Il reste quelque chose de ce raisonnement chez Alain Badiou lorsqu'il fait du souci de l'étranger le premier critère d'une politique qu'il estime juste.
Je ne suis ni l'un ni l'autre dans ce goût des marges, mais leur enseignement mérite d'être retenu.
C'est aussi pour cela que l'existence et la nature de Frontex, cette agence européenne de lutte contre l'immigration, m'importe.
J'avais donc, en fin d'un billet sur l'Union euroméditerranéenne, cité un article de Jean Ziegler sur Frontex.
Aussitôt les coqs de garde chez Publius sont intervenus. Pas moins de deux billets, coup sur coup, pour défendre Frontex et stigmatiser les abrutis qui abusent de la crédulité des lecteurs.
Je passe sur le premier billet, qui confond visiblement l'Union européenne et Zorro : "Et bien FRONTEX SAUVE DES VIES TOUS LES JOURS. Ils récupèrent les clandestins, et tentent d'arrêter les salauds de passeurs. Voilà."
J'ai juste renvoyé l'auteur de ce billet à un extrait de l'article de Ziegler qu'il n'avait visiblement pas lu : "A la même époque encore, mais en Méditerranée cette fois-ci, un autre drame se joue : à 150 kilomètres au sud de Malte, un avion d’observation de l’organisation Frontex repère un Zodiac surchargé de 53 passagers qui – probablement par suite d’une panne de moteur – dérive sur les flots agités. A bord du zodiac, les caméras de l’avion identifient des enfants en bas âge et des femmes. Revenu à sa base, à La Valette, le pilote en informe les autorités maltaises, qui refusent d’agir, prétextant que les naufragés dérivent dans la « zone de recherche et de secours libyenne ». La déléguée du Haut Commissariat des réfugiés des Nations unies Laura Boldini intervient, demandant aux Maltais de dépêcher un bateau de secours. Rien n’y fait. L’Europe ne bouge pas."
Le deuxième article était plus détaillé, expliquant la structure de Frontex, pour démentir l'opacité que Ziegler prête à cet organisme.
J'ai rappelé, dans un premier commentaire, "sur Frontex, on lit ceci sur le site de cette institution :
"The activities of Frontex are intelligence driven." En anglais, intelligence c'est espionnage/renseignement..."
Puis un autre commentateur est venu apporter des liens intéressants, vers des sites de la Ligue des droits de l'homme notamment. N'ont pas l'air, eux qui connaissent, de beaucoup apprécier Frontex.
On lit dans un des articles (article de l'Express), que Frontex a des partenariats avec des armées africaines : "un membre de l’équipe sénégalaise de Frontex, le capitaine Mouhamadou Moustapha Sylla, avait déclaré à l’Afp que ce bateau ne se trouvait pas dans l’espace maritime sénégalais et avait démenti son interception."
A en croire l'Express, Frontex se limite à attraper les gens et les remettre dans le droit chemin.
Mais je reçois, peu après, une newsletter consacrée aux libertés publiques dans l'Union, Statewatch.
Un autre incident nettement moins soft est relaté : 29 morts dans un canot gonflable crevé par la marine marocaine. L'Union européenne est citée comme étant la cause ultime de ce drame, puisque c'est elle (directement ou via Frontex ?) qui pressure les états africains pour qu'ils ne laissent pas passer de clandestins :
Morocco/EU
Moroccan navy accused of sinking dinghy, causing 29 to die
On the night of 28 April 2008, a chase in the high sea off the coast of Al Hoceima ended when a Moroccan navy officer slashed a dinghy's pneumatic body, resulting in 29 would-be sub-Saharan migrants (including four women and four children) drowning, according to survivors. This is the latest dramatic event in which efforts by Moroccan security forces to stem the flow of migrants towards Europe has resulted in deaths, after incidents including the shooting of migrants trying to climb over the border fence in Ceuta in the autumn of 2005.
AFVIC, the Casablanca-based association of friends and families of illegal immigration victims, accuses the EU of sub-contracting repression and sacrificing fundamental human rights principles. It conducted an investigation after the news surfaced of the incident in an article in El País newspaper, and noted that the first obstacle was the fast-track expulsion of survivors of the shipwreck, resulting in them only being able to talk to a few survivors, three of them by telephone. It reconstructed events, reporting that two dinghies (zodiacs) had set off that night from Al Hoceima in the north-east of Morocco, both of them carrying 60 passengers on board. At two in the morning, one of them was intercepted by the Moroccan navy in the high seas, ordered to halt and towed to the coast. The second dinghy was intercepted shortly afterwards but refused to comply with orders to stop. AFVIC notes that the "connection man", who held the money paid by passengers, was on board and reportedly threatened to throw the driver of the boat overboard if he stopped...
http://www.statewatch.org/news/2008/may/04morocco-deaths.htmJ'ai bien noté que les deux nobles auteurs de chez Publius n'ont rien répondu à aucun des commentateurs, certainement faute de temps et non d'arguments.
Bref, pour ma part je suis encore plus suspicieux à l'égard de Frontex après ces articles en défense de cette trop méconnue institution, merci aux deux auteurs.