ainsi assumer ses responsabilités de père, il
se fait embaucher comme garde du corps dans l’entreprise de son oncle. Les
choses se compliquent lorsqu’ils doivent protéger un ponte de la mafia locale
que des mercenaires veulent éliminer. Il fait alors la rencontre de Jack, un
ex-mercenaire retiré des affaires et qui est décidé à changer de vie…
Retour d’une « incursion
états-unienne » mitigée, Tsui Hark revenait au pays pour (se) prouver
qu’il pouvait encore faire un film d’action digne de ce nom. Si certains
manient les armes avec maestria, lui, c’est avec la caméra. Son savoir-faire
enclenché, un rythme déchainé insufflé et une poignée d’acteurs au
rendez-vous, Time and Tide s’inscrit comme une réussite filmique. De ces œuvres
de cinéma comme il en existe peu. Tsui Hark fait preuve d’une démonstration
technique hors norme. Une nouvelle fois, il met tout le monde d’accord. Il montre
qu’il est un créateur de génie. Celui qui contrôle le mouvement et qui a
souvent eu un train d’avance sur nombre de ses confrères ; et on ne peut
rester que baba face aux scènes d’actions qu’il met en image. Il dépouille le
fond pour faire éclater la forme, plongeant alors le spectateur dans la
tourmente, à l’image de Tyler.
Time and Tide serait un ovni cinématographique à en juger tant le
film surprend à changer d’humeur. Tsui Hark joue sur une mise en scène
virevoltante, et il excelle le bougre. Il est constamment en mouvement, comme
si l’expérience américaine l’avait ramolli et qu’il se sentait le besoin de
bouger pour se sentir vivre. Malheureusement, un petit hic persiste et non des
moindres : l’histoire. L’esthétique est surprenante, certes et l’on peut
aussi comprendre pourquoi le public n’a pas été au rendez-vous, même avec le
beau gosse de service à l’affiche qu’est Nicolas Tse. Le récit est trop
brouillon et se perd, aussi chaotique que cette mise en scène grandiose, mais
qui elle est maitrisée. Sans ça, rien à redire, même de ces acteurs plutôt
passables qui brillent grâce à l’ensemble. Notons sinon, la partition sonore
travaillée qui accompagne remarquablement les séquences qui se succèdent.
Tsui Hark serait un tantinet
mégalo d’après sa réputation et à la vue de ce Time and Tide, il peut se le permettre. Time and Tide, film d’art qui s’essaie again and again…?
I.D.