Pour un groupe dont le nom renvoie à un état d’ébriété que ne négligerait aucun amateur de psych, l’impression sobrement sécrétée par la première écoute de Of Birds And Clouds, titre principal de l’EP de Wall/Eyed, n’est pas celle d’une ascension éthylique irraisonnée, turbulente et dodelinante mais plutôt celle d’une défonce progressive, rythmée par les déhanchés langoureux des riffs, la cadence hypnotique du batteur, un refrain qui vibre comme un orgasme… C’est une séquence planante érotique qui babille dans les oreilles avec la sensualité d’une langue décomplexée nous chatouillant jusqu’au tympan, ce que n’infirme pas le clip assujetti au morceau, lequel dépeint les déambulations suantes et désordonnées d’un zombie en descente de LSD sur fond de triolisme vaudou.
On ne ressort pas indemne d’un tel échange de sécrétions, et c’est avec l’esprit engourdi et le bas-ventre encore gazouillant qu’on se laisse gentiment porter par les autres morceaux au traitement très correct, fidèles au genre, qui s’entendent à respecter une thématique spirituelle (à défaut de spiritueuse) sibylline, hermétique, comme réservée aux initiés, laquelle tantôt revêt des accents ecclésiastiques dans le titre Ceremonial Prayer, appuyé par une texture gothique qui redonne du rythme à l’EP, tantôt nous est explicitement révélée par un « Écoute religieusement ! » aux premières secondes de Mirrors. C’est l’heure du sermon, et même si l’on reste plus proche de la diatribe au vin de messe (ou à l’ayahuasca) que de la thaumaturgie musicale, l’expérience mystique nous exhorterait presque à nous « prosterner devant [notre] maître », comme cela nous est proposé avec un cynisme racoleur pas déplaisant. Le profane n’aura aucun mal à se laisser séduire tandis que l’initié saura apprécier un premier EP honnête et encourageant dont l’intelligence sous-jacente pourrait tôt ou tard laisser quelques stigmates et des bourses vides. À chacun de choisir lesquelles.