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J'ai vu hier en différé le long reportage qu'Arte consacrait aux Alpes. A vol d'oiseau.
J'ai d'abord été frappée par la vision alarmiste qui nous est présentée : celle de la fonte inéluctable des glaciers. Certes, le problème est grave et on nous dit que dans 20 ans, la moitié des glaciers des Alpes auront disparu. Mais, les intellos écolos qui regardent Arte ont-ils encore besoin qu'on leur plombe le moral avec des choses qu'ils savent malheureusement déjà ? Informer. Oui. Mais qui informe-t-on ? On le sait, que les glaciers fondent et reculent. On ne le voit que trop bien au fil des années. La morphologie du glacier de Trient et du glacier d'Argentière, que je connais depuis toujours, a énormément changé en 30 ans. J'ai des souvenirs de mes chaussures d'enfant foulant la glace du Trient. En 2012, l'étendue bleutée est quasiment inaccessible pour une pointure 32... Idem pour Argentière. Idem, sans doute, pour le glacier suisse du Mont Miné. Je redoute d'y revenir dans quelques décennies... Mais que peut-on y faire, nous, qui sommes déjà ultra conscients du désastre et, qui, à notre échelle, faisons ce que nous pouvons pour le dire et prendre soin de ce qu'il nous reste de nature ?
Avec le drame de la fonte des glaciers, vient inexorablement la question de l'eau. Là aussi, on nous explique le côté positif des grands barrages comme Emosson, La Gittaz, Les Toules, qui alimentent en énergie une grande partie de la région. Une énergie neutre pour l'environnement, nous dit-on... mais, car il y a toujours un mais, un système qui assèche les cours d'eau alentours et redessine le paysage.
Et puis, il y a l'apparition du tourisme de masse, dernier atout-fléau, phénomène à double tranchant. On situe le début de ce mouvement avec le célèbre Thomas Cook et ses premières expéditions dans les Alpes (voir à ce sujet le livre de Jemima Morrell). A partir de ce moment, on a construit, sauvagement profané les versants des montagnes pour les beaux yeux des skieurs. Une déferlante de béton, une course à la mécanisation des cimes. Ils ont appelé cela le "développement". Le tourisme, un mal nécessaire ? Oui, il rapporte. Mais il saccage. Ne soyons cependant pas hypocrites, ne voyons pas tout en noir : l'hélicoptère, les routes, le train sont autant d'évolutions qui ont permis un désenclavement des régions isolées. Souvent, ces technologies révolutionnaires ont permis l'exploitation des richesses naturelles. Aujourd'hui, la plupart du temps transformées en attractions touristiques, les chemins de fer, comme celui de la mine de La Mure racontent à leur façon une histoire qui a changé la physionomie des Alpes. Et puis, le train, c'est le romantisme, l'aventure. Celui du Nid d'Aigle me rappelle le film Malabar Princess. Des images qui racontent elles-aussi de belles choses sur la Haute Savoie. Je rêve de monter dans le Bernina Express...
Plus sérieusement (quoique, les rêves, c'est du sérieux !), le patrimoine industriel me passionne. Outre les chemins de fer, il y a cette véritable obsession pour les mines du monde entier. Si la section en question est fournie sur ce blog, c'est que j'ai étudié le sujet en long, en large et en travers. Manquent encore à mon tableau de chasse les grandes mines de la Styrie, en Autriche, et les mines de sel allemandes...
(ici, le récit des mes visites dans les mines d'anthracite en Isère - La Mure- et les mines de plomb argentifère savoyardes - Peisey Nancroix-).
Un bien beau reportage d'altitude, des images merveilleuses du Cervin, du Mont Blanc et leurs compères, mais un bémol : mis à part quelques images de vaches et de moutons en train de monter aux alpages, quelques bouquetins courant sur des falaises, par grand chose sur les animaux. Et rien sur les gens. Les habitants des montagnes, ceux qui en entretiennent les versants. Dans ce reportage, l'homme est surtout vu comme un prédateur, un destructeur, voire un intrus. Certes, il exploite à fond le filon touristique et détruit certains sites naturels à force de vouloir les coloniser à grands coups de remontées mécaniques, hôtels et refuges. Mais l'homme n'est pas qu'un forcené de la grimpette ou un assoiffé de sensations fortes, un Icare inconscient qui se jette du haut des pics pour voler avec les aigles. L'homme n'est pas qu'un free rider ou un cycliste allumé, comme j'avais pu en croiser aux Lindarets. L'homme alpin est avant tout un berger, un paysan, un amoureux de la montagne, respectueux de ses richesses, passionné par sa beauté. Les gens, ceux qui, en un mot ou en quelques belles phrases, me racontent leur montagne. Ces gens-là manquaient au reportage, comme si on les avait fait évacuer les lieux avant le tournage.
Un survol, comme l'indiquait le titre. Un vol d'oiseau qui, à force de tournoyer au-dessus des sommets, aurait presque fini par me donner le mal de mer !
Le glacier du Mont Miné - Valais Suisse