Depuis le début de l’année, une partie des médias voire la totalité n’ont pas cessé de parler de la vie sexuelle de notre cher Président de la République. Etait-il normal que la presse, la télévision, la radio, internet relaient des histoires privées qui se passent dans la chambre à coucher. La vie privée de François Hollande a été passée au crible. Son crime est de ne pas être marié et d’avoir possiblement des relations tumultueuses avec les femmes. Comme dirait certains cela ne nous regarde pas. Pourtant l’intime est un thème envahissant dans les médias. Cette speudo-passion pour la vie privée des politiques nous ferait presque croire que nous sommes tous vicieux. Finalement la classe politique participe peut-être chaque jour à un reality show. Les médias dans leur ensemble ne seraient-ils uniquement intéressé par le scoop sensationnel comme l’est Closer. Faire une première de couverture sur l’affaire Hollande-Gayet est-ce bien sérieux ? Cette sur médiatisation de la vie privée devenue publique répondrait à une demande générale du public. Admettons que ce soit le cas, même si beaucoup resteront sceptiques en lisant ces lignes. La presse se doit de jouer un rôle démocratique. Son pouvoir repose sur le droit et le devoir d’informer. Pour assumer cette tâche, elle se doit d’être libre et indépendante du pouvoir en place.
Pour redorer son blason, certains pure player comme médiapart ont choisi le journalisme d’investigation. Loin des coups d’éclats et des unes chocs, son but est simplement de bousculer les esprits et de nous faire réagir. Media citoyen par excellence comme l’est aussi arrêt sur Images, ce pure player a traité l’affaire Kadhafi sans en faire un sujet particulier. La rédaction l’a décortiqué, a cherché des réponses, a souhaité faire toute la lumière su cette affaire obscure afin que le public puisse prendre connaissance des enjeux de cet imbroglio politico- financier. De ce point de vue, Mediapart s’éloigne de la peopolisation en s’intéressant plus aux « hard news » qu’aux soft news ».
De l’endogamie politique : Sarkozy et l’affaire Kadhafi
dans le cas de « l’affaire-hollande-Gayet », le mot « affaire » est galvaudé et du coup offre une importance à un sujet qui n’en a aucun. Normalement le mot « Affaire » concerne plutôt les scandales politiques, judiciaires, sociaux ou économiques ou simplement « une affaire » où toutes ces thématiques se retrouvent mélangées. L’Affaire Kadhafi, l’affaire Bettencourt, l’affaire des frégates de Taïwan ,l’affaire Bygmalion, l’affaire Takieddine. Dans ces cas là, il s’agit souvent d’affaires de corruption parfois de détournement ou de financements occultes. Elles indiquent une finalité juridique. Si jamais les personnes accusées sont reconnues coupables, dans la logique elles seront traduites devant un tribunal. Bien souvent les hommes politiques ne reconnaissent pas leurs responsabilités et crient régulièrement au complot. Nicolas Sarkozy ne déroge pas à cette fameuse règle. Comme beaucoup d’autres hommes politiques de nombreuses affaires sont venues ternir sa réputation. Être rattrapé par des problèmes judiciaires lorsque l’on est un ancien avocat d’affaires paraît ironique et pourtant bien possible. Sa seule défense est de se poser en victime. Ses ennemis veulent l’abattre. La gauche a fomenté un complot pour le conduire à sa perte. La presse est foncièrement de gauche.
Ces affirmations vous font peut-être sourire mais prouvent surtout l’arrogance de Nicolas Sarkozy et sa croyance en son destin. Il se voit comme l’homme providentiel et donc ne peut-être arrêter dans sa course que par des ennemis invisibles ou tout simplement inventés. Claironner que la presse est foncièrement de gauche c’est oublier que cette même presse est aux mains de dirigeants qui viennent du même milieu social que les politiques. Parfois ils ont même fait leurs études ensemble et partagent le même cercle d’amis et les mêmes centres d’intérêts. C’est ce que l’on appelle plus communément d’endogamie politique ou la reproduction des élites.
Certains sujets de premier plan sont passés sous silence dans des médias qui deviennent indirectement complices et prennent donc part à cette omerta. Pourtant l’affaire du financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy est un sujet de premier ordre. Bien qu’il soit difficile à aborder et touche de nombreuses personnalités politiques et responsables économiques. il semble nécessaire de le révéler pour démontrer que les médias prennent part au débat démocratique et ne jouent donc pas forcément le jeu des puissants. A l’époque où l’on parle de transparence, la loi du silence apparaît comme un système de défense pour qu’un petit nombre de personnes puisse sauvegarder ses droits et agir comme bon lui semble.
La presse ne jouerait-elle pas son rôle de quatrième pouvoir? N’est-ce pourtant pas son devoir de dévoiler des scandales politiques lorsqu’ils sont avérés et qu’ils mettent en péril l’image du pouvoir politique mais surtout salit l’image du pays concerné? Mérite-t-on que nos représentants ou nos ex- présidents cherchent des financements occultes auprès de dictateurs notoire et déclare la guerre à ce même pays quelques années plus tard ?
En tant que citoyen, on ne peut que se réjouir quand des médias indépendants décident d’étaler ces affaires au grand jour. Surtout quand les journalistes qui y travaillent utilisent l’investigation pour démontrer que les faits qu’ils présentent sont bien vrais et vérifiés par leurs soins. Ce ne sont pas des rumeurs diffusées à tour de bras par l’ensemble des médias mais une enquête menée pendant trois ans. Fabrice Arfi, journaliste d’investigation à Mediapart a co-réalisé une enquête sur l’affaire Kadhafi qui a été peu relayée par leurs confrères. Le Monde, le Canard Enchaîné, Libération ou Rue 89 sont restés très frileux lorsque que Mediapart s’est fait l’écho de cette affaire D’ailleurs peu d’entre eux ont soutenu sa démarche. Avaient-ils peur de dénoncer des pratiques politiques et de risquer leur carrière, leur postes et de subir des pressions des hommes politiques concernés ? Ont-ils juste agi par peur des conséquences que pouvaient entrainer de telles révélations?
Cette attitude atteste l’existence d’une certaine consanguinité entre les pouvoirs médiatiques et politiques. Parfois on se demande qui des journalistes et des politiques font l’information. Pourquoi tant de fébrilité à annoncer une vérité d’ordre démocratique?
L’Affaire Kadhafi ou l’histoire d’une omerta médiatique
En 2007, Nicolas Sarkozy avait défrayé la chronique en recevant Kadhafi à l’Elysée. Ce dictateur dirigeait la Libye à l’époque. Cette réalité n’a aucunement dérangé la présidence de la République et la plupart des membres du gouvernement soutenait cette venue pourtant contestable. Cette rencontre au sommet indiquait déjà les liens étroits qu’entretenaient Kadhafi et Sarkozy. Des petites voix murmuraient que ce dictateur avait participé au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Ces soupçons exposés au grand jour par Mediapart ou été suivi d’une enquête judiciaire. Les résultats de celle –ci ont donné raison à ce pure player. Les signatures appartenaient bien à des dignitaires libyens.
Dans cet extrait Fabrice Arfi affirme catégoriquement la véracité du document publié. Il amène la preuve du financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy. Beaucoup contestent ses dires et essayent de le mettre en port- à- faux. Cette investigation de longue haleine et l’affaire judiciaire qui s’en est suivie ont reconnu l’existence de financement occultes et donc accrédite la thèse de Médiapart. La vérité est-elle si dure à entendre?
Certains de leurs confrères n’hésitent pas à accuser Médiapart et s’attaquent Edwy Plenel. Leurs concurrents papier n’ont plus la possibilité d’investir dans de longues enquêtes. L’investigation coûte cher financièrement et humainement parlant prend du temps et peut souvent rencontrer des obstacles politiques. Lorsque l’on touche la sphère financière et le milieu politique, il devient parfois difficile pour des journalistes de mener à bien leur travail. C’est pourtant leur mission première. Le but n’est pas de trouver un scoop et de faire tomber des personnalités politiques mais de montrer comment leurs magouilles et petits arrangements mettent en péril l’existence de la démocratie. Peu de médias se risquent pourtant à cet exercice
Les médias sclérosés par les consortiums économques
Le problème de beaucoup de titres de presse est d’être rattachés à des grands groupes économiques dont leur activité première n’est pas de produire et de fournir de l’information aux citoyens. Des groupes comme Dassault vendent des armes et possèdent de nombreux titres de presse. Ces deux activités demeurent incompatibles et peut conduire les journalistes et plus particulièrement les rédacteurs en chef à subir des pressions. Des groupes comme Lagardère et LVMH en sont l’exemple. LVMH a récemment racheté le groupe les Echos et Lagardère possèdent des magazines comme Paris match ou Elle. Des groupes médias tentent de résister à cette offensive en se concentrant uniquement sur des activités presse c’est le cas du groupes le Monde et Perdriel.
Le mélange des genres apportent en plus une confusion dans l’esprit des citoyens. Quand TF1 accueille Nicolas Sarkozy au 20h, les journalistes sont-ils libres de poser les questions qui fâchent sachant que TF1 fait parti du Groupe Bouygues et que son dirigeant est un ami proche de notre ancien président. Dans ces cas là, il est facile d’omettre certains sujets brûlants ou d’en parler en choisissant un certain biais.
C’est exactement ce qu’il s’est passé avec l’affaire Kadhafi. Les médias généralistes en ont peu parlé mais ont tenu pour responsable Médiapart et ont jeté l’opprobre sur Fabrice Arfi, Edwy Plenel et toute m’équipe de cette rédaction indépendante. Finalement ceux qui cherchent la vérité ne sont pas toujours les bienvenus. Après ,il est toujours possible que mediapart ait été manipulé par des dirigeants libyens les même qui ont aidé Sarkozy a financé sa campagne après que celui-ci leur ait déclaré la guerre. Quoiqu’il en soit dans cette histoire Nicolas Sarkozy est certainement loin d’être innocent. L’affaire Kadhafi nous éclaire au moins sur un point: il est difficile pour un média indépendant d’enquêter librement sur une affaire politico-financière et de rester crédible aux yeux de ses confrères mais surtout d’être entendu par le grand public désireux de comprendre le fonctionnement et les dysfonctionnements de notre démocratie. Aujourd’hui il est plus commode de parler de la vie privée d’Hollande que des ennuis judiciaires de nos dirigeants. Pourtant la deuxième thématique paraît fondamentale alors que la première n’est qu’anecdotique et n’apporte rien au débat démocratique.
Jessica Staffe