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Interview verveine │« vouloir le faire, coûte que coûte»

Publié le 16 décembre 2014 par Acrossthedays @AcrossTheDays

La première impression sur scène, c’est cette froideur, cette distance. Seule, dans une quasi obscurité. Seule face à ses machines, musique puissante et voix intense. Verveine emporte loin mais n’endort pas. La preuve : L’Ubu, ce vendredi 5 décembre, a fait salle comble. Les 36e Rencontres Transmusicales ont honoré la jeune suisse, et elle a su les remercier en live. La seconde impression, le lendemain, dévoile une toute autre Verveine. Non plus mystique et atmosphérique mais drôle et souriante. Un double plaisir donc dans cette rencontre, qui nous a permis non seulement de découvrir avec plaisir son univers, mais aussi d’en apprendre plus sur l’artiste.

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Ce sont tes premières Transmusicales ?

Oui, malheureusement je ne suis jamais venue aux Trans. J’en avais évidemment déjà entendu parler mais non, j’ai loupé cet événement depuis quelques années. Mais c’est super et j’aime bien Rennes, je trouve qu’il y a une bonne énergie.

Tu as commencé à faire de la musique en duo je crois…

Oui sous le nom de Verveine on était deux, mais dans en tout autre projet musical qui était plutôt folk, rock voire garage, et il n’y a pas de lien direct avec ce que je fais maintenant. Mais c’est vrai que le nom est sorti lorsque j’étais en duo. C’est assez anecdotique parce que le nom est sorti lorsque j’avais 18 ou 19 ans mais ce sont mes premières expériences scéniques, donc je le compte quand même comme une expérience importante. Après, j’ai une formation de pianiste à la base, j’ai fait 15 ans de piano classique, et après je me suis retrouvée en solo et j’étais pas vraiment attirée par exploiter uniquement ma voix et le piano, j’avais envie d’élargir les possibilités, et donc je me suis attelée à découvrir et à travailler avec des machines. C’est un apprentissage sur le tas et je suis encore une novice.

Comment tu as pris la décision de faire de la musique toute seule ?

Ca s’est fait assez naturellement. Je crois qu’il y a ce moteur de vouloir le faire, coûte que coûte, de vraiment vouloir travailler sur le son, sur ce projet musical, et sans compromis. Quand on a 20 ans, tout le monde est sujet à partir dans toutes les directions, mais monter un groupe à cet âge là c’est hyper difficile. Donc moi j’ai pas attendu, j’ai décidé, « ok je le fais seule ». Mais ce n’est pas une décision extrêmement radicale, je suis complètement ouverte à travailler avec d’autres gens mais il y a cette volonté de trouver ma propre couleur, mon propre touche, construire quelque chose pour moi-même aussi.

Du coup en live tu es aussi toute seule, tu comptes pas t’entourer ?

Je n’ai pas l’impression que Verveine puisse devenir un groupe. Il y a des chances pour que sporadiquement il y ait des interventions d’autres musiciens. Mais on verra, je dis ça maintenant mais on verra dans quelques temps.

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Tu as auto-produit ton album, tu as fait du crowdfunding. Comment s’est prise cette décision ?

J’ai vu ça comme un bon ajout et un joker à mon budget. Ça peut être très intéressant pour des personnes émergentes qui ont des projets neufs qu’ils portent de nulle part mais je compte pas le voir comme le financement total de mon projet, ça ne suffit pas à mon avis. Mais je trouvais ça intéressant comme expérience. J’avais ma sœur qui est metteur en scène et qui était passée par là pour sa première mise en scène, j’avais cet exemple. C’est comme ça que je me suis dis « ouais je vais le faire ».

Comment tu t’es retrouvée sur DKLK Records ?

C’est une rencontre très ancienne parce que chronologiquement, au moment ou je me suis retrouvée avec ce projet je les ai trouvé. Il y a un atelier à côté de Lausanne en Suisse qui est un grand espace qu’une quinzaine de personnes partagent dans des disciplines artistiques différentes, et moi je suis juste arrivée là par hasard. J’ai demandé s’ils avaient des locaux musique et il s’avérait que oui. Je suis juste rentrée et finalement je suis restée là-bas pendant quatre ans. Le berceau de Verveine c’est ça, et à l’intérieur de ce lieu il y a un label qui s’est crée un peu en même temps que ma présence sur place, qui s’appelle DKLK records. Ce sont vraiment des potes qui sont des grands acheteurs et mélomanes, qui adorent les vinyles et qui en créent par passion.

C’était important pour toi de faire une sortie vinyle ?

Sans hésitation : oui. C’était important. Je trouve que c’est intéressant de mélanger l’objet à la technologie. Je trouve que le vinyle c’est un objet intéressant en soit, plus intéressant qu’un CD, visuellement aussi. Il y a quelque chose… quand même pas poétique, mais le rapport est différent. Et le son est meilleur. Ensuite, il y a un code de téléchargement à l’intérieur donc ça te permet d’avoir l’album sur ton ordi, de le mettre sur ton iPhone… ça permet de mélanger les deux technologies.

Dans ta musique tu sembles mélanger les styles, l’électronique, le folk, le chant..c’est expérimental, tu ne te donnes aucune barrière dans la composition ?

Aucune, clairement. Je trouverais ça vraiment dommage de me censurer. Après, le premier album a encore son influence folk et rock et un grand travail sur le piano puisque c’est l’instrument que je maîtrise le mieux. J’avais ce réflexe là de composer au piano, et donc c’est vrai que c’est assez marqué sur l’album. Depuis une année j’ai commencé à vraiment bosser à fond sur la machine et sur un aspect plus électronique, j’ai commencé à faire des prods beaucoup plus techno aussi. J’ai un EP qui sort en mars 2015 et là on sent l’évolution, je me suis dirigée vers une case un peu plus club, un peu plus électro radicale on va dire, mais j’ai gardé ce mélange parce que j’utilise ma voix.

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Mais 15 ans de formation classique en piano ça ne complique pas un peu le passage à la machine ?

Par réflexe et par besoin je ne me suis pas dirigée vers l’ordinateur. Mon travail c’est le travail de la musique électronique hardware, sans logiciel, donc je reporte un peu ma pratique pianistique sur une machine et le lien à l’instrument est très important pour moi. L’ordinateur peut être un instrument mais je le vois plus comme un outil, que je n’utilise pour le moment pas du tout. Donc oui le passage est un peu compliqué, mais en même temps j’en ai fait une matière que je manipule.

Donc tu utilises quelles machines ?

J’ai une boîte à rythme qui est à la base de mon set-up, un séquenceur. Puis j’ai la plupart du temps deux ou trois synthés, je pourrais en avoir une multitude de plus mais ça sert à rien puisqu’en live je dois maîtriser beaucoup trop de choses et ça deviendrait ridicule. Donc deux ou trois synthés, ma voix, et la petite subtilité c’est que j’ai un looper qui boucle mes sons et qui me permet de faire des couches, et donc c’est mon système actuel. Rien n’est pré-enregistré.

Ce n’est pas trop compliqué en live de gérer la voix et les machines ?

Si mais c’est ça qui est bon ! Moi j’aime bien cette complexité. J’aime bien l’idée d’être une « chef d’orchestre » à mon niveau, et ce danger, si je me plante je n’ai pas de filet, l’erreur est complètement possible. J’aime ce risque. Il y a aussi une grande place à l’improvisation, ce qui n’est pas possible avec le son pré-enregistré pendant lequel tu cours un peu après ta piste, alors que là moi c’est pas possible. Et d’ailleurs il n’y a pas deux concerts que je fais pareil. J’aime cette idée, là on a une pratique qui est assez proche d’une musique improvisée, finalement du jazz, et on retrouve complètement mon cursus pianistique et plus classique.

Il y a quelque chose d’un peu mystique dans ta musique qui ressort super bien pendant ton live. La lumière, l’obscurité, la voix puissante…

Je ne suis pas quelqu’un qui a une énorme conscience de ce que je produit, c’est à dire que je m’arrête quand ça me plaît. Après ce que ça évoque sur les gens j’ai pas de pouvoir dessus et je ne veux pas en avoir. La réception est quelque chose dans laquelle je ne veux pas me mouiller. Mais c’est vrai que je travaille sur quelque chose d’un peu dramatique, pour l’instant en tout cas, mes compos sont assez sombres, assez chargées. Et il y a aussi un gros travail sur l’instrumental, je ne suis pas que chanteuse, il y a une compo. C’est aussi quand même une histoire, je raconte une histoire, même si c’est sans les mots. Mais j’aime bien éventuellement emmener les gens, les sortir un peu, il y a quelque chose d’un petit peu cinématographique aussi je pense.

La musique prime sur les mots ?

Oui complètement, et d’ailleurs il y a plein de compos qui sont sans chant. Le chant c’est mon joker. Si je le sens, j’en mets.

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Hier le concert à l’Ubu était complet, plus personne ne pouvait rentrer. C’était surprenant ?

Honnêtement je n’avais pas anticipé tout ce retour, l’émulation. Je ne pensais pas que ça prendrait aussi fortement. Bon il y a aussi un gros travail de promo derrière, sans ça, ça marche pas, ou moins. Mais je crois que c’est une surprise pour plein de gens, on est tous un peu surpris de ce succès. L’album est sorti il y a un peu plus d’un an et depuis j’ai fait énormément de concerts et aussi des gros festivals, pour moi c’est complètement nouveau.

Et ça t’a laissé le temps de préparer la prochaine sortie de 2015?

L’EP est prêt, mais c’est un EP, donc c’est quand même une plus petite prod, et pour le moment je ne me projette pas plus loin. Je sais que j’ai envie bien entendu de produire encore du son mais je ne veux pas me presser.

On a l’impression qu’il y a un vrai travail sur le visuel, les pochettes, les photographies… que tu veux transmettre une certaine image de toi.

Il y a un travail de direction artistique sur l’identité visuelle, ça c’est sûr. C’est marrant, c’est aussi le fait de ne pas travailler sous mon vrai nom, il y a forcément un truc entre qui tu es dans la vraie vie et le nom que tu utilises sur scène. Et moi j’ai pas cette volonté d’être dans ce personnage excentrique ou autre. Aussi, je suis quelqu’un de très intéressée par tous les arts, et j’aime vraiment avoir la possibilité de toucher à tous ces médiums là, avoir une idée précise de ce que je veux comme photos de presse, comme clip, tout ce qui entoure mon travaille de musicienne, c’est important. J’adore pouvoir travailler sur plusieurs domaines. J’utilise ma personne pour les photos de presse mais dans le reste j’apparais jamais et pour le moment j’imagine pas du tout me mettre en représentation. Mais par contre avoir une cohérence sur la ligne visuelle c’est super important.

Tout l’ensemble est sobre, cohérent, souvent obscur, sombre…

Ouais carrément, mais là l’EP qui sort aura un visuel super différent. J’ai eu besoin de couleurs, un peu plus, c’est pas non plus mystique mais il y a un truc un peu irréel que j’aime assez. Et aussi un peu d’auto-dérision, parce que là Verveine, c’est très sérieux, très frontal. Mais je suis quand même quelqu’un dans la vie qui a pas mal de second degré et j’en avais envie. J’espère que ça sera ressenti comme ça, je ne sais pas si ça va l’être. Mais j’aime bien avoir un peu de dérision.

Et la musique plus club, ça t’a permis de te lâcher d’avantage ?

L’EP est sur deux ans. Donc en deux ans j’ai changé tellement d’idées qu’il y a des prods qui ressemblent encore un peu à l’album, puis ensuite on part vraiment dans des choses plus techno que j’ai fait plus récemment. C’est assez représentatif du travail que j’ai fait depuis un an et demi.


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