Du Portugal jusqu’à l’île aux fleurs, après trois semaines passées à Lisbonne, nous reprenons la mer dans des conditions relativement difficiles.
Nous avons eu pas mal de casse ! Lampes de poches HS, circuit électrique trempé, bout d’enrouleur de génois cassé, trou dans la GV … Tout ça en grande partie dû à une vague déferlante prise de travers ! La bougre m’a surprise alors que j’étais à la gîte dans un creux de six mètres et a submergée le bateau… Résultat des courses, le cockpit était rempli d’eau. Heureusement, nous avions mis le bas de porte, ça a évité une grosse inondation. Malgré tout, les cales étaient remplies d’eau, et un peu de gasoil contenu dans le réservoir a rendu l’espace intérieur irrespirable pendant deux jours…
- Tranchons ce beau pied de Porc !
- Alex a peur de l’hôpital !
- Doigt suturé !
- Doigt trois jours après la suture
Mais revenons au départ ! L’avant veille, en voulant couper une cuisse de cochon que nous avions précédemment acheté au Portugal, je me suis méchamment entaillé l’index gauche. Cinq points de suture plus tard, nous avons préférés attendre une journée pour voir comment la blessure se comportait. Les points étaient bien fait et la cicatrisation commençait gentillement son œuvre. Nous pouvons donc partir à condition d’être au taquet sur la fréquence de désinfection de cette moche blessure. Le sel marin c’est pas vraiment l’idéal quand la chaire est coupée jusqu’à l’os ! Et à 200 euros la petite réparation, on a pas vraiment envie qu’une infection nous amène à débourser deux fois plus à l’arrivée !
Les deux premiers jours devaient être assez sportif jusqu’à ce qu’une embellie vienne nous offrir une fin de traversée agréable.
Couché du soleil au départ de Lisbonne !
Pansement étanche en place, la sortie de la Marina Parque Das Naçoes (Lisbonne Est) s’est faite en douceur et nous avons pu envoyer les voiles dès le chenal. Arrivés à la sortie de la rade, la houle a commencé à forcir et le vent soufflait aux environs de 25 Noeuds. Mais pas de quoi s’inquiéter, c’était prévu ! Du moins pour le vent, mais les vagues brisantes à quatre mètres sont tout de même un peu flippantes. L’une s’est brisée juste après s’être engouffrée sous l’étrave. Résultat, l’étrave retombe deux ou trois mètres plus bas, en claquant d’un bruit sourd dans le creux de la vague suivante, puis rebelote ! Ce n’était qu’un mauvais moment à passer, les autres brisantes ont été plus clémentes et ne nous ont pas embêtés outre mesure. Je garde tout de même le souvenir de ce passage pendant les trois prochaines heures en priant pour qu’on ne croise pas les mêmes vagues en pleine traversée et sur une plus longue durée ! A ce stade nous avions déjà pris un ris dans la GV et n’avions sorti qu’un tiers de génois.
Élodie avait pour mission de se reposer au maximum pour pouvoir prendre ma suite au bout des premières 24h. Elle n’a pas vraiment pu se reposer car les conditions étant ce qu’elles étaient, il lui était difficile de faire abstraction des nausées, des bruits sourds des vagues contre la coque, des ballotements que subissait notre valeureux Poker, ainsi que du bruit du vent qui atteignait maintenant les 35 Noeuds !
Tu cours trop vite !
Nous avançons donc avec un ris en trop dans la GV. Chose qui ne me paraissait pas inquiétant outre mesure étant donné qu’on avançait au grand largue. Le vent arrivant de l’arrière, Poker d’AS avançant dans la même direction que le vent, les forces soumises au mat sont moins importantes qu’au près ou travers. J’ai plusieurs fois insisté pour qu’Élodie essaye de prendre la barre au moins cinq minutes, le temps d’amener le dernier ris. Mais c’était au dessus de ses forces. Plutôt que de la forcer, au risque de la traumatiser définitivement, je décide donc de continuer à avancer avec ce ris en trop qui me parait inutile mais non dangereux. Vitesse de pointe enregistrée au GPS : 21 Noeuds ! Vitesse moyenne 8,5 Noeuds ! J’avais peine à y croire, mais la technologie GPS étant assez fiable, je pense qu’il ne s’agit pas d’une erreur.
Déjà 16h à la barre, dans une houle formée à plus de six mètres, un vent violent, et un petit bateau surtoillé, j’avais réussi à trouver un rythme et un cap adaptés pour passer d’une vague à l’autre sans en prendre plein la face. Et là, une “vague pute” comme je l’ai si mignonnement nommé, est venue se briser juste au dessus du cockpit ! Comme racontée précédemment, la déferlante a inondée le cockpit. Le temps que l’eau s’évacue par les nables de vidange, l’eau a eu le temps de s’infiltrer à l’intérieur et un mélange d’eau et de gasoil tapisse maintenant le sol du bateau. Ceux qui ont déjà fait l’expérience de réparation de moteur diesel en pleine nav le savent, le gasoil ça donne un foutu mal de mer ! L’eau s’étant infiltrée un peu partout, nous nous retrouvons avec une panne d’électricité malvenue. Plus de GPS, plus de VHF, le moteur ne démarre plus, les feux de nav et l’éclairage compas ne fonctionneront pas la nuit suivante si rien n’est fait… En triturant un peu les câbles d’alimentation du circuit de servitude, nous récupérons un faible éclairage compas, et des feux de nav fonctionnels. Cependant, le reste de l’électronique n’est toujours pas fonctionnel. Je branche en parallèle une seconde batterie afin de redonner un peu de jus à mon éclairage compas et mes feux de nav. Élodie a vaillamment pris la barre pour que je puisse effectuer ses réparations de fortune. Nous essayons une fois de nous mettre face au vent pour prendre le dernier ris, mais Élo n’est tellement pas rassurée que nous avortons rapidement la tentative.
Nous avions convenu que je tiendrai 24h, le temps de traverser le gros temps. Finalement ça a duré un peu plus, mais au bout de 24h je ne tenais plus. Depuis 3h, j’étais sujet à des hallucinations. J’ai vu mon père, en mode mini-bonhomme, s’amuser en bout de bôme, tantôt se reposant, tantôt jouant avec mon écoute de GV. Les vagues qui se brisaient au loin me faisait voir de gros hors-bords blancs fonçant droit vers nous. Et de temps en temps, j’apercevais au loin une grosse bouée gonflable se faisant balloter par les flots. Élo décide, malgré le gros temps, de prendre la barre. Après lui avoir donné toutes les clés pour pouvoir avancer en toute sécurité et sans se faire trop mouiller, je fais un dernier effort pour enfin prendre le dernier ris de la GV. Étant donné mon état de fatigue, je me suis arrangé pour être harnaché de la façon la plus sécuritaire possible. Toujours un point d’attache à poste, chaque mousqueton de ma longe étant déplacés un par un.
Photo prise en milieu de nav, temps relativement calme !
Le ris affalé, je retourne au cockpit pour contempler mon oeuvre ^^ Et là, horreur ! J’aperçois un petit trou en haut de ma voile ! Il faut réparer ça, et le plus rapidement possible avant que le trou ne s’agrandisse ! On sort le kit de réparation, et la notice dit à peu près : “À appliquer sur voile sèche, propre, et posée à plat. Bien appliquer de manière à éviter les bulles d’air, puis laisser agir la colle 1h avant de réutiliser la voile”. Il me parait trop dangereux de passer une heure à se faire balloter dans tout les sens sans vitesse, on va donc faire “au mieux”. Je pense que le trou s’est formé lorsque nous avons pris le second ris. Le bateau face au vent, la voile claquait très fortement et une barre de flèche (pourtant protégée avec du scotch) a du créer le trou. J’affale donc le plus rapidement possible, colle le raccord de part et d’autre de la voile et renvoie la toile aussi vite qu’elle a été amenée. La réparation a l’air d’avoir tenue malgré les conditions dans laquelle elle a été effectuée.
Élodie c’est la plus forte !
Le vent faiblit un peu, mais la mer est toujours aussi déchainée. Élodie, pleine de courage, pleure son homme qui s’en va dormir ^^ Bon j’exagère, Élodie a fait preuve de beaucoup de courage car dans sa tête, à se moment là, nous n’allions de toute façon pas arriver à destination. Elle était plutôt résignée qu’apeurée. En rediscutant avec elle, je lui ai confié qu’aucune de mes amies n’aurait fait preuve d’un tel cran, elles auraient toutes craquées et pleurées toutes les larmes de leur corps face à de telles conditions. Je l’admire ! Elle se sent pour sa part comme un manchot à qui l’on demanderai de ramander un filet de pêche, mais n’a pas conscience de ses énormes progrès. Outre la navigation pure, elle a déjà atteint un niveau de tolérance à faire pâlir un tortionnaire chinois !
Élo prend donc son quart pour les six heures suivantes pendant que je récupère de ma longue nav. Ce fut pour elle un vrai défi de tenir dans ses grosses vagues, mais je savais qu’elle en était capable. Elle en doutait, maintenant elle sait ! Je lui avais expliqué comment faire en sorte d’éviter un maximum de “vagues putes”, mais on ne peut pas s’assurer à 100% qu’on va toutes les éviter. Pour info, j’ai nommé “vague pute” “toutes vagues arrivant de travers et se brisant sur le plat bord du bateau sans avoir eu la décence de prévenir de son arrivée”. Élodie en a donc fait les frais une fois. Harnachée, elle a pu rester à poste mais s’est retrouvée trempé des pieds à la tête. Deux minutes avant, elle s’était retrouvée à la gite en haut d’une vague de six mètres et avait eu l’impression d’être sur un plongeoir en haut d’un immeuble de cinq étages. Tout ses évènements arrivés à la suite n’ont pourtant pas assez déstabilisés Élodie pour qu’elle décide de me réveiller. Elle a continué à barrer et ne m’a fait part de ses évènements qu’après mon réveil. Chapeau ! Elle a aussi eu son lot d’hallucinations, mais des hallu sonores… Des tritons et des voix venues de nulle part lui demandaient des choses du genre “Mais pourquoi tu nages pas?”.
Arc en Mer !
Lorsque je reprends la barre, les conditions s’améliorent enfin. La mer deviens plus calme, et le vent redescend aux environs des vingts Noeuds. Mais le bout retenant l’enrouleur du génois lâche au bout d’une heure. Après réparation de fortune, nous avons un enrouleur retenu par un petit bout, donc impossible d’envoyer ou de ravaler du génois de manière simple. Pas grave pour l’instant, mais plus gênant si nous devions arriver comme ça au port sans moteur… Nous n’avions pas de bout assez long pour remplacer celui cassé. J’ai plus tard trouvé la solution : la balancine est un bout assez long et de même section. La réparation sera effectué un jour avant l’arrivée. Nous avons pu aussi changer le câble d’alimentation du circuit de servitude. 12,45V sortaient bien au niveau des cosses des batteries, mais 7,9V arrivaient au tableau électrique ! Après changement, nous avions à nouveau tous nos instruments de navigation fonctionnels. Seul le moteur faisait toujours défaut.
Nous passons au large de Porto Santo !
Le dernier jour, le vent devait tomber, mais il nous a fait la grâce de souffler tout de même un tout petit peu. Nous avons pu arriver au port de Machico à la voile. La manœuvre n’était pas très belle, mais nous n’avons rien abimés.
Bien content d’être arrivés, nous avons eu la chance de croiser un gars du coin, Ricardo, qui nous a trouvé de quoi avoir une douche chaude, un lit, et bien plus encore ! L’accueil Madérien, c’est pas une farce ! C’est le top ! On vous racontera notre passage à Madère dans le prochain article ;)
P.S : Désolé pour le peu de photos, nous étions bien occupés à la barre. Ben, je penserai à mettre la caméra à poste la prochaine fois ;) J’ai pris deux ou trois vidéo mais avec l’appareil photo mais elles sont pas top :s