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4000 fois le journal de Spirou

Par Pmalgachie @pmalgachie

4000 fois le journal de Spirou

Pour un hebdomadaire de bande dessinée, il s’agit d’une exceptionnelle longévité : Spirou, qui a plusieurs fois légèrement modifié son titre, a sorti cette semaine un numéro 4000 « collector » très particulier, ainsi que très drôle. On vous en parle dans le détail, ainsi que d’une aventure commencée en 1938.  On doit commencer la lecture par la dernière page, comme lorsqu’on saisit, sur un présentoir, n’importe quel livre ou magazine, qu’on retourne après avoir jeté un coup d’œil à la couverture. C’est de la folie. En slip, Fantasio, debout sur l’escalier métallique de ce qui ressemble à un hangar d’usine, avec à ses côtés Prunelle (rédacteur chez Spirou selon la version gaffeuse imposée par Franquin dans Gaston), gueule : « Attendez ! Rien n’est prêt, ne… N’ouvrez surtout pas le rideau ! » Trop tard, un vent sournois a déstabilisé nombre de personnages historiques du magazine et a même importé, dans cette dernière page, un Tintin à qui quelqu’un demande : « Qu’est-ce que vous fichez là, vous ? » Il faut savoir, en effet, que Spirou et Tintin, dans leurs versions de magazines hebdomadaires, ont longtemps joué sur le même terrain et se sont livrés à une féroce concurrence, procédant d’ailleurs, à la manière de clubs de foot, à des transferts entre l’un et l’autre – parfois aussi l’autre et l’un. Tintin, ou Le Journal de Tintin, est né en 1946. Le Journal de Spirou était publié depuis huit ans déjà. L’un et l’autre ont connu des hauts et des bas. Mais Tintin a disparu en 1993 tandis que Spirou, en même temps que sort son numéro 4000, peut annoncer un spécial Noël pour la semaine prochaine. Deux destins paradoxaux pour des piliers de la presse magazine, puisque Tintin reposait sur le succès, toujours d’actualité, d’un héros de bande dessinée présent dans le monde entier. Même si Tintin au Congo, l’album, ne cesse d’être mis en cause par des groupes antiracistes. Revenons donc à nos moutons, et à Spirou, qui a vu naître et grandir une foultitude de personnages. N’en citons que quelques-uns : Jean Valhardi en 1941, L’Epervier bleu l’année suivante, Lucky Luke en 1947, puis Tif et Tondu, l’Oncle Paul et ses belles histoires didactiques, Johan, Pirlouit et les Schtroumpfs, Buck Danny, Gaston Lagaffe, Benoît Brisefer, etc. Le vivier de dessinateurs et de scénaristes semble inépuisable : Jijé, André Franquin (un authentique génie), Eddy Paape, Peyo, Derib, Morris, Raoul Cauvin, Maurice Tillieux, Marc Wasterlain, Lewis Trondheim… La liste semble sans fin et on peut même y inclure, grâce à l’audacieux supplément déjanté Le Trombone illustré, Gotlib, F’murr, Jean-Claude Mézières, Jacques Tardi ou Enki Bilal – mais tous les lecteurs ne s’y sont pas retrouvés, dommage pour eux. La succession des rédacteurs en chef, qui ont tous un jour ou l’autre été caricaturés dans Spirou, correspond à des virages plus ou moins heureux. Mais le bateau vogue toujours et Frédéric Niffle, qui tient le gouvernail depuis une demi-douzaine d’années, se retrouve assez logiquement en personnage de bande dessinée dans ce numéro 4000. Numéro présenté, donc, comme une catastrophe éditoriale pour rire, c’est-à-dire que les créateurs ont laissé libre cours à leur fantaisie pour reprendre, notamment, quelques héros emblématiques et leur offrir, très provisoirement, une nouvelle vie. Double, même, pour Buck Danny qui se retrouve face à lui-même à deux époques différentes. Le petit Spirou regrette d’avoir grandi, cherche une potion magique pour rajeunir, et c’est le contraire qui lui arrive. Marie Tombal, la sœur de Pierre Tombal, sévit dans un cimetière avec l’aide d’assistants parfois inattendus. Les Tuniques bleues sont méconnaissables. Un scénariste croit pouvoir se passer de son dessinateur. Un autre dessinateur finit à la main ce qu’il avait commencé sur un ordinateur, et la différence est sensible. Boule et Bill adoptent plusieurs styles. Spirou n’est plus chez lui dans Spirou, et on comprend son coup de déprime… Mais le but, toujours le même (faire rire, parfois aux éclats) est atteint, surtout bien sûr si on a été nourri au lait de cette bande dessinée dite belge (mais aussi américaine, italienne ou française) qui a donné tant de chefs-d’œuvre et dont la vitalité n’est pas éteinte. Ce numéro le prouve, et tient même une promesse faite en 1976 dans le numéro 2000 avec une double page reprenant les couvertures qui ont fait l’histoire du journal : fournir la suite, à raison d’une couverture par millésime. Rendez-vous dans une petite quarantaine d’année, au numéro 6000, pour une nouvelle livraison de ce poster.


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