Je suis une maman, pour la deuxième fois, et comme ma première fille (j'en parlais ici d'ailleurs, du grand 8 des émotions...), je suis déconcertée par les émotions que je ressens : énervement, fatigue, amour fou... Tout se côtoie et se mélange, je passe mon temps à râler sur le manque de temps, les tâches ménagères, la vie de maman au foyer... Et quand je pense à laisser ma toute petite à la crèche si je reprends mon activité, là, maintenant, je ne peux pas, c'est impossible : je ne me vois pas m'en séparer, pas tout de suite, peut être même pas avant l'école... Je ne sais pas vraiment.
Pour Liloute, j'ai eu beaucoup de mal. Tout ce chamboulement dans mon esprit, cette fatigue, cette désillusion, ce mal fou à créer un lien avec ce bébé que je ne comprenais pas. Et puis cet amour fusionnel aussi, pris en pleine figure quelques mois après. Trop de choses pour la personne discrète et secrète que je suis, la maniaque du contrôle, qui ne s'autorisait pas à ressentir, du moins pas trop fort.
Et puis je l'ai un peu accepté. De toute façon c'était plus fort que moi. Je bisoutais Liloute en porte bébé, je lui parlais dans sa poussette, et encore maintenant je l'appelle " mon coeur " et " mon amour " dans les magasins, je m'arrête pour embrasser ses petites joues dans la rue, je lui dis que je l'aime. Rassurez vous, je ne suis pas parfaite et je lui crie pas mal dessus aussi en ce moment, beaucoup trop. J'ai appris à accepter totalement cette fusion qui était la nôtre (tant qu'elle dormait dans sa chambre, par contre :p), et je redoutais la nouvelle avalanche de sentiments à la naissance de Miniloute.
Cela s'est passé très différemment. A l'inverse de ma grande, j'ai aimé ma toute petite à la seconde où je l'ai vue lors de sa naissance. Le même amour féroce, immense, incontrôlable que pour sa soeur. Je ne pouvais pas arrêter de la regarder, la contempler, la prendre dans mes bras. On passe évidemment sur la période du baby blues à la maternité, celle où ma montée de lait monumentale m'empêchait de la tenir alors qu'elle pleurait de douleur... Car ça a duré au final moins longtemps, beaucoup moins longtemps que pour son aînée.
Le fait d'être déjà maman, sans doute.
Mes journées sont ponctuées par les émotions, elles-même amplifiées par la fatigue sans doute. Je passe tour à tour par la colère, le désarroi, la déprime, l'incertitude, l'épuisement à la joie, le rire, l'émerveillement, l'amour, le manque, le soulagement, la fierté, la satisfaction... Je stresse tous les matins, je cours dès le lever, je presse ma Liloute ensommeillée de se préparer, si possible sans chouiner (il y a au moins une incohérence dans cette phrase), en pestant car bébé pleure dès que je la pose, pour gazouiller sur la table à langer 5 minutes après. Je râle car on nous a (encore) piqué l'ascenseur et qu'on est en retard pour l'école, je souffle en profitant de l'air frais et du silence matinal (tout relatif) sur la petite route qui mène à l'école. Je couvre ma Liloute de bisous, j'ai un peu peur qu'elle ne me manque trop, je lui dis au revoir, je la rassure (et moi aussi). Je me sens fière quand je la vois rentrer au pas de course en classe, poser sa petite étiquette au tableau et s'asseoir sagement. Je ressens à la fois le soulagement " ouf, une de moins à gérer " et le manque, une petite pointe d'inquiétude aussi pour mon grand bébé laissée dans le monde de l'école.
Je souffle en remontant cette satanée pente, bébé endormie tout contre moi. Je m'arrête pour reprendre mon souffle et je m'émerveille sur cette jolie petite fille endormie, ses traits parfaits, et son air serein. Je suis fatiguée mais je suis bien.
Je peste en rentrant à la maison. J'ai eu beau enlever mon manteau et la couverture de portage tout doucement, la voilà qui ouvre de grands yeux ronds, parfaitement réveillée. Au revoir mon thé et mon petit déjeuner.
Elle se frotte les yeux et je la couche dans son berceau, alors même que les sempiternels travaux commencent sur le toit. Je râle, encore, et quitte la chambre sur la pointe des pieds. Je râle, encore, en faisant la vaisselle, le rangement, les papiers. Je m'arrête pour écouter le silence, elle dort, je suis seule, fatiguée mais incapable de dormir. Encore un paradoxe.
Qu'elle dorme 40 minutes ou 2 heures, je finis toujours par tourner en rond, incapable de me poser vraiment, sur le qui vive. Je me souviens de cette phase là pour miss S., la crainte que le reflux ne revienne perturber nos journées qui commencent à s'arranger, la peur de s'habituer aux siestes et la tranquillité.
Et puis cette fatigue de devoir toujours leur être dévouée, de ne pas avoir une minute pour me poser (alors que je pourrais, quand elles dorment !)
Cette colère contre moi, de ne pas savoir lâcher du lest.
Cette larme à l'oeil quand Liloute chante, sourit, assise sur un banc au spectacle de Noël de l'école. Quand Miniloute marmonne un " mummmuuum " entre deux plaintes. Quand elles se sourient.
Cette envie de les enlacer très fort des heures durant puis de m'enfermer seule dans la salle de bains, en à peine 5 minutes.
Ces mots qui dépassent ma pensée. Cet épuisement, cette migraine et cette tête qui tourne en berçant ce bébé qui ne dort pas. Ces envies de pleurer.Ce sourire incontrôlable quand elle gazouille à 6h30 du matin. Ces bouffées de bonheur.
C'est tout ça, être maman pour moi. J'ai souvent du mal à l'accepter, je veux souvent changer, et au final j'y reviens. C'est peut être cette personne là que je suis vraiment...