Perdu au cœur des montagnes embrumées, le village aux Huit Tombes tient son nom d'une légende sanglante remontant au XVIe siècle, huit samouraïs s'y étaient réfugiés, caché un trésor et été assassinés par les villageois. Depuis une malédiction semble peser sur les lieux. Des siècles plus tard, Tatsuya le narrateur, un jeune homme au passé mystérieux, arrive au village et se trouve aussitôt en proie aux soupçons quand autour de lui les morts par empoisonnement se succèdent.
Pour apprécier ce bouquin, l’éventuel lecteur devra toujours le remettre dans son contexte, à savoir qu’il date des années cinquante et surtout que c’est un roman japonais. Il a donc le charme désuet des romans policiers de cette époque et l’aspect dépaysant de son milieu culturel. Si vous êtes familier des romans japonais vous y retrouverez ces particularités locales comme les surfaces des pièces calculées en tatamis ou encore ces ambiances de mystère qui semblent intrinsèquement liées à la culture japonaise où s’immiscent fantômes vrais ou faux, traditions ancestrales et légendes, lignées généalogiques.
Nous avons tout cela ici, beaucoup de mystères, un réseau de souterrains secrets, un vieux trésor caché, des liens familiaux complexes et au cœur de l’intrigue, des cadavres à la pelle, de la peur et de l’amour… L’enquête est menée par le narrateur, lui-même suspect un temps et par un commissaire de police dépêché sur les lieux ainsi que par un détective Kôsuke Kindaichi (héros récurrent de l’écrivain) « Cet homme aux cheveux hirsutes bégayait et ne payait pas de mine. Mais nous allions voir nous-mêmes combien il excellait. » Détective dont les méthodes rappellent très vaguement celles d’Hercule Poirot (dans l’explication finale).
Le roman est agréable à lire même s’il n’échappe pas à quelques défauts, Tatsuya est toujours en nage d’effroi, les acteurs ont le visage stupéfait, leur sang se glace, Seishi Yokomiso use et abuse de ces tournures de phrases pour angoisser le lecteur et la construction du roman utilise le procédé de la fin de chapitre où le héros se retrouve dans une situation terrible révélée dans le suivant, toutes ces facilités rendent le bouquin un peu long, peut-être.
Si ce n’est pas un roman indispensable, je lui ai néanmoins trouvé beaucoup de charmes, liés pour une part à son aspect exotique et pour une autre à son côté désuet évoqué plus haut.
« Cette lettre contient-elle une preuve convaincante de ma culpabilité ? – Rassurez-vous. Il n’y a rien. Simplement, l’auteur ne cesse de répéter : le criminel est Tatsuya Tajimi. C’est ça qui est curieux. Vous comprenez, Tatsuya, la personne qui a envoyé ces lettres est loin d’être stupide. Du moins, connaît-elle la technique pour dissimuler son écriture parce qu’elle en a besoin. Or, une personne de cet acabit ne peut pas ignorer que la police ne bougera pas tant qu’on se contente de crier : « Le criminel est Tatsuya Tajimi », sans donner de preuve. Alors que cherche l’auteur ? Qu’espère-t-il comme effet ? Je ne serai pas tranquille tant qu’on ne le comprendra pas. – Son but n’est donc pas de me faire arrêter ? Il vise autre chose ? »
Traduit du japonais par René de Ceccatty et Ryôji Nakamura