Le vendredi, retrouvez quatre jeunes HEC passionnés qui ont démarré leur tour du monde de l’innovation sociale et frugale en août dernier.
LEÇON 8 : Comment valoriser les déchets sans véritables moyens ?
Projet Assainissement Recyclage Ordure (PARO), Côte d’Ivoire
Rencontre avec Evariste Aohoui, fondateur de l’ONG PARO
Le défi : développer une filière de valorisation des déchets en Côte d’Ivoire
Beaucoup d’appareils électriques et électroniques convergent vers les marchés africains, souvent sous la forme de dons mais aussi sous la forme d’importations directes. La multiplication de ces appareils soulève un problème de traitement de déchets qui sont fortement toxiques. Une fois utilisés ou hors d’usage, les déchets sont encore trop souvent laissés sur le bord des routes ou même parfois jetés dans les eaux. En tant que locomotive de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est fortement touchée par ce désastre environnemental.
Le défi est double :
- Premièrement, un gros travail d’éducation et de sensibilisation est nécessaire. Aucune collecte structurée ne pourra être mise en place sans une prise de conscience globale de l’importance du sort réservé aux déchets.
- Le deuxième défi est d’ordre financier. Pour valoriser les déchets, ils doivent être traités dans une usine de démantèlement, dont la création nécessite de gros investissements.
La solution de PARO : miser sur l’implication des acteurs locaux
L’ONG PARO a été fondée dans le but de créer des projets innovants en matière d’assainissement de l’environnement. Elle souhaite entre autre mettre en place une filière de recyclage des objets électriques et électroniques en Côte d’Ivoire pour endiguer ce problème environnemental mais aussi créer de la richesse et de l’emploi. Cependant, dépourvus de moyens humains et financiers, PARO n’est pas en mesure de mettre en place un réseau de collecte ou une usine de démantèlement.
Pour faire face à ce manque de ressources, son fondateur Evariste Ahoui a mis au point un système ingénieux de sous-traitance locale. Son équipe collabore avec 200 relais locaux abidjanais dont il récupère les déchets. Étant des magasins pour la plupart, ces relais gèrent, en plus de leur activité principale, des collecteurs de déchets indépendants. Grâce à ce système, PARO dispose indirectement d’une équipe composée de plus de 1 000 collecteurs. Une fois récupérés, PARO vend ses déchets à des entreprises françaises qui disposent d’usine de démantèlement.
Ce système présente deux avantages. Il permet d’abord de structurer un système de collecte important avec peu de moyens. Mais il permet surtout d’impliquer les acteurs locaux dans le processus et de favoriser ainsi la prise de conscience locale nécessaire à un changement de comportement global vis à vis des déchets.
L’ambition de PARO : créer sa propre filière de démantèlement des déchets
Une fois le réseau de collecte consolidé et effectif, la deuxième étape du plan de PARO consiste à mettre en place une usine de démantèlement afin de créer d’avantage de valeur économique à partir des déchets. Pour attirer les investisseurs indispensables à la création d’une usine, PARO doit valoriser son réseau de collecte et mettre en avant les avantages du marché ivoirien. La solution pourrait venir d’une grande entreprise étrangère. Certaines comme HP ont déjà investi dans des programmes similaires au Sénégal et au Kenya.
Les obstacles rencontrées : la résistance des populations et le manque de soutien public
Si les changements sont perceptibles, la plus grosse partie du travail reste encore à accomplir. Pour la majorité des Ivoiriens, les déchets ne sont pas sources de préoccupation. Plus inquiétant encore : lorsque les collecteurs passent dans les quartiers, ils considèrent que leurs déchets leur appartiennent et estiment pouvoir en tirer des revenus. Alors qu’en France par exemple, les gens payent pour se débarrasser de leurs déchets, en Côte d’Ivoire, il faut payer les détenteurs de déchets pour les récupérer. C’est aujourd’hui l’obstacle le plus immédiat à l’activité de PARO.
D’autre part, si PARO réalise un travail d’utilité générale en débarrassant Abidjan de ses déchets, l’état ivoirien ne soutient pas son activité. Au-delà d’un apport financier direct, il manque un cadre légal clair et défini qui régulerait la filière. Cette carence législative freine l’arrivée d’investisseurs étrangers.
Bien que de nombreux obstacles restent encore à surmonter, cet exemple nous montre qu’une organisation dépourvue de moyens peu œuvrer directement à la mise en place de toute une filière industrielle. Face à ce défi de taille, les membres de PARO font preuve d’un courage et d’une motivation à toute épreuve, clés selon nous de leurs résultats encourageants.
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