Qui ne connait pas La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai? Stylisée, tout en crochets, fascinante. Découverte dans un bouquin il y a plusieurs années, elle m’a singulièrement marqué et je n’avais qu’une hâte: découvrir ce tableau, cet homme et ses œuvres lors de l’exposition événement au Grand Palais.
Dès les premières esquisses, son souci du détail m’a immédiatement fait penser à son pendant français, Gustave Doré. Comme lui, il réalise des œuvres extrêmement illustrées, riches en détails. Il illustre des poésies, des estampes, des portraits, avec beaucoup d’humour. A travers lui, c’est tout le Japon ancien qui surgit avec ses costumes, ses danses, ses règles de bienséances, ses paysages, sa spiritualité. Et surtout, les grands espaces, la non urbanisation. C’est une véritable plongée dans le monde ancien qui nous est offerte.
Né à Edo (Japon) en 1760, Hokusai entre d’abord en apprentissage à l’âge de treize ans dans un atelier de gravure. Quelques années plus tard, en 1778, il découvre l’art des estampes et des esquisses aux côté de Shunsho auprès duquel il étudie. Il crée alors à ses côtés des portraits d’acteurs en série, les japonais étant très friands de ces images. Ce sera une de ses principales sources de revenus.
Le Japon à cette époque dispose d’un fort commerce avec les néerlandais (je vous recommande d’ailleurs vivement le magnifique livre Les mille automnes de Jacob de Zoet de David Mitchell à ce sujet). C’est à travers eux qu’Hokusai découvre l’art occidental et tout particulièrement les règles de perspective, bien différentes de celles apprises jusqu’alors.
En 1794, Hokusai se rapproche de l’école classique et illustre des pastiches de poèmes japonais, une forme littéraire très à la mode à cette période. C’est un véritable délice de découvrir la pointe acérée d’Hokusai, son humour incisif et le regard perçant qu’il pose sur ses contemporains. La richesse du contenu est extraordinaire et il nous faudrait des heures entières pour apprécier à sa juste valeur une seule esquisse.
Parmi les innombrables œuvres qu’il laisse derrière lui, on compte notamment les 36 vues du Mont Fuji, soit en réalité 46 estampes réalisées sur une période de deux ans (1831-1833). Cette série est célèbre pour l’insertion inédite dans l’art japonais d’influences occidentales (les fameuses perspectives) et de l’utilisation du bleu de Prusse (pigment là encore importé d’Hollande). La Grande Vague de Kanagawa, par exemple, en fait partie.
© La Grande Vague de Kanagawa, (c) Hokusai
© Trente-six vues du mont Fuji, nº35, (c) Hokusai
© Le pêcheur de Kajikazawa, (c) Hokusai
© Le lac Suwa dans la province de Shinano, (c) Hokusai
Une autre somptueuse série qu’il laisse derrière lui est Voyage au fil des cascades des différentes provinces, série à travers laquelle il s’intéresse à la représentation diverse des chutes d’eau.
© Cascade Amida, Province de Kiso, (c) Hokusai
Enfin, les innombrables carnets d’esquisse font de lui le père des mangas d’aujourd’hui.
Tout au long de sa vie, l’artiste changera de nom bien qu’on le connaisse aujourd’hui uniquement sous celui d’Hokusai. Son seul regret? Partir trop vite « Encore cinq ans de plus et je serais devenu un grand artiste ». S’il a été influencé par l’art occidental, Hokusai influença à son tour les grands artistes européens comme Claude Monet, Vincent Van Gogh, Pierre Bonnard et bien d’autres encore.