Toi qui ouvres ce livre attends-toi à être emporté dans un roman d’aventures, foisonnant de trouvailles en tous genres, de personnages uniques et de situations complètement improbables, bref du grand art !
Un fabuleux diamant a été dérobé à Lady MacRae dans son château Ecossais par le terrible Enjambeur Nô. Une fameuse équipe va se lancer à sa recherche, Martial Canterel, richissime dandy opiomane, John Shylock Holmes son ami et descendant de l’autre bien connu, Grimod son majordome, Lady MacRae et sa fille Verity, handicapée mentale, Miss Sherrington la gouvernante. Transsibérien, cavalcades dans la steppe, la Chine et l’Australie puis direction l’Île du Point Némo, « pôle maritime d’inaccessibilité, l’endroit de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée ». J’en passe et des meilleurs puisqu’il est aussi question de trois pieds droits trouvés sans leurs corps et qu’à cette intrigue en fil rouge, se greffent en parallèles des histoires à priori sans rapport évident, une fabrique de cigares du Périgord noir où, comme aux Caraïbes, se perpétue la tradition de la lecture à haute-voix, le lubrique Mr Wang patron d’une fabrique de liseuses électroniques et ses liens avec madame Louise, les déboires sexuels de Mr Bonacieux et la frustration de sa femme, Charlotte et Fabrice le hacker, Arnaud et Dulcie, la place me manque pour rédiger un résumé qui ressemble à quelque chose.
Si vous chérissez Jules Verne, si Alexandre Dumas vous enchante, vous serez en terrain connu car l’auteur avec ce roman, nous renvoie vers ces illustres écrivains tant par la forme endiablée du récit avec ces rebondissements improbables et ces digressions ébouriffantes que par son ton, et le lecteur en vient à être troublé quand des références très modernes (ordinateurs et liseuses électroniques) lui rappellent soudain qu’il n’est pas au XIX siècle mais de nos jours.
Outre le récit décoiffant, le bouquin déborde de culture enrichissante (connaissez-vous les Skoptzy ?), de mots rares (scytale) ou de néologismes (ptéronave), d’allusions littéraires nombreuses ; l’humour ne reste pas au vestiaire lui non plus (« … coupant à d’autres la tête si subitement, que posée à terre elle beuglait encore. ») et les scènes de sexe graveleuses, pas rares, sont là pour faire sourire plus qu’autre chose.
Tout ceci - et plus encore ce que je ne vous ai pas dit-, suffirait à faire un bon roman pour d’autres, mais Jean-Marie Blas de Roblès, lui, ne saurait s’en contenter, il y rajoute un fond multiple. Une réflexion sur la littérature par une mise en abyme sur laquelle est construite son roman et une fable politique où sont convoqués les réfractaires à l’ordre établi ainsi que ces petits groupes qui résistent à l’écroulement de notre monde.
S’il est un livre qu’il faut avoir lu cette année, c’est bien celui-là. Et comme Noël approche, n’hésitez pas, pillez votre libraire pour offrir ce bouquin autour de vous, il ne fera que des heureux.
« - Vingt dieux ! dit-il, fronçant les sourcils. L’Enjambeur Nô ! – Oui, confirma Grimod. C’est sa marque. – Mais de qui parlez-vous ? demanda Clawdia. – Du plus sinistre des assassins, fit Holmes avec une voix de basse. Nul n’a jamais aperçu son visage, mais il n’y a pas un crime crapuleux, pas une faillite, pas une escroquerie défrayant la chronique, sans que son nom ne soit prononcé à un moment ou un autre. – Ou plutôt son surnom, reprit Canterel, car on ne connait pas son identité. Les ares fois où il a été aperçu, on l’a vu enjamber sa victime, s’immobiliser au-dessus d’elle dans une pose maniérée, comme un acteur de théâtre nô, puis fourrager son entrejambe pour en arracher les poils pubiens. Il décore de ces trophées affreux les lieux où il séjourne. Dans la seule cache qu’il n’ait pas eu le temps de déménager avant de disparaître, la police a retrouvé aussi des masques confectionnés à partir de visages humains… - Et, Dieu me pardonne, continua Holmes, un exemplaire du Tarot comme grammaire du monde relié en peau de seins ! »