Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l'Occupation, de simples gestes habituels, tels changer de chaussures ou acheter un vêtement chaud deviennent un calvaire en raison du rationnement ; un marché noir voit le jour.
On peut définir plusieurs causes à cette pénurie vestimentaire:
- la ligne de démarcation entraîne des difficultés d'approvisionnement d'une région à l'autre : Paris ne reçoit plus de tissu en provenance du Nord, du Pas-de-Calais et des Vosges, les trois quarts des usines de chaussures situées en zone occupée sont incapables d'approvisionner la zone libre.
- Le manque de main-d'œuvre : un million et demi de prisonniers de guerre sont retenus en Allemagne, des dizaines de milliers d'employés dans les usines de textile et de confection ne sont pas remplacés.
- Les réquisitions allemandes : en application des conventions d'armistice, les Allemands exigent des livraisons de matières premières dans des quantités très importantes. Ainsi les matières les plus rares et les plus chères comme le cuir et la laine sont expédiées en priorité vers l'Allemagne. Ainsi avant 1939, 60 millions de paires de chaussures à semelle de cuir étaient fabriquées, il n'y en a plus que 8 à 10 millions en 1940 dont 6 millions doivent être livrées au Reich.
Cette pénurie vestimentaire se manifeste sous différentes formes. En octobre 1940 est créé un Comité d'Organisation du Vêtement chargé de la répartition des textiles. Dès l'été 1940, une sévère réglementation sur le cuir est mise en place alors qu'il s'agit pourtant de la matière première pour fabriquer les chaussures et les accessoires. En décembre 1940, les chaussures à double et triple semelle de cuir sont interdites et à partir de janvier 1941, un décret interdit la fabrication des grands sacs en cuir et réglemente la fabrication des ceintures de cuir qui ne doivent dorénavant pas dépasser quatre centimètres de largeur.
Parmi les accessoires affectés par les restrictions, le bas de soie est celui qui pose aux utilisatrices le plus de problèmes. Un système de bons d'achat délivrés par la mairie est également mis en place. Il donne droit à l'attribution d'une paire par personne.
En même temps que la création de la carte de vêtements, en juillet 1941 est instaurée une carte d'acheteur couture-création qui est délivrée aux consommateurs de haute couture. En plus de mesures touchant les matières premières, les créateurs doivent respecter un certain nombre de mesures concernant la présentation de leurs collections : en 1941, ils doivent se limiter à la fabrication de 100 modèles et doivent concevoir leurs modèles avec une discipline économique stricte. Cependant quelques maisons de couture bénéficient de dérogations et se voient octroyer un supplément de matières premières contingentées. Ce système de dérogation qui touche 85 maisons de couture en 1941 a sûrement prévenu la disparition de la haute couture.
Les mesures imposées par le gouvernement de Vichy et les Allemands sont contraignantes : les mesures d'avril 1942 interdisent aux créateurs de confectionner des pantalons avec revers, des vestes à soufflets, des pardessus à martingales, elles leur imposent également une longueur maximale pour les ourlets en vue d'économiser le tissu. En juillet 1942, la fabrication de spencer de garçonnet, de veston, de blouse à col marin est interdite.
Les créateurs de mode sont donc obligés de renouveler leur savoir-faire une fois les réserves d'avant-guerre épuisées. Ils doivent se familiariser avec d'autres matières comme les fibres artificielles (rayonne et viscose seront les plus utilisées) du fait de l'arrêt des importations : la laine d'Australie, le coton des États-Unis, la soie d'Extrême-Orient ne peuvent plus arriver. Cela paralyse également les usines de parfum de Grasse et Cannes qui ne peuvent plus recevoir de fleurs de Madagascar ou de Bulgarie et sont obligées de réduire leur production.
La défaite entraine des conséquences matérielles : la ligne de démarcation empêche certaines femmes de s'habiller à Paris donc elles reportent leurs demandes sur des couturières locales qui deviennent vite surchargées de travail. Les plus riches achètent leurs habits au prix fort au marché noir au après des grands couturiers mais cela représente une minorité.
Le vêtement doit avant tout être pratique c'est pourquoi les créateurs rivalisent d'ingéniosité pour en faire des pièces à la fois utilitaires et esthétiques avec peu de moyens.
On essaie donc de renouveler sa garde-robe en fonction de ses besoins et surtout de ses moyens : la garde-robe minimum au-dessous de laquelle une femme est autorisée à faire une demande de bons est « deux robes, deux tabliers ou blouses, un imperméable, deux paires de gants d'hiver, un manteau d'hiver, trois chemises de jour, deux combinaisons, trois culottes, six paires de bas, six mouchoirs ». Les magazines féminins et la radio se mettent à prodiguer des conseils aux lectrices pour contourner les restrictions : elles sont encouragées à choisir des vêtements qui font plus d'une saison, à confectionner elles-mêmes leurs robes en raccommodant des pièces de tissus différents. Les femmes sont sommées de tirer profit du moindre bout de tissu pour confectionner par elles-mêmes de nouvelles pièces sans points ni marché noir, la récupération devient donc indispensable car il n'y a pas moyen de faire autrement. On récupère même le fil de vieux vêtements.
Dans ce même esprit de récupération se développe le marché aux Puces qui est un bon moyen de trouver à bas prix des pièces de qualité.
Dès le début des hostilités le tailleur s’impose et le gouvernement met en avant une mode géométrique, structurée dont les modèles « sont adaptés aux circonstances présentes : sobriété dans les coloris et simplicité dans la ligne ». Cependant, ces silhouettes se révèlent pleines de créativité quand on s’intéresse aux accessoires de mode, souvent extravagants et démesurés. L’inventivité dans la mode chez les Parisiennes sous l’occupation témoigne d’un devoir de « dignité » face à l’occupant. Si les gants et surtout les chapeaux témoignent d’une résistance face à l’austérité imposée par l’occupation.
Des matières comme le caoutchouc, les vieux pneus, l'acier, le bois ou la paille tressée sont utilisées comme ressemelage pour remplacer le cuir. Les bottiers s'efforcent toutefois de créer des gammes de chaussures séduisantes et accessibles. La semelle de bois devient un grand classique de la mode sous l'occupation. Pour remplacer le bas de soie, perçu comme un accessoire indissociable de l'élégance, la parfumerie Elisabeth Arden trouve une parade : elle invente une lotion pour se teindre les jambes et lui associe un crayon noir pour dessiner la couture du vrai bas, cela a un succès immense, si bien que d'autres marques se mettent aussi à commercialiser ce produit qui permet de porter un « bas sans maille » qui ne file pas.
Les maroquiniers imaginent de grands sacs munis d’un compartiment propre à dissimuler le masque à gaz. À côté du sac à main traditionnel, apparaît le sac à main en bandoulière, plus adapté aux déplacements à bicyclette. Comme le ravitaillement n’était plus transporté que de cette façon, les sacs deviennent plus grands.
Chaque maison de couture a sa propre façon de réagir à l'occupant : cela va du refus net de collaborer à la collaboration pleine et assumée. Par exemple Alix brave les interdits des règles strictes de métrage et n'a que faire des restrictions, elle confectionne même des modèles bleu blanc et rouge qui exaspèrent les Allemands, sa maison est fermée en janvier 1944. Le couturier espagnol réfugié à Paris, Cristóbal Balenciaga est lui aussi obligé de cesser ses créations. Jeanne Lanvin se contente de relations minimales avec les Allemands quant à Jacques Heim qui est juif, il fait l'objet d'une surveillance très poussée, il lui est interdit de faire du commerce, sa maison de couture est même victime des lois de l'aryanisation et il est remplacé par un administrateur aryen. Certain maisons choisissent de cesser une partie de leurs activités durant les années d'occupation comme Schiaparelli, Chanel et Molyneux. Le cas de Gabrielle Chanel est sujet à des polémiques : la relation amoureuse de « Mademoiselle » avec un officier allemand est connue de tous mais son degré de collaboration avec les officiers allemands est source de controverses. D'autres maisons de coutures n'auront aucun scrupule à collaborer avec les Allemands et à faire des affaires avec eux ou avec les trafiquants du marché noir. C'est le cas de Jacques Fath qui participe à toutes les réunions franco-allemandes et Marcel Rochas sont des interlocuteurs réguliers des Allemands et des établissements comme Révillon et Toutmain acceptent de fournir l'armée allemande en gilets de fourrure.
À la Libération pourtant, l'épuration touche très peu le milieu de la mode et de la haute couture. On peut expliquer les raisons de ces réticences à juger les grands couturiers auteurs de collaboration par motifs économiques. En effet il apparaît difficile au sortir de la guerre d'empêcher les grandes maisons de couture de mettre leur savoir-faire au service du redressement du pays puisque le domaine du luxe est directement exploitable et très rentable. De toute évidence, les États-Unis, les pays d'Amérique latine et les Européens en général sont très demandeurs des produits de luxe français après en avoir été privés pendant des années. Ainsi on ferme les yeux sur les trop grandes complaisances faites aux Allemands quand les auteurs sont de grands créateurs très demandés aux qualités indéniables.
Le prestige et le savoir-faire français des créateurs de mode parisiens sont enviés par les Allemands. La mode est un des rares domaines qui conserve son prestige et son rayonnement intact après la défaite c'est pourquoi les Allemands vont tout faire pour s'immiscer dans le petit cercle de la haute couture parisienne. Certaines associations féminines allemandes s'insurgent contre le diktat de la mode française par exemple la Bund Deutsches Frauens souhaite même « la libération de la tyrannie de la haute couture parisienne ». Le Reich allemand a même l'intention de faire de Berlin le centre culturel et artistique de la nouvelle Europe aux dépens de Paris en transférant les ateliers des créateurs à Berlin et à Vienne. Ils renonceront à ce projet qui n’apparaît pas comme une priorité et la mode française restera autonome mais elle devra traiter étroitement avec l'occupant pour se maintenir.
La haute couture française ne doit pas seulement lutter contre l'occupant allemand, elle est également concurrencée par la mode américaine. En effet les américains innovent grâce à une industrie compétitive et bien gérée. Ainsi le ready-to-wear américain se développe considérablement : les modèles sont reproduits à grande échelle dans différentes tailles et des catalogues de vente par correspondance les présentent sur des vedettes de cinéma comme Gloria Swanson ou Joan Crawford.
Lauren Bacall et Humphrey Bogart
À la Libération, le 25 août 1944, les GI's américains apportent dans leurs bagages bas nylons, cigarettes, jazz et autres charmes de la société de consommation made in USA qui s’ancrent durablement dans la culture de la mode à la française. En contrepartie, beaucoup d'entre eux ramèneront des flacons de N° 5 de Chanel à celles qui les attendent outre-Atlantique...
Chez les hommes, les règles de rationnement ont été encore plus strictes. De ces contraintes naîtra une nouvelle mode masculine : celle du zazou. Cet accoutrement est inspiré du zoot suit d'origine afro-américaine : veste trop longue, au épaules tombantes, aux tissus voyants, pantalons serrés en entonnoir à dix centimètres au-dessus de la cheville, souliers à triple semelles, socquettes blanches et fine cravate, le zazou définit une nouvelle silhouette, une nouvelle mode qui se veut résolument jeune. Mais le zazou symbolise aussi un nouvel état d'esprit. Il s'agit du premier mouvement de revendication populaire d'une jeunesse qui impose ses propres codes : jazz, swing, le zazou danse sur les rythmes américains et entend bien s'exprimer contre la toute-puissance de ses aînés.
D'après Wikipédia