Jean-Pierre Rioux discute avec des lycéens après sa conférence.
Jean-Pierre Rioux, historien connu et reconnu, sait tout de la vie de Jean Jaurès. Invité par Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil et Jean-Pierre Cantrelle, proviseur du lycée Marc Bloch, et dans le cadre du lancement de l’Université populaire rolivaloise, l’ancien professeur de Sciences Po de Paris était présent au théâtre des Chalands, ce vendredi. Il a fait face à une assemblée essentiellement composée d’élèves du lycée et d’amis rolivalois ou habitants de Louviers et alentours pour évoquer celui qui perdit la vie dans des conditions tragiques à quelques jours de la déclaration de ce qui allait devenir la première guerre mondiale. Jaurès assassiné, ce serait donc la guerre ! Car le pacifiste réaliste et lucide que fut le grand socialiste représentait le dernier rempart, politique et philosophique, contre la mobilisation de millions d'hommes prêts à se battre et pour nombre d'entre eux à mourir dont il avait pressenti les effets dévastateurs pour l’Europe, le monde et la civilisation. Jean-Pierre Rioux rappela les grandes étapes de l’existence de celui qui galvanisa les foules en faisant appel à ce qu’elles avaient de meilleur : l’écoute des discours destinés à développer l’harmonie, conserver la paix, aimer la nation, défendre la patrie quand il le faudrait, l’amour de la pédagogie, du savoir et du monde des livres dont il remplissait les poches de son manteau. Il narra l’enfance petite bourgeoise, l’accent occitan et le patois, les paysages de blés et de maïs verts et jaunes, l’élève surdoué, l’étudiant de Normale Sup, l’agrégé, le thésard…enfin l’homme mature devenu député de Carmaux si près des travailleurs des verreries ou des mines à ciel ouvert. Imprégné des idées des Lumières et de la déclaration des droits de l’homme, Jaurès demeura un homme libre, qu’il fût professeur, parlementaire ou homme de presse. On se souvient de son combat en faveur de l’innocence du capitaine Dreyfus, de son soutien raisonnable à la loi de séparation des églises et de l’Etat, de sa fibre internationaliste, notamment de ses rapports fraternels avec les socio-démocrates allemands. On l’accusa même de pactiser avec l’ennemi potentiel si bien qu’il fut la victime d’un Raoul Vilain fanatisé par les appels au meurtre lui qui revolvérisa le grand tribun socialiste au bar du Croissant alors qu’il venait de quitter les locaux de l’Humanité et d'y écrire son dernier éditorial. Que reste-t-il aujourd’hui de Jaurès et de sa République sociale ? Que reste-t-il de cette référence et de cet homme devenu un idéal ? Lui qui affirmait que « le courage c’est de chercher la vérité et de la dire » a dû inspirer Pierre Mendès France. On aimerait que d’autres, plus contemporains, parviennent à démontrer que Jaurès n’est pas tout à fait mort.