La volonté du gouvernement de permettre aux grandes surfaces d'ouvrir leurs portes le dimanche ne plaît pas aux patrons de Carrefour, Système U et Leclerc.
Les adversaires de la loi Macron ont reçu un renfort inattendu. Georges Plassat, président du groupe Carrefour, a indiqué, lundi sur France Inter, qu'il était opposé à l'ouverture dominicale des magasins, notamment des hypermarchés, comme prévu dans le projet de loi sur la croissance présenté mercredi 10 décembre en Conseil des ministres par le ministre de l'Economie.
Une position qui peut paraître surprenante. Mais, à y regarder de plus près, deux arguments poussent la grande distribution à défendre le repos dominical.
Parce qu'elle n'a rien à y gagner
Pour Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution contacté par francetv info, il n'y a rien d'étonnant : "La grande distribution vend majoritairement de l'alimentaire, or ce secteur n'est pas élastique à l'amplitude horaire." En clair, ouvrir les magasins le dimanche ne fera pas acheter plus de nourriture aux consommateurs. "Quels que soient les jours d'ouverture des supermarchés, vous continuerez toujours à manger trois fois par jour, pas plus."
C'est surtout le surcoût lié à une ouverture un jour supplémentaire, alors que la consommation ne variera pas, qui fait reculer les patrons de la grande distribution. "Les hyper et supermarchés n'ont aucun intérêt à ouvrir le dimanche, martèle Olivier Dauvers. Au contraire : ils perdraient de l'argent à payer leurs salariés, le chauffage, la lumière…"
Pas étonnant dès lors que Serge Papin, le patron de Système U, ait à son tour plombé l'ouverture des magasins le dimanche, mardi sur BFMTV, estimant qu'elle "ne créera[it] pas d'emplois" et qu'elle "ne suffira[it] pas à relancer l'économie française".
Le travail le dimanche "ne créera pas d'emplois... par BFMTV
De son côté, Michel-Edouard Leclerc, patron du groupe du même nom, a affirmé sur France Inter, le 17 novembre, ne pas être "demandeur" d'un élargissement de l'ouverture dominicale pour les hypermarchés. "On ne croit pas que ça va créer plus d'emplois. (…) Le repos dominical, ça fonctionne, ça permet aux familles d'être ensemble (…). La loi actuelle nous va très bien."
Parce qu'elle veut défendre ses magasins de proximité
Les plus farouches adversaires de l'ouverture des grands magasins le dimanche sont les petits commerçants des centres-villes. Ils craignent de voir leur clientèle attendre le dimanche pour faire ses emplettes dans les grandes zones commerciales à la périphérie des villes. Et aux côtés de ces boulangers, bouchers, libraires et autres quincailliers inquiets, on trouve… la grande distribution.
En cas de vote de la loi Macron, les magasins de proximité, type Carrefour City, Franprix ou U Express, souffriraient en effet de la concurrence des grandes zones commerciales, douze dimanches par an. Or ces petites structures sont devenues un enjeu important pour les groupes de la grande distribution. En 2013, elles ont réalisé à elles seules près de 16% des ventes des produits de grande consommation en France, estime le cabinet IFLS, spécialisé dans la distribution.
Récemment, le directeur exécutif de Carrefour Proximité a révélé que les ventes de cette branche, qui représente près des trois quarts des enseignes du groupe, avaient progressé de 26% en cinq ans. Rien d'étonnant donc à ce que Carrefour ait racheté, en juin 2014, les 800 magasins du discounteur espagnol Dia, fortement implanté à Paris et dans les villes du sud du pays. Ils seront pour une grande partie transformés en Carrefour Market ou Carrefour Contact, comme l'explique Capital.
Beaucoup de ces petites surfaces sont déjà autorisées à ouvrir le dimanche matin. Selon LSA, si Carrefour ou Système U sont très véhéments contre l'ouverture des grands magasins le dimanche, c'est aussi pour empêcher Leclerc, qui axe sa stratégie sur les hypermarchés, de prendre le dessus lors des achats dominicaux. La guerre des grandes surfaces ne connaît pas de repos.
publié le 10/12/2014