Le sport, les femmes, et le sexisme

Par Marine @Rmlhistoire

Salut internet, l’autre jour sur Twitter, je suis tombée sur quelques liens de revues Gallica du brillant @blouzouga. Plein de lol, en découvrant la Culture Physique. Une revue bimensuelle du début du XXème siècle qui parle de sport, d’exercices, mais surtout de musculation et d’haltères. Il y a des pubs un peu partout, qui sont assez drôles, et des exercices à faire chez-soi. Le gros gros délire de la Culture Physique, c’est d’avoir un corps comme sous l’Antiquité. Aussi, se prennent-ils en photo à poil pour montrer leurs gros muscles. Jusque là, j’étais dans l’amour de l’autre et la rigolade, quand soudain. Le drame.

Une femme, faire du sport en compétition ? Lol

Donc, on en est là, pour Culture Physique, en 1933, une femme qui fait du sport de compétition, c’est mal. Une femme doit faire du sport pour se maintenir en forme, replacer ses organes, ou préparer son corps à la grossesse. C’est dans un corps en bonne santé qu’on peut élever des enfants sans en faire « des poules mouillées et assurant ainsi la continuité d’une race vigoureuse et bien bâtie ». Si la femme ne fait pas des poules mouillées, en revanche, elle est uniquement une poule pondeuse. Voilà. Mais jamais, oh non, jamais faire du sport pour battre des records. Dans la revue, on nous explique qu’une femme qui arrive à faire un 100m en à peine plus de 10secondes, c’est que vraisemblablement, le DIEU du management sportif s’est « lourdement trompé » en lui donnant son sexe. Cette femme devrait être homme. C’est donc le cas de Florence Griffith-Joyner, une Américaine qui a battu le record mondial dans les années 1980, 10s49. Désolée madame, on va devoir vous appeler monsieur.

Rappelons-nous de la bonne phrase de ce fdp de Coubertin « Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs » eh oui bobonne. 

La femme est flemmarde

Culture Physique nous rappelle que la femme est une grosse loque. Elle n’est bonne à rien si ce n’est à s’exhiber. La femme est généralement une cagole, en maillot de bain, elle prend le soleil et la chaleur comme un cochon sur la broche. La femme, flemmarde et superficielle, qui n’a d’yeux que pour la mode, est l’ennemie de la société, de la productivité et de la race. La revue prend bien soin de nous rappeler que les piscines dans lesquelles les femmes trempent leurs ongles vernis et leurs maillots tout neufs ne sont pas des piscines de compétition. Bin ouais. Il s’agit de piscines de femmes.

La femme se trompe sur son physique

Culture physique nous explique qu’il y a deux genres de meuf. La meuf qui mise tout sur son visage. Genre, elle a le teint frais, pas l’ombre d’une ridule, une bouche un peu pulpeuse et des sourcils épilés, et la connasse elle pense que c’est suffisant. N’importe quoi. Il y a le visage ET les formes harmonieuses. Faut pas déconner, les mecs ils veulent coucher avec une jolie fille aux seins fiers et au cul de rêve.

Le deuxième genre de meuf, c’est les meufs qui arborent la dernière coiffure à la mode, du maquillage outrancier et une robe excessivement chère. À ces dernières, Culture Physique rappelle que la vraie beauté, c’est celle de la Vénus de Milo. Mais avec des bras, je suppose. La revue s’oppose au maquillage outrancier (et ça, c’est pas un mal, mais après, ça dérape) et affirme que jamais les produits « ont été assez puissants pour faire d’une femme laide et sans élégance une femme admirée de tous. Que peuvent faire les fards et les coiffures contre la maigreur d’un visage anémié, que peuvent faire les robes légères contre la graisse qui enfle et rend affreux de partout, ou encore contre la maigreur qui laisse saillir un squelette déformé ? La vraie beauté réside dans un visage aux couleurs saines (…) et dans la ligne harmonieuse de tout l’être physique ».

Du coup, les mecs de Culture Physique proposent donc de sacrifier quelques heures de coiffeur ou couturière pour plutôt fréquenter une salle de sport. Eh oui, parce que la femme recherche par « instinct » et donc « inconsciemment, une santé parfaite, une sveltesse de ligne, une souplesse du corps ». Moi j’ai quand même envie de leur dire, lâchez-moi le gras.

Culture Physique rejette également toutes les pilules pour maigrir, les privations de nourriture, les corsets et ceintures abdominales qui ruinent la santé. Et ça, c’est pas mal. Mais du coup ils foutent la pression pour les cours d’abdos-fessier et la sudation, et les putains d’haltères à ressorts.

 

La femme nature VS la culturiste

Alors, on l’a bien compris. Le sport c’est bien, mais pas dans les compétitions. « Pour la femme, le sport est un devoir une nécessité (…) dans l’intérêt d’elle même, de son mari, et de la race« . Pour bien nous prouver qu’il faut faire du sport, Culture Physique propose deux photos. Une meuf qu’ils appellent « sauvage » et une culturiste. Il parle de la première en énonçant ses « défauts », genre son gras de cuisse, ses lourds nichons, et son ventre. Alors que la culturiste porte le sein fier et la fesse haute. ET TOI ? À QUI TU VEUX RESSEMBLER ? HEIN ? À LA SAUVAGE PEUT ETRE ?

La femme est hystérique, car elle est constipée

Bin oui. Alors là. Accrochez-vous.

La femme est folle, hystérique, changeante. Elle passe ses journées à dormir, ses nuits à s’activer. Elle n’est pas stable, crie sur son pauvre mari, sur ses pauvres enfants, ne s’occupe plus de la maison ni de l’éducation des mômes. Des maux de tête, des maux de ventre, des évanouissements. Elle a le vagin qui la démange, les lavements n’y font rien. Elle n’a pourtant aucune maladie, son mari non plus. Son comportement agace toute la famille. La femme est putain de chiante c’est une catastrophe naturelle, mais attention, Culture Physique à la solution !

Il ne sert à rien de prendre des cachets pour apaiser ou pour exciter les humeurs, ce qu’il faut c’est faire des exercices de respiration et des exercices avec les intestins pour pouvoir se libérer de tous ses maux. En allant à la selle, la femme ne se libère naturellement pas de toutes les toxines, aussi elle s’empoisonne chaque jour un peu plus sans s’en rendre compte. Et elle n’y est pour rien ! Pour nettoyer ses organes, notamment génitaux, la femme doit faire une gymnastique du tronc, du bassin pour que le travail d’expulsion soit assuré, sinon la femme qui est « ignorante et paresseuse » a tendance à avoir recours à des aides étrangères (médicaments, lavements) qui peuvent créer des irritations, des déséquilibres physiques, des troubles nerveux et même mentaux. Bref, rien pour la soigner.

Au final, Culture Physique nous explique qu’il ne faut pas traiter la femme nerveuse avec pitié ni brutalité, ni des discours moralisateurs ou des remontrances, car Messieurs, vos paroles n’ont aucun effet sur la physiologie cérébrale et organique de la femme. Aussi, il faut agir avec sagesse en tonifiant le fonctionnement nerveux de la femme par l’équilibre des organes de toute leur anatomie. Ainsi, d’humeurs meilleures et plus favorables aux coïts, elle pourra « exercer une heure influence régénératrice de la race ». Avoir des gosses en bonne santé quoi.

Et si par hasard, on avait pas compris que chez Culture Physique, y’avait des gros cons :

 

Allez, salut. Je reviens bientôt vous parler des problèmes d’érection liés au sport.

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  • Les liens Gallica de la Culture Physique : Les femmes et la compétition - Bain de soleil sur le sable - Bonnes qu’à montrer leurs nichons - Médecine clinique féminine - La femme moderne – Cours pour femmes – Les culturistes sont belles, de dos -
  • Le blog de Blouzouga Memphis qui bosse beaucoup sur les revues Gallica. Un de ses articles sur la Culture Physique.

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