La même saison qu'hier, le même froid depuis un mois, la même humidité que demain, de fines gouttelettes sur les vitres, je déjeune d'un thé, d'un jus d'orange frais, de croissants chauds apportés par mon amoureux. L'automne est là mais je verrai bien plus de jour, plus de clarté, plus de vert dans les arbres. Je rêve, je regarde l'heure, c'est le moment de partir. Salle de bain, brosse à dents, brosse à cheveux, rouge à lèvres, des bisous pour lui déjà devant son ordinateur, mon manteau, mon sac à main.
Et je traverse la rue, je cours vers l'arrêt de bus, je grimpe dedans, un courant d'air. Mon écharpe, une parmi mes doudous gorgés de parfums, de douceurs, j'en ai de multiples matières, cachemire, velours, soie, laine, satin, légères ou chaudes. Je la sors de mon sac, tiens, une baguette rose avec une étoile au bout !
A qui appartient-elle ? Je n'ai plus d'enfants qui jouent à la princesse, ni même à la magicienne ou autre reine des neiges. Intriguée, je la sors, je la secoue bêtement, elle brille, et le ciel devient bleu. Non, un hasard, mais c'est si rapide. Je regarde dehors, derrière la vitre, coincée entre les badauds de cette ligne surchargée. Je rêve d'un sol sec pour mes talons, et sous les pieds de cette femme, la pluie disparaît. Elle sourit, elle aussi, pliant son parapluie, plus de gouttes.
Impossible, si soudain.
Je vois ce paysage si familier que je finis par connaître les horaires des boutiques, les personnes qui traversent chaque jour au même endroit, à la même heure, les lumières des immeubles, les arbres, des feuilles, des fleurs même. Mon regard suit le vert qui s'anime, je doute, mais uniquement là où porte mon regard, cela change. Juste le temps d'un passage. L'été se cahe dans mes yeux, dans la baguette.
Magique ?
Je m'en amuse. Une femme attend le tram, avec un air renfrogné, un jean informe, une veste sans style, molle, kaki, fade. Je pense à ce tutu, aperçu hier dans un magazine, et elle change, elle est surprise, mais elle en sourit. Et si elle essayait vraiment ?
Une autre jeune femme, un peu affolée, pressée, sur son vélo, entre les voitures. Elégante, mais apparemment coincée entre ses talons et les tracés laborieux du parcours. Soudain elle galope, elle sautille et profite d'un scooter tout neuf, elle glisse, se faufile, s'envole vers son bureau. J'aime cette magie, en dormant contre cette vitre, en ouvrant les yeux, je descendrai au terminus, j'aperçois les lumières de NOEL. Une petite fille m'observe avec attention, dormir là lui semble étrange. Elle a une belle robe de fée, pour la fête de l'école, une belle baguette avec une étoile.
Nylonement