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Paris, Montreuil, Nemours, trois mobilisations contre la réforme des ZEP

Publié le 17 décembre 2014 par Blanchemanche
#ZEP

Alors que la carte définitive de la nouvelle répartition académique des réseaux d’éducation prioritaire est attendue ce mercredi, retour sur les mobilisations franciliennes.

Manifestation contre la réforme de l'éducation prioritaire à Marseille, le 9 décembre.

Manifestation contre la réforme de l'éducation prioritaire à Marseille, le 9 décembre. (Photo Boris Horvat. AFP)

La mobilisation ne retombe pas. Depuis l’annonce le 23 septembre par Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education, de la nouvelle répartition académique de l’éducation prioritaire, des dizaines d'établissement en France lancent des actions contre la sortie du dispositif.La nouvelle carte de l'éducation prioritaire, qui doit être dévoilée ce mercredi matin, est déterminée par les rectorats des différentes académies selon un indice social calculé à partir de quatre critères : le pourcentage d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, le taux de boursiers, le pourcentage d’élèves issus de zones urbaines sensibles, et le pourcentage d’élèves en retard à l’entrée en sixième.En Ile-de-France, au moins une cinquantaine d'établissements sont mobilisés contre la sortie de REP (réseau éducation prioritaire, nouveau nom des ZEP).Si les situations sont diverses, parents d'élèves et enseignants racontent tous la crainte de perdre des moyens dans des contextes souvent délicats. Focus sur trois cas franciliens, à Paris, en banlieue proche et dans la grande couronne.

PARIS XE : «LA MIXITÉ EST MISE EN DANGER»

Dans une petite galerie d’art contemporain rue La Fayette, une dizaine de parents d’élèves se retrouvent samedi après-midi pour le vernissage de l’exposition de Nathalie Fiks, mère de deux enfants. Ils échangent sur les dernières actions de mobilisation contre la sortie de ZEP du collège Valmy. Dans ce Xe arrondissement, ancien quartier populaire aujourd'hui gagné par la «gentrification». «On a l’image des petites boutiques sur le canal Saint-Martin, mais à côté de ça il y en a qui vivent dans la rue», raconte Marie-Anne Vernhes, mère de deux élèves des écoles du secteur.Mélanie Catel, architecte, a grandi dans le quartier : «Il y a vingt ans, le quartier était vraiment craignos, il y avait des bandes par-ci par-là, c’était sale. Quand on regarde le prix du mètre carré aujourd'hui, on voit bien que ça a évolué.»Aujourd’hui, le collège Valmy se caractérise par une grande mixité, explique Marie-Anne : «Les élèves de milieux différents se mélangent. Il y a deux, trois "racailles", mais la mixité tire vers le haut. Cette mixité est mise en danger si Valmy n’est plus en REP, parce que les parents qui ont les moyens vont partir dans le privé.»Pour Mélanie, envoyer ses enfants à l’école publique relève d’un «pur choix» : «Tout le monde y a droit», estime-elle. De plus, la situation de ZEP donne des avantages :«Le collège propose des projets, des classes musique, des classes bi-langues. Ils dédoublent les classes, il y a des ateliers, des clubs, des voyages, des classes gratuites pendant les vacances, des activités culturelles et sportives pour les enfants qui n’ont pas la chance de partir en vacances».Nathalie a le sentiment que le rectorat veut diviser les parents et enseignants des différents établissements : «Mais heureusement, grâce aux réseaux sociaux et notamment Twitter, on arrive à se coordonner avec d’autres établissements pour savoir qui se mobilise et quels types d’actions sont entreprises.»

MONTREUIL, SEINE-SAINT-DENIS : «ON PAIE LE PRIX DE NOS PROGRÈS»

Au collège Paul-Eluard, dans le quartier populaire du Bas Montreuil, cela fait désormais trois semaines que les élèves n’ont plus cours. Dans le hall d’entrée, la foule bruyante des collégiens est remplacée par des professeurs et parents d’élèves. Dans une ville parfois érigée en symbole de la mixité sociale, la mobilisation a vite pris des airs de guérilla : occupation des bâtiments du collège, entrée forcée dans les locaux du rectorat pour obtenir un rendez-vous... Les grilles noires qui entourent le bâtiment sont couvertes d’affiches et de banderoles «Touche pas à ma ZEP».Amandine Cormier, professeure de mathématiques depuis huit ans au collège Eluard, est amère : «On a joué le jeu de la REP à fond, on a créé des classes d’accueil, des options latin et grec, et surtout on a pu mettre en place les classes à 25, ce qui représente un levier incroyable pour aider les enfants qui ont le plus de difficulté et éviter le creusement des inégalités de réussite dans les classes».Elle s’insurge contre la réflexion à l'échelle locale du rectorat : «Montreuil s’avère être une des villes de Seine-Saint-Denis qui a connu un certain mieux ces dernières années, c’est donc pour ça que l’on veut nous faire sortir de ZEP ; mais si on avait été dans n’importe quel autre département, il est évident qu’on y serait restés.»«Je ne comprends pas comment le ministère peut dire lutter contre les inégalités si c’est en prenant aux pauvres pour donner aux dépouillés», résume Véronique Servat, professeure d’histoire-géographie au collège Paul Eluard.L’enseignante déplore l'absence de communication entre les enseignants et le rectorat : «Les gens du rectorat et nous, on ne vit pas dans le même monde. Les enseignants ne gèrent pas des boîtes de conserves ! Ce qu’on voit en classe chaque jour, ce sont des gamins qui ont des doutes, des angoisses, et dont les soucis de la vie familiale affectent aussi les résultats scolaires.»Avant d'ajouter: «L’un des grands dangers de cette réforme, c’est qu’en incitant les profs à partir, on va casser la stabilité des équipes pédagogiques alors que c’est justement ce qui donne un repère aux élèves et aux parents.»

NEMOURS, SEINE-ET-MARNE : «CE N’EST PAS PARCE QUE LES JEUNES NE BRÛLENT PAS LES VOITURES...»

Nemours est une ville d’entre-deux. Ni urbaine, ni rurale, ni Paris, ni vraiment province. Chaque jour, le Transilien emmène vers la capitale des centaines de travailleurs. Autour du centre-ville, des cités, d'où viennent la plupart des élèves du collège Arthur-Rimbaud, d’après Cécile Dabadie, professeure d'histoire-géographie:«Leurs parents travaillent majoritairement à Paris. Enfin, quand ils travaillent. Le chômage augmente de plus en plus», explique-t-elle.Stéphanie, professeure d’EPS, décrit une «misère sociale et culturelle». A deux heures de Paris, et à une demi-heure du cinéma le plus proche, les enfants n’ont pas accès à la culture. «Ils sont souvent très nombreux dans des petits appartements, ils n’ont pas d’espace pour faire leur devoirs, il y a du bruit… et souvent les parents ne peuvent pas beaucoup aider.»Face à cette situation sociale, Cécile est persuadée que les statistiques n’ont pas déterminé le choix des établissements qui sortiront de ZEP : «Le choix des établissements a été totalement arbitraire. Le collège Balzac est à 500 mètres du collège Rimbaud, on recrute dans les mêmes écoles, on a le même type d’élèves, et eux restent en REP alors que nous on sort.»Elle poursuit : «Il y a quatre collèges du secteur qui sortent de REP. On sacrifie toute la grande couronne péri-urbaine rurale d’Ile-de-France. Le ministère achète la paix sociale en Seine-Saint-Denis en enlevant nos moyens ici. Mais ce n’est pas parce que les jeunes ne brûlent pas les voitures qu’on n'a pas de problèmes. Ils ajoutent un handicap à un établissement qui va déjà mal. On manque de ressources basiques : pas de vidéoprojecteurs, d’enceintes, pas d’ordinateurs dans les salles…» Au bout d’un mois de mobilisations, la colère et le ras-le-bol se font sentir parmi l’équipe d’enseignants. Grèves et manifestations se poursuivent depuis fin novembre. Les parents, quant à eux, se sont moins mobilisés qu’ailleurs : «Ils n’ont pas beaucoup de moyens, ils ne comprennent pas trop. Mais quand on a organisé les journées "collège mort", ils étaient beaucoup à participer : la première fois, 95% des parents ont gardé leurs enfants à la maison.»Marie Boitel-Robert, mère de trois enfants, deux à l’école et un au collège Rimbaud, explique ses inquiétudes : «Les enfants sont conscients du problème. ils ont peur pour leurs projets. Mon fils m’a demandé s’ils auraient des sorties. Déjà qu’il n’y en a pas beaucoup…»Camille KAELBLEN et Eloïse STARKCAMILLE KAELBLEN ET ELOÏSE STARK 17 DÉCEMBRE 2014 
http://www.liberation.fr/societe/2014/12/17/paris-montreuil-nemours-trois-mobilisations-contre-la-reforme-des-zep_1164919

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