ma femme me trompe...

Publié le 18 décembre 2014 par Dubruel

d'après UN SOIR de Maupassant

Dès le lycée, j’étais en fait

Une manière de poète

J’avais écrit un volume de vers,

Mais je n’en vendais aucun exemplaire.

Ensuite, j’ai fondé une revue

…Que personne n’a jamais lue.

Puis, je devins amoureux d’Andrée

Et nous fûmes bientôt mariés.

Elle n’avait cure

Que je fusse romancier.

Elle ne pensait qu’aux affaires

Et aux affaires prospères,

Celles qui procurent

Beaucoup d’argent.

Je lui achetai à Nogent

La Librairie des Mousquetaires

Qui devint vite un salon littéraire.

Les lettrés y causaient

Poésie et politique. On glosait.

Nos habitués étaient Guy Froment

Un grand garçon,

Un beau garçon,

Aux yeux complimenteurs,

Christian Barbet, professeur,

Deux voisins, Labarre et Marcouset,

Et le général marquis Pierre de Brézé,

Chef du parti royaliste,

Soixante-seize ans, héraldiste.

Ma femme dirigeait la vente.

Moi, dans une pièce attenante,

J’écrivais mon premier roman.

Un jour, rue du Sacré-Cœur,

En allant chez mon éditeur,

Je marchais derrière une dame

Qui ressemblait à ma femme

J’ai pensé : ’’Que ferait-elle ici

Puisqu’elle a entrepris à la librairie

Un nouvel aménagement ?

Ce n’est pas elle assurément…’’

Mais elle se retourna par hasard :

-« Tiens, te voilà, c’est bizarre,

…J’étais justement venue

À la menuiserie Cornu

Commander nos étagères. »

(Oh, l’affirmation mensongère !)

-« Tu rentres à la boutique ? »

-« Mais oui, mon cher Eric. »

Pressé, je la quittai et partis.

Pourquoi avait-elle menti ?

J’eus alors le vif sentiment

Qu’elle avait un amant.

Depuis, quand je devais sortir,

Je me disais: ’’Il va venir, le satyre !’’

J’étais jaloux ; aucune hésitation.

Ha ! Comme je regrettais l’Inquisition !

J’aurais écrasé ses mains coupables

Dans des étaux redoutables.

J’aurais crié : -‘’Allons, parle, avoue ! ‘’

-‘’Non !’’ Alors, dans l’eau qui bout,

J’aurais plongé ses pieds

Afin de l’estropier à jamais.

Andrée dinait souvent

Avec nos clients

Au Relais du Carrousel,

Rue de Seine,

…Alors, j’ai acheté le maître d’hôtel

Et imaginé la scène :

‘’J’entre. Une table de ce restaurant

Sépare les deux amants.

Le coupable est Froment.

À coups de canne, je l’assomme.’’

Mais,

Quand je suis arrivé à la brasserie,

Le vénal majordomme

M’indiqua une porte dérobée :

-« Ils sont là, dans ce salon privé. »

Sans frapper, il m’introduisit.

Andrée n’embrassait pas Froment

…Mais Brézé, le vieux marquis !

J’en suis resté abasourdi.

Ma femme s’était entichée

D’un genéral débauché !

Les femmes se donnent aux jeunes, aux vieux,

Pourvu qu’ils soient riches ou glorieux.