Difficile de s’y retrouver parmi la ribambelle d’acronymes autour des cours et formations en ligne. Si l’on parle essentiellement des Mooc, ces cours en ligne ouverts et massifs, ceux-ci évoluent et mutent en de nouveaux modèles.
Entretien dans le cadre de l’émission L’Atelier numérique, avec Philippe Chiu,directeur digital d’IONISx, une plateforme de e-learning ; Antoine Amiel, le fondateur de Learn Assembly, site de formation en ligne mais à destination des entreprises.
L’Atelier : Les Mooc (massive open online course) sont-ils démodés ?
Antoine Amiel : Non, le MOOC n'est pas démodé. C’est encore très nouveau puisque cela a deux ans. Il y a un côté un peu exploratoire et beaucoup de choses à améliorer. On est en train de l’approfondir, de le personnaliser, de le rendre plus pertinent en fonction des besoins de chacun. Le Mooc mûrit.
Philippe Chiu : Je suis d’accord sur le fait que ce n’est pas démodé. Depuis le début de l’année, on en a sortis une dizaine sur Ionisx et on en tire effectivement de grands enseignements. Il y a beaucoup d’améliorations à apporter notamment sur la temporalité. C'est un point absolument fondamental et plus en phase avec la philosophie du numérique : quand je veux, où je veux. Le problème avec les MOOC, c’est qu’ils sont accessibles à une certaine date avec un rythme imposé.
Une fois la date et l’heure sont dépassées, c'est fini. Vous n’y avez plus accès. Comme un cours physique finalement. On en a déduit un nouveau format qu’on appelle le MIMO. Depuis le mois de septembre, on ne fait plus que des supports sans date de fin et accessibles pour tous tout le temps.
L’Atelier: Que veut dire MIMO ?
Philippe Chiu : Cela veut dire Micro Module, tout simplement. On joue aussi sur la durée. Il existe des MOOC très typiques sur une plateforme américaine, qui nécessitent 12 semaines d’efforts, 10 heures par semaine, soit 120 heures au total sur une matière. C'est absolument monstrueux. Nos MIMO sont beaucoup plus humbles et sont composés de microcapsules de 20 minutes au total. Pas seulement 20 minutes de vidéo, c'est 20 minutes de résumé, de vidéos, de fiches pratiques, d’exercices auto-corrigés, d’animations, des forums de discussion ; de façon à ce que les apprenants puissent apprendre à leur propre rythme et entrer dans une communauté d’apprenants.
L’Atelier : Ce n'est pas trop succinct du coup ? Ne perd-on pas la substantifique moëlle ?
Philippe Chiu : Non même si un long débat existe au sein des académiques. Nous, on a trouvé cette valeur de temps, ces 20 minutes en interrogeant nos apprenants tout simplement. 80% d’entre eux sont des actifs. Quand on leur dit : "Un trajet de métro. Un trajet de RER. L’autoradio dans la voiture, 20 minutes, c'est absorbable. Je commence dans la voiture, je termine à la maison".
L’Atelier : C'est une consommation adaptée à la mobilité en tout cas.
Philippe Chiu : Exactement sachant que ce n'est que la brique unitaire. Le MIMO est ensuite assemblé comme « un collier de pâtes ». Et on obtient des parcours qui font deux heures, trois heures, quatre heures. In fine, chaque MIMO doit être indépendant et complété par un autre selon ses besoins. J’apprends par exemple à comprendre la météo si je dois préparer un vol dans un avion Cessna par exemple. Donc ce sont des thématiques qui sont extrêmement larges dans des microcapsules. Finalement, les capsules dans l’enseignement, tout le monde connaît bien. On n’a pas inventé grand-chose, On l’a juste numérisé.
Antoine Amiel : Je partage totalement l’idée d’ouvrir les cours quel que soit le moment, la période. Nous, chez Learn Assembly, on a choisi d’avoir un positionnement spécialisé sur une verticale, un métier. Et donc on travaille beaucoup sur tout ce qui est lié à l’entreprenariat, à l’innovation et à la transformation numérique. Mais en fonction des objectifs et des besoins de chacun de nos clients, on essaie d’aller proposer la bonne modalité pédagogique, d’aller s’inspirer de tout ce que les MOOC ont apporté ; c'est-à-dire l’expérience utilisateur, le côté social, le côté collaboratif, l’apprentissage en ligne, les systèmes d’évaluation par les pairs où les gens travaillent entre eux. Et donc nous, on va piocher un peu dans toutes les modalités pour proposer des contenus en vidéo, des activités et aussi du présentiel. Je pense qu’aujourd'hui, il y a une explosion des formats possibles. Et finalement en fonction de chaque entreprise, on propose des choses différentes. Si vous devez informer 30 000 personnes ou former 30 000 personnes pendant un an sur un sujet, vous allez peut-être privilégier un format type MOOC ou MIMO. Si vous devez au contraire prendre un échantillon de 50 personnes et faire en sorte qu’en six mois, elles deviennent des experts d’un sujet, il va falloir développer des choses plus poussées avec des cours en ligne et du présentiel, du coaching, du tutorat, des incubateurs internes, plein d’autres choses en fait.
L’Atelier : Vous vous positionnez plus sur les SPOC, des cours en ligne en petits groupes privés, soit l’inverse du principe des MOOC. Mais quelles cibles visent-ils?
Antoine Amiel : Beaucoup d’universités qui ont créé des SPOC l’ont fait parce qu’il fallait trouver un modèle économique aux MOOC ou justifier les investissements, lesquels sont assez considérables en production de contenus et en ingénierie pédagogique. Les entreprises qui créent des SPOC – donc des MOOCs internes, des formations privées réservées aux salariés – le font pour faire monter leurs salariés en compétence. Elles le font dans le cadre de plan de conduite du changement lié à des programmes de mobilité. Imaginons qu’une entreprise change de stratégie ou souhaite se digitaliser massivement dans les cinq prochaines années. L’entreprise va créer une formation dédiée à ces salariés avec une approche métier très spécifique, très personnalisée et qui va fonctionner. Et les gens peuvent se former quand ils veulent à distance, qu’ils soient en Pologne, en France, qu’ils soient des managers ou quel que soit leur statut dans l’entreprise. Donc là, on est sur un format qui est réservé à l’entreprise.
L’Atelier : On sait que les MOOC ne donnent ni certificat, ni diplôme. D’où la gratuité. Pour les MIMO ou pour les SPOC, est-ce qu’il y a - du coup a contrario – un diplôme ou un certificat qui permet vraiment de valoriser la démarche à faire valoir pour une recherche d’emploi ?
Antoine Amiel : Alors dans le cadre des MOOC, il y a quand même des certificats qui sont délivrés à la fin, si les personnes sont allées jusqu’au bout du parcours.
L’Atelier : Oui, si les personnes vont jusqu’au bout… ce qui est un vrai problème puisqu’on dénonce un taux d’abandon assez fort.
Antoine Amiel : Oui, effectivement il y a des taux d’abandon élevés. Mais les gens qui vont jusqu’au bout ont un certificat. Et aujourd'hui, certaines entreprises commencent à être plus ouvertes et à reconnaître la valeur de ce certificat. Les RH en fait évoluent là-dessus. En ce qui concerne les SPOC ou les cours fermés, dans la mesure où les gens ont payé pour suivre une formation, ils sont beaucoup plus impliqués. Nos cours diffusés sur notre plateforme, sont accessibles en VOD et payants.
L’Atelier : Pour quel montant ?
Antoine Amiel : Chaque vidéo est vendue 9,90 euros l’unité et accessibles en streaming illimité. On organise beaucoup d’évènements en présentiel (des conférences, des cours avec des VC, des entrepreneurs, des designers, des consultants, des voilà et des experts du digital de l’entreprenariat). Et ensuite ces contenus, on les propose en ligne pour permettre aux gens de s’autoformer. On pousse beaucoup les entreprises à motiver ses équipes pour suivre cette formation en ligne, et faire en sorte qu’il y ait une vraie valorisation à la fin et pas simplement un certificat. Cette valorisation peut se traduire par de la mobilité interne vers un meilleur poste ou une revalorisation salariale. Quand vous déployez une formation de deux mois en vidéo dans une entreprise, il faut que les gens qui vont suivre cette formation une heure par semaine, deux heures par semaine voient un peu le résultat et voient pourquoi ils le font.
L’Atelier : Et s’agissant des MIMO, comment peut-on les valoriser ?
Philippe Chiu : Les formats des MIMO- 20 minutes- sont trop courts pour certifier… En revanche, sur les parcours proposés et constitués de plusieurs MIMO, il est possible de les rendre certifiants. Ces parcours peuvent aller 5 à 13 capsules de 20 minutes. On en sort un autre d’une centaine. Ça peut aller très loin ! Et dans ces cas-là, il y a un certificat qu’on attache directement à son profil professionnel LinkedIn par exemple. En un clic, votre graal apparaît sur votre profil. Et vous pouvez justifier : "J’ai suivi tel parcours. Il y avait 50 MIMO dedans. Et maintenant, je suis apte à telle ou telle mission".
L’Atelier : Pour résumer, suivre un seul MIMO est gratuit mais non certifiante tandis qu’un parcours de plusieurs MIMO délivre un certificat et c’est ce certificat que l’on paie.
Philippe Chiu : Pas forcément car l’apprenant paie à la fin seulement s’il veut une justification; un certificat. On peut tout à fait prendre un apprentissage complet et si l’on n’a rien à prouver à personne, on ne paie pas. En revanche, si on veut une promo interne, si on veut une justification…cela engendre des frais.
L’Atelier : Cela coûte combien ?
Philippe Chiu : Le tarif moyen aujourd'hui chez nous, il est entre 100 et 200€ et correspondent essentiellement à des frais de manutention. En effet, on vérifie l’identité de l’apprenant pour être certain que l’identité virtuelle correspond à l’identité physique.