Evocation, Reconstitution, Archéologie Expérimentale ?
Vous êtes une troupe, une compagnie, une association, ou simplement passionné d’Histoire; comment définiriez vous votre travail? vos recherches? l’evocation, la reconstitution et l’archéologie expérimentale sont 3 domaines liés mais distincts, qui peuvent sembler pour certaines et certains « similaires », et pour d’autres personnes aux antipodes les uns des autres.
(Cet article n’a pas pour but d’apporter un jugement sur les différentes démarches, mais simplement, pour certains lecteurs et lectrices totalement novices à ce sujet, de mieux comprendre et cerner les objectifs de cet univers. Chaque personne trouve son plaisir là où elle se sent bien, respectons cela, que ce soit dans l’evocation, la reconstitution, la restitution ou l’archéologie expérimentale).Mais vous? En tant que pratiquant? Passionné? Connaissez-vous votre position? Vous êtes-vous déjà posé la question: « quelle est ma démarche? evocation? reconstitution? archéologie expérimentale? » et surtout « où se trouve mon plaisir »? Cet article vous aidera (peut-être) à mieux comprendre les démarches parfois très exigeantes de certaines associations.
Car en effet il s’agit évidemment bien là de plaisir; si vous êtes sur cet article (ou alors par un bienheureux hasard lié à notre sacro-saint Dieu Google), c’est que vous êtes passionné d’Histoire, or sans avoir l’audace de définir la « passion », nous trouvons du plaisir dans ce que nous réalisons, nous créons ou re-créons, les recherches, l’aventure humaine, etc…
Levons tout d’abord la lumière sur (les 3 parties principales) des démarches Historiques.
L’Evocation
L’evocation est une activité ayant pour but d’évoquer une période de l’histoire avec plus ou moins de précision.
La recherche historique, dans l’evocation, est donc limitée au côté pratique et esthétique (tout en se servant de sources et en interprétant) : l’evocation a pour objectif principal un « rendu historique » dont l’aspect visuel de la représentation, le spectacle (dans les combats notamment) sont souvent privilégié.
La Reconstitution
La reconstitution, plus scientifique, consiste à restituer des éléments uniquement à partir de sources et les interpréter le plus littéralement possible.
Ces objets peuvent être recrées avec des techniques anciennes ou modernes, à partir du moment où ils ont un aspect historique et authentique.
Ainsi, l’objectif est avant tout de privilégier les détails visuels, historiquement exacts dans leur matière et leur forme. Les techniques montrées durant une’animation doivent également être fidèle à la réalité : le combat sera notamment le plus historique possible en se basant sur des sources et en n’utilisant que des armes avérées pour la période concernée.
L’Archéologie Expérimentale
L’archéologie expérimentale s’inscrit explicitement dans une démarche scientifique, revenant à recréer chaque objet, chaque élément du costume, chaque technique, etc. selon les façons de procéder à l’époque concernée, pour vérifier leur véracité dans l’usage et la pratique. L’aspect est aussi important que la réalisation elle-même.
La Restitution Archéologique
Ne négligeons pas cet aspect ô combien important, et qui concerne notre patrimoine culturel, et en particulier dans le domaine de l’architecture.
Je vous invite à lire ce document: « de la restitution en archéologie » par Michel-Édouard Bellet, conservateur du patrimoine, et Claire-Anne de Chazelles, chargée de recherche, CNRS.
Extrait
Illustration: UnPrintempspourMarnieLa restitution archéologique n’est pas une nouveauté de nos jours. La pratique consistant à restituer des parties abîmées ou disparues de bâtiments historiques a débuté au xve siècle à Rome, même si le but de ces restitutions, loin de celui des restitutions actuelles, n’était pas forcément de conserver le patrimoine historique mais parfois de l’utiliser à des fins privées. Dans quelques cas, ces restaurations ont même
comporté la destruction d’autres monuments anciens.
Depuis ses origines, la restitution a intégré plusieurs modalités dans sa conception ainsi que dans sa mise en place.
• Nous considérons à l’heure actuelle la restitution comme une interprétation de l’architecture, faite à partir de l’élaboration d’hypothèses. Ces interprétations peuvent être représentées de manières diverses et sur des supports différents, sans déboucher nécessairement sur une restitution matérielle. En effet, une restitution peut être également montrée sous la forme d’un dessin sur papier ou d’une restitution numérique.
• La restitution n’est pas synonyme de reconstruction ou de reconstitution. Reconstruire signifie «construire à nouveau», « replacer » des éléments qui se sont déplacés, qui ne sont plus sur place. En revanche, la restitution comporte l’interprétation d’éléments disparus.
• Enfin, la réhabilitation d’un bâtiment est son adaptation à un usage différent de celui qu’il avait à l’origine.
Aux origines de la restitution archéologique se trouve un vieux débat entre deux modèles opposés de restauration qui se sont développés au xixe siècle. D’un côté, Ruskin représente un point de vue «conservationniste» et préconise la «non-intervention» sur les vestiges : « It is impossible, as impossible as to raise the dead, to restore anything that has ever been great or beautiful in architecture1. » Du côté opposé, Viollet-le-Duc préconise la reconstruction totale des ruines : «Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné2 .» Ces deux modèles ont évidemment eu des implications sur les ensembles patrimoniaux, mais ce débat autour de la reconstitution des ruines s’est développé en particulier dans le domaine de l’architecture.
L’archéologie est restée en marge, sauf dans le cas de l’archéologie classique. C’est en quelque sorte à partir de ces deux tendances opposées que sont apparus les différents modèles de restitution archéologique encore en vigueur, dans lesquels on retrouve la confrontation entre restitution et préservation des ruines telles qu’elles existent encore. Ce débat est encore ouvert et continue à donner lieu à des discussions et même à des publications
d’ensemble3
.
1. Ruskin, J.,The Seven Lamps of Architecture, 1849, Londres, Century, 1988, p. 194.
2. Viollet-le-Duc, E., Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie
au xvie
siècle, Paris, Bance, 1858-1868.
3. Makarius (2004) fait une bonne compilation des pensées autour des ruines, dans son ouvrage Ruins, Paris, Flammarion, 2004,
p. 171 et suiv.