Sujet politiquement incorrect à l’approche des fêtes de Noël et du Nouvel an,
est-il possible à l’humain d’aimer les animaux …autrement que dans les deux sens du verbe ?
Le buzz s’est répandu sur le Web dès le 27 novembre 2014, date de la publication d’un article du journal italien
"Corriere della Sera"
qui a annoncé la nouvelle : « Il Papa e gli animali : "Il Paradiso è aperto a tutte le creature". ». Le "New York Times" a rediffusé cette information le 11 décembre 2014 et elle semblerait être
arrivée en France le lendemain par le "Huffington
Post" grâce à son édition américaine. Lors d’une audition au Vatican, le pape François aurait consolé un enfant attristé par la mort de son chien en lui disant : « Un jour, nous
reverrons nos animaux dans l’éternité du Christ. Le Paradis est ouvert à toutes les créatures de Dieu. ».
Ces déclarations, qui ne seraient que des paroles d’apaisement auprès d’un enfant et n’auraient donc aucune
valeur officielle, paraissaient en effet de bon sens. Toute personne qui a un animal domestique, quel qu’il soit d’ailleurs, chat, chien, etc., se rend bien compte que l’affection mutuelle
qu’elle peut échanger avec son animal n’est pas seulement "matérielle" et qu’il y a un petit plus qu’on retrouve bien sûr dans les relations entre les humains. Une communication spécifique peut
facilement s’établir entre un humain et un animal (aussi différent soit-il, j’ai déjà eu l’occasion de m’en apercevoir avec des animaux même sauvages), et ainsi, créer des liens qui peuvent être
très forts et solides (qui ont inspiré d’ailleurs de très nombreux romans, films et séries télévisées).
Logique aussi si l’on s’en tient à l’Évolution, l’être humain n’étant qu’une créature parmi les autres, un
animal avec un peu plus de finitions que les autres, mais sans doute appelé aussi à évoluer dans la longue chaîne de l’Évolution. À ce compte-là, les végétaux, les champignons, et même les
bactéries sont aussi des êtres vivants et devraient bénéficier, eux aussi, du respect bienveillant des
autres vivants.
D’ailleurs, le pape François l’avait déjà évoqué lors de sa venue au Parlement Européen le 25 novembre 2014 : « Notre Terre a en effet besoin de soins continus et d’attentions.
Chacun a une responsabilité personnelle dans la protection de la création, don précieux que Dieu a mis entre les mains des hommes. Cela signifie, d’une part, que la Nature est à notre
disposition, que nous pouvons en jouir et en faire un bon usage. Mais, d’autre part, cela signifie que nous n’en sommes pas propriétaires. Gardiens, mais pas propriétaires. Par conséquent, nous
devons l’aimer et la respecter, tandis qu’au contraire, nous sommes souvent guidés par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, d’exploiter. ».
Même les États commencent d’ailleurs à "s’y mettre". Alors que l’animal en France est juridiquement considéré comme un bien meuble (comme une chose,
un objet), les législateurs français ont cependant apporté quelques jalons juridiques pour mieux le respecter.
Ainsi, le 30 octobre 2014, les députés ont adopté un projet de loi qui insère dans le code civil la
reconnaissance de la sensibilité des animaux avant le titre Ier du livre II en tant qu’article 515-14 : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens
corporels. ».
Évidemment, toutes ces considérations vont assez mal avec le caractère carnivore de beaucoup d’humains (dont
moi hélas), qui pourraient toujours garder bonne conscience en portant attention sur la souffrance des animaux, sur la manière de les abattre pour que cela se fasse avec le plus de "respect"
possible, mais tout le monde conviendra que le premier respect, c’est bien sûr de ne pas les massacrer, de ne pas les chasser, de ne pas s’en nourrir.
En ce qui me concerne, je m’en tiens à ne jamais tuer personnellement un animal par caprice (pourquoi écraser
une araignée alors qu’elle mérite autant que moi de vivre ?) mais j’ai bien conscience que je continue bien sûr à nager dans l’hypocrisie la plus totale dès que j’avale de la viande ou du
poisson, ou dès que je me chausse avec des chaussures en cuir, ou avec plein d’autres habitudes de vie qui sacrifient les animaux.
C’est d’ailleurs un vrai problème philosophique, cornélien. Bien sûr que la viande est bonne, est même
nécessaire, mais en quantités modérées, que sans les élevages, certaines espèces disparaîtraient, que si ce n’est pas l’homme, ce seraient d’autres prédateurs qui s’en nourriraient, que la
priorité essentielle, c’est d’abord que tous les êtres humains aient de quoi manger, que la chaîne alimentaire n’est qu’un immense carnage dans la Nature dont l’humain n’est pas responsable (les
documentaires animaliers se résument souvent à un lupanar généralisé et à une illustration terrible de la lutte classique entre prédateurs et proies).
On peut imaginer les conséquences qu’il pourrait y avoir d’un point de vue légal (pour la législation
française) et d’un point de vue moral (en particulier pour les croyants) si la religion ou l’État mettaient les animaux au même niveau d’exigence de respectabilité que les humains. Surtout à une
semaine de Noël où il est de coutume de se "bâfrer" avant de s’imaginer quelques bonnes résolutions après les fêtes.
En fait, l’information était erronée. "Slate" en a d’ailleurs fait un article le 15 décembre 2014. Tout l'historique de la rumeur est expliquée ici. Ce n’était pas le pape François qui s’était ainsi exprimé, et pas le 26 novembre
2014, mais son prédécesseur Paul VI mort en 1978 ! Il est d’ailleurs probable que le Vatican soit beaucoup moins ouvert que le pape François
sur cette question.
Dans son allocution place Saint-Pierre de Rome du 26 novembre 2014, le pape François avait cependant bien
exprimé des propos assez proches, mais sans citer explicitement les animaux, en évoquant « tout ce qui nous entoure et a émergé de la pensé et du
cœur de Dieu ». Le porte-parole du Vatican, qui avait tenu à démentir les propos prêtés au pape François, a cependant affirmé : « Il
est clair que [le pape] est en harmonie spirituelle avec la création toute entière. ». Cela fera d’ailleurs l’objet de sa prochaine encyclique sur le thème de l’écologie, sujet
"moderne" s’il en est.
Après Paul VI, le pape Jean-Paul II aussi croyait en l’âme des animaux et pensait qu’ils pouvaient
être « aussi proches de Dieu que les hommes peuvent l’être ». Le 10 janvier 1990, il disait ainsi : « Non seulement les humains mais aussi les animaux ont un souffle divin. ».
Parions que le respect vis-à-vis des animaux se renforcera au fil du temps. Ce sera sûrement un point positif même si cela n’empêchera pas les humains
(dont moi) d’être d’affreux carnivores. Et parions que des publicités comme j’ai pu en voir récemment, par exemple cet été à la télévision, qui vantaient les mérites de tel insecticide sur le
fait de tuer efficacement des moustiques, tuer étant le maître mot du slogan, seront vite oubliées dans les décennies prochaines et choqueront même nos arrière-petits-enfants comme nous pourrions
être choqués par certains messages publicitaires des années 1950.
Le sujet sur les animaux est important dans la société humaine car de plus en plus de traitements faits sur les animaux sont désormais inacceptables
par un nombre croissant de personnes. L’évolution de la morale urbaine ne s’accommode plus d’un discours lénifiant sur l’affection portée aux animaux de compagnie sans prendre en compte les
horreurs commises pour manger de la viande.
Une sorte de schizophrénie du double sens d’aimer, de laquelle j’aurais du mal à sortir moi-même. Cela ne m’empêche donc pas de souhaiter à tous un
bon réveillon !
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (18 décembre
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La sensibilité des animaux reconnue par le code civil.
Les chasseurs…
La vie dans tous ses
états.
Le pape François.
Le pape Paul VI.
Le pape Benoît XVI.
Le pape Jean-Paul II.