Le projet de loi relatif à la croissance et à l’activité prévoit une simplification importante du droit de l’environnement et du droit de l’urbanisme, et ce, par ordonnances. Analyse.
Le projet de loi pour la croissance et l’activité et l’avis du Conseil d’Etat peuvent être téléchargés ici.
Les principales mesures de simplification prévues
Les articles 24 à 34 ouvrent le droit au Gouvernement, sous réserve du vote du Parlement, de procéder par ordonnances pour simplifier les droits de l’urbanisme et de l’environnement. On notera le caractère particulièrement large de l’habilitation ainsi sollicitée.
Article 26 : généralisation de l’expérimentationd’une autorisationuniqueenmatièred’installationsclasséespourlaprotectiondel’environnement (ordonnancen°2014-355du20mars2014) et l’étendre aux installations « loi sur l’eau ».
Article 27 : généralisation de l’expérimentation d’un certificat de projet (ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014).
Article 28 : comporte de nombreuses mesures d’habilitation pour accélérer l’instruction des demandes d’autorisation et réformer les procédures de recours devant les juridictions administratives, en matière d’urbanisme et d’environnement :
- accélération de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et réforme du contentieux- - - suppression de la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles
- réforme de l’évaluation environnementale des projets et transposition de la directive 2014/52/UE
- « modernisation et clarification » des modalités de participation, de concertation de consultation et d’information du public
- réforme du contentieux administratif de l’environnement
Article 29 : réduction de la procédure de démolition des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire annulé aux seules zones naturelles protégées
Un simplification nécessaire. Il est nécessaire et possible de simplifier le droit de l’environnement sans réduire son niveau d’exigence. Au contraire : la simplification permettra d’être plus efficient, plus souvent et mieux appliqué. Le droit de l’environnement peut gagner en qualité de rédaction, en prévisibilité et en stabilité. Pour ce faire, deux méthodes sont possibles : une méthode participative qui permet à toutes les parties prenantes de s’exprimer et aux parlementaires de trancher. Une méthode technocratique où seule l’administration produira de nouvelles normes. Le projet de loi Macron penche pour la deuxième option.
Réformer le droit de l’environnement et l’adapter aux enjeux d’une économie nouvelle est possible. Le réduire à une somme de contraintes et tenter de le simplifier au rabot est regrettable. Et produira l’effet inverse de celui recherché. En 2013, la ministre de l’écologie avait ouvert un processus participatif ouvert à toutes les parties prenantes pour élaborer collectivement un consensus sur l’avenir du droit de l’environnement. J’ai participé au comité de pilotage de ces « Etats généraux de la modernisation du droit de l’environnement » avec enthousiasme jusqu’à ce que l’idée soit enterrée à l’occasion du départ de la ministre.
Le chantier de la simplification du droit de l’environnement est désormais directement piloté par Bercy (ministère de l’économie) et se trouve inscrit dans le projet de loi relatif à la croissance et à l’activité qui sera présenté en Conseil des ministres ce 10 décembre 2014, par le ministre de l’économie. Or, il n’est pas certain que Bercy soit l’administration la mieux placée pour procéder à une adaptation du droit de l’environnement. En outre, ce projet de loi ne permettra pas un véritable débat parlementaire car le projet de loi prévoit de réformer par ordonnances. Concrètement, cette procédure fondée sur l’article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de solliciter de la part du Parlement une habilitation à écrire la loi, non au Parlement mais de son côté. L’ordonnance, une fois publiée, est censée être ratifiée par une loi mais nombre d’ordonnances restent non ratifiées pendant longtemps.
En deux ans, ce chantier sur l’avenir du droit de l’environnement est donc passé d’un processus participatif à un processus technocratique. La conséquence ? Une avalanche à venir d’ordonnances rapidement rédigées qu’il faudra décrypter analyser, traduire en décrets et en arrêtés et expliquer par circulaires. Puis modifier. L’ordonnance est rarement synonyme de simplification. Et on ne réforme pas bien par ordonnances.
Rappelons les propos sages de Jean-Jacques Urvoas, Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale à propos du recours aux ordonnances :
« ils se révèlent souvent défectueux, avec des malfaçons qui n’apparaissent qu’a posteriori, là où il se serait sans doute trouvé un député pour soulever, fût-ce innocemment, le problème qui ne s’est découvert qu’après à l’occasion de contentieux multiples. Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèques que ne possèdent pas cette législation de chef de bureau que sont les ordonnances. »
Le recours à l’ordonnance donne l’illusion d’aller vite. Il n’en est rien. Le temps prétendument gagné en amont est toujours perdu en aval. Un exemple : l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement. Cette ordonnance a été élaborée sur le fondement de l'article 256 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. A peine deux ans après sa publication, il est déjà nécessaire de la corriger, ce que prévoit de faire l'article 66 du projet de loi relatif à la biodiversité. Le rapport de la Commission parlementaire chargé de l'examen de ce texte précise en effet que les dispositions de cette ordonnance "s'avèrent entachées d'erreurs, en particulier pour ce qui concerne les compétences matérielles de constatation de certaines catégories d'agents, les pouvoirs d'investigation des agents de contrôle ou les mesures et sanctions des atteintes à l'environnement." Une autre ordonnance devrait donc venir corriger la première. Redisons-le : le recours aux ordonnances est souvent contraire à l’objectif de qualité et de sécurité du droit en général, du droit de l’environnement.
Une étude d’impact « gravement insuffisante ». Deuxième sujet d’inquiétude : l’avis du Conseil d’Etat. Dans l’avis rendu par ce dernier sur le projet de loi qui lui a été soumis, il est écrit dès les premières lignes :
« S’agissant de l’étude d’impact : Le Conseil d’Etat n’a pu que déplorer, à la date de sa saisine du projet de loi, le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l’étude d’impact sur nombre de dispositions du projet. Si, après des demandes en ce sens, des progrès ont pu être relevés lors de la présentation du projet de loi devant l’Assemblée générale, le Conseil d’Etat appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de fournir dès le stade de la saisine une étude d’impact propre à satisfaire aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009. »
Il paraît difficile d'engager une réforme vertueuse du droit de l'environnement sans étude d'impact préalable. A titre d'exemple, une analyse des difficultés d'anticipation de transposition du droit de l'Union européenne - source principale du code de l'environnement - aurait été utile.
Nous continuerons de suivre cette réforme avec attention.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats