L'approche temporelle en urbanisme

Par Villefluctuante

Qu'est-ce que la durabilité? La qualité de ce qui est durable ; Espace de temps durant lequel un bien est apte à satisfaire un besoin auquel il correspond ; Durée au-delà de laquelle il n'est plus rentable de maintenir en état un équipement. Synon. permanence, pérennité, persistance.

Les politiques temporelles précédemment décrites font parties du développement durable et il convient maintenant de s’interroger sur leur intégration dans la planification.

Plan souple / plan temporel. Dans « Espace, temps, architecture », Siegfried GIEDON écrit « qu’on a pris parfaitement conscience du fait qu'il faut répondre simultanément à des besoins fort divers et qu'il est nécessaire de faire de la ville un « champ dynamique » de forces corrélatives et interdépendantes [...]. Au lieu d'un plan général, comme on en dressait au début du siècle, l'urbanisme exige à l'heure actuelle un programme général flexible, capable de tenir compte des changements temporels, c'est à dire de laisser la porte ouverte au hasard »63. D’autres auteurs, tel que le célèbre urbaniste américain Kevin Lynch, vont même plus loin :

« On pourrait dresser la carte de la densité et de la nature des signes du temps dans une région. Elle comporterait des références au passé reconnaissables par une personne bien informée : bâtiments anciens, ruines, inscriptions, monuments, cimetières, vieux arbres, activités traditionnelles, etc. Y seraient également indiqués les endroits où on peut relever les heures du jour ou la saison, et où existent des signes perceptibles d'événements à venir : activités préparatoires, tendances visibles, communication des intentions futures, etc. Une telle carte servirait à l'amélioration de la communication officielle du temps. Des enquêtes de ce genres restent à faire. Jusqu'à présent, l'intérêt pour la forme temporelle s'est concentré exclusivement sur la conservation des bâtiments et des sites anciens.

Le rythme général d'utilisation et d'appartenance peut être également schématisé : les endroits qui fonctionnent vingt quatre heures sur vingt quatre, ceux qui se prêtent à des activités diurnes, les lieux de vacances ou ceux dont l'apparence subit manifestement des changements cycliques réguliers. Le personnel de planification peut effectuer cette schématisation soit parce qu'il songe à faire une utilisation plus suivie de l'espace public, soit parce qu'il veut encourager les concentrations d'activités qui coïncident dans le temps. Un relevé des cycles d’activités peut faire apparaître des insuffisances marquées, un manque d'harmonie ou des conflits dans l'occupation temporelle des espaces ».

Nous voyons par là que l’inscription du temps dans la planification urbaine possède une antériorité même si peu d’application concrètes ont été effectuées.

Planification urbaine & développement durable. Si en France, le rapprochement tombe sous le sens depuis la loi Engagement national pour l’environnement de 2010, il ne faut pas oublier que la loi d’orientation pour l’Aménagement et le développement durable du territoire de 1999, suivie de la loi de Solidarité et du renouvellement urbain de 2000, avait ouvert la voie d’une territorialisation de l’action publique en faveur du développement durable. Nous insisterons ici juste sur deux points : d’une part, la planification urbaine, par son approche plurithématique des temps longs, intègre les politiques environnementales entrant dans le champ du développement durable autant qu’elle intègre les deux autres piliers que sont l’économie et le social ; d’autre part la planification urbaine apparaît au côté des Agendas 21 (issus du second sommet de la terre à Rio en 1982) comme le moyen le plus efficace pour territorialiser une politique de développement durable en étant de plus opposable aux tiers.

Durabilité. La durabilité interroge de manière inédite la question si prégnante de l'obsolescence dans notre société, donc de la finitude et du recyclage. Le temps s'est décomposé au point de rendre impossible toute vision linéaire de nos actions et bien entendu de la prévision urbaine. Or le développement durable interroge « notre capacité à fortement maintenir dans l'espace et dans le temps des potentialités d'action alors que le temps se dérobe sous nos pas ». Sandra Mallet rappelle à ce sujet une controverse philosophe :

« [Gaston Bachelard] s'oppose à la théorie d'un de ces contemporains, le philosophe Henri Bergson, selon laquelle seule la durée est réalité temporelle, c'est-à-dire temps vécu, l'instant n'étant qu'une possibilité de découpage abstrait du temps. À l'inverse, le philosophe champenois pense que « le temps n'a qu'une réalité, celle de l'instant ». Dès lors, durée et permanence ne sont qu'illusions et il démontre la structuration discontinue de la durée. Il conçoit le temps comme étant marqué par l'hétérogène, comme un ordre pluriel ». Cette controverse sur la nature de la durée faite d’un temps vécu pour l’un et d’une somme d'instants sans durée pour l’autre redéfini la continuité. Bachelard identifia cette continuité comme une continuité fictive faite d’une multiplicité d’instants prise entre des intervalles de néant. Il se peut que la durabilité s'exprime dans la continuité de cycles de production, de destruction, et de réemploi de la ville et qu’elle se place au niveau d’un processus général et non de la longévité des objets. La nature rythmique de la durabilité qui ne serait pas constituée par la pérennité des intentions suivies d’actions mais par l’impermanence d’un renouvellement incessant.

Dans cette définition émergente, la durabilité appliquée à la planification serait de deux ordres : d’une part le réajustement incessant de l’action publique pour atteindre des objectifs à long terme et d’autre part l’attention portée aux actions concrètes en cours pouvant réorienter le court du projet planificateur. Dans cette optique, le retour d'expérience comme processus d'évaluation des politiques publiques d'aménagement apparaît comme particulièrement opérationnel.