Un schiltron écossais lors de la reconstitution du 28 juin 2014 à Bannockburn
Coïncidence fortuite ou voulue, cette année voit en Ecosse l’organisation de deux événements assez symboliques de cette période de sept siècles s’étendant entre 1314 et 2014 : la commémoration de la bataille de Bannockburn en 1314 qui vit la victoire de Robert Bruce et des Écossais sur Edouard II et les Anglais, et l’organisation le 18 septembre prochain du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse.
La mise en valeur de la victoire de Bannockburn à deux mois et demi du référendum a attisé les polémiques et les attaques virulentes des unionistes accusant le gouvernement écossais dominé par les indépendantistes du SNP d’alimenter le sentiment anti-anglais à quelques semaines du référendum. Cette polémique illustre en fait le combat (démocratique) qui fait rage entre unionistes et indépendantistes.
Bannockburn, un site entièrement rénové
Le site de Bannockburn se trouve à quelques kilomètres du château de Stirling qui garde la route des Highlands. Géré par le National Trust for Scotland, fondation forte de plus de 100 000 membres, le site comprend un monument commémoratif, une statue monumentale de Robert Bruce et un centre d’interprétation. En prévision du 700ème anniversaire de la bataille fêté lors de la dernière semaine de juin, un programme de réhabilitation du site de près de 11 millions d’Euros a permis d’une part de mener des fouilles archéologiques sur l’ensemble du site et au-delà et d’autre part de construire un centre d’interprétation high-tech.
Les fouilles archéologiques auxquelles ont été associés les habitants voisins ont permis de situer exactement le site de la bataille qui aura duré deux jours sur différents espaces et de recueillir des éléments issus du combat ( éperons, croix, etc..) et de retrouver l’ancienne route menant du sud vers Stirling.
Le centre d'interprétation du site de Bannockburn
Le nouveau centre d’interprétation est assez extraordinaire utilisant les technologies les plus modernes pour représenter la bataille, en faire parler les acteurs, donner le contexte historique et politique. Se retrouver face à une charge de cavalerie lourde ou bien sous une pluie de flèches, tout ceci en 3D accompagné d’un son de très haute qualité, est une expérience assez étonnante et impressionnante.
La visite se conclue dans une salle ronde avec en son centre la carte du site de la bataille : par petits groupes, les visiteurs sont accueillis par l’animateur de la carte et du jeu qui s’en suit. A l’entrée, on attribue à chaque visiteur le commandement d’une unité écossaise ou anglaise, et le groupe se trouve divisé en deux parties, chacune jouant le rôle du commandement soit écossais soit anglais. Durant une petite demi-heure et avec les explications techniques et historiques de l’animateur, chaque commandement ordonne à ses unités de se déplacer, d’attaquer l’adversaire ou de se retirer, ordres suivis par les unités présentes sur la carte qui devient un vrai champ de bataille numérique. Bluffant pour tout dire. Au bout de 25 minutes, le combat s’arrête et l‘ordinateur calcule le résultat de tous les commandements donnés et déclare le camp vainqueur et les pertes estimées. Une expérience unique et très pédagogique (réservée aux anglophones comprenant assez bien les accents écossais…) que l’on peut aussi suivre sans participer directement d’une mezzanine dominant le champ de bataille numérique.
Bannockburn Live, un festival historique et culturel
La parade des représentants des clans d'Ecosse et du monde à Stirling le vendredi soir.
Organisé sur deux jours , les 28 et 29 juin derniers, Bannockburn Live a joué à guichets fermés et cette affluence a quelque peu submergé les organisateurs occasionnant quelques queues pour entrer sur le site. Le vendredi au soir, pour ouvrir le festival, une parade rassemblant pipebands et représentants des clans écossais d’Ecosse mais aussi des USA, d’Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, etc… a traversé la vieille ville de Stirling dans une ambiance que l’on ne trouve qu’en Ecosse à la fois martiale et familiale, grave et joyeuse. L’actualité politique y a fait une petite apparition avec des unionistes distribuant gratuitement des petits drapeaux avec d’un côté la croix écossaise et de l’autre l’Union Jack, distribution plus ou moins bien accueillie notamment par les personnes arborant des sweats ou des badges portant en grand la mention YES (oui à l’indépendance)…
Le clou de Bannockburn Live portait sur les 3 représentations quotidiennes à guichets fermés de la reconstitution de la bataille de Bannockburn avec plusieurs centaines de figurants, reconstitution là aussi très pédagogique qui permettait de mieux comprendre comment 6 à 8000 Ecossais avaient pu mettre en déroute autour de 16 à 18000 Anglais malgré leur cavalerie lourde et leurs archers (gallois). L’arme secrète de Robert Bruce se basait sur l’organisation de ses troupes en « schiltron » , groupe compact de lanciers à pied très entraînés et bien organisés, sur lesquels les vagues de chevaliers venaient s’empaler. BBC Scotland a d’ailleurs consacré deux documentaires à cette bataille où l’on voit très bien l’efficacité de cette tactique.
L’encadrement de la reconstitution était réalisé par la troupe de Clan Ranald, habituée aux reconstitutions et participant régulièrement à des productions cinématographiques comme Gladiator ou Robin des Bois.
Robert Bruce...interviewé par la télévision écossaise STV ... si, si ,c'est possible !
Là aussi la politique a fait son apparition puisque le même samedi était organisée, à Stirling, la Journée des Forces Armées britanniques et qu’on eut droit à plusieurs reprises au survol de Bannockburn par les Red Arrows (l’équivalent de la Patrouille de France). Le fait du hasard très certainement. D’ailleurs David Cameron, premier ministre britannique, y fit un discours sur la force de l’Union mais ne vint pas à Bannockburn. Alex Salmond, premier ministre écossais, se rendit à la fois à Stirling et à Bannockburn….
Parallèlement, une scène accueillait de 10h à 19h non-stop des piliers de la musique écossaise comme Dougie McLean mais surtout la nouvelle génération ; et si l’on rajoute les dizaines de stands d’information, historiques, culturels, gastronomiques, on a une bonne image de ces deux journées mêlant mémoire historique et réalités contemporaines de l’Ecosse.
Dougie McLean chantant Caledonia devenu un chant de ralliement pour les Ecossais à travers le monde.
Pour en revenir à la dimension politique, la BBC a évoqué l’évènement le soir même en …. 15 secondes avec comme illustration une photo du roi anglais Edouard II ce qui est quand même un comble, tout en consacrant une bonne quinzaine de minutes à la Journée des Forces Armées à Stirling. La TV privée écossaise STV faisant exactement l’inverse ….. Le combat pour l’indépendance passe aussi par les media.
Alex Salmond, Premier Ministre écossais, en visite à Bannockburn Live.
Pour conclure, si vous passez près de Stirling, allez sur le site de Bannockburn et visitez le centre d’interprétation, vous comprendrez ce que veut réellement dire « mise en valeur du patrimoine historique » considérée outre-Manche et plus particulièrement en Ecosse comme un atout pédagogique, culturel, social, touristique et économique. En ce domaine, il reste énormément à faire en Bretagne ….. La liste des sites historiques à mettre en valeur est longue, longue, très longue .....
Et me voilà interviewé par la télévision écossaise ........