« Produit toxique – Relents racistes – Peut nuire à la santé mentale »
C’est sur ces deux albums de Tintin, datant respectivement de 1931 et de 1941, qu’a été collé lundi cet autocollant portant la mention « toxique » et ces inscriptions pour le moins peu flatteuses.
On croit rêver. Hergé deviendrait ainsi un relais et témoin du racisme belge du début du vingtième siècle, un peu à son corps défendant à en croire ce papier du Figaro qui retrace plus précisément la genèse de Tintin au Congo, bande dessinée à prendre, il est vrai, au second degré.
J’ai eu la chance d’avoir la plupart des Tintins dans ma chambre de gosse. Avec les Astérix et les Gaston Lagaffe. Ces œuvres constituent un de mes socles ; et l’un de mes premiers vertiges métaphysiques provient, je m’en souviens alors que je devais être tout gosse, de la lecture d’On a marché sur la Lune, dont on néglige souvent la portée tragique et existentielle. (ce faisant, je sais que j’offre à mon gros bâtard de coblogueur une occasion de se foutre de moi pendant quelques années, mais tant pis)
Alors certes.
Certes, ce n’est pas du Bernanos.
Certes, Tintin au Congo est une œuvre complètement intenable dans une France cosmopolite de 2014, une œuvre qui joue sur les clichés les plus racistes qui soient.
Néanmoins, cet album, loin d’être le meilleur, mérite t-il d’entacher toute la série?Ne faut-il voir en Hergé qu’un vulgaire auteur raciste et antisémite ?
Je ne le crois pas. Nous ne le croyons pas. Car la Belgique de 1931 n’est pas la France de 2014, où on se permet à la fois de tout railler et de tout porter aux nues. Ce racisme latent est perçu comme tel maintenant, mais il n’était à ce moment que le relais d’une idéologie méprisante et colonialiste hélas en vigueur. Appliquer cet imaginaire-là à cette société-ci, nécessairement, pose problème. Il ne s’agit pas de nier le caractère raciste de l’album, mais de le resituer de nos jours. Et non, ça ne tient pas la route, à moins de basculer dans une chasse aux sorcières stérile dans laquelle tout le monde trouverait de quoi être « choqué. »
Car finalement, c’est quoi, le racisme ? C’est le Larousse qui nous apprend qu’il est une « Idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, le « races » ; comportement inspiré par cette idéologie », ou encore une « Attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes ». Dans un univers aussi bigarré et cosmopolite que celui de Tintin (peu de héros de BD, au final, voyagent autant que lui!), peut-on parler d’hostilité « systématique » envers les noirs ? Peut-on parler d’ « idéologie » ?
Il y a là un bon sens à ne pas perdre : juger cet album franchement limite, je l’entends. De là à saccager ces albums et à s’offusquer de la violence de ses attaques, faut quand même pas déconner.
Alors, hip hip hip…