Et oui, un même billet pour deux BD du même auteur que j'ai lues successivement.
Dans Rural, Etienne Davodeau applique le même déroulé que dans Les Ignorants et nous emmène au coeur du métier d'agriculteurs bio. On découvre alors les contraintes de ces hommes, le rapport à la terre tellement brut mais aussi les contraintes des labels et la concurrence déloyale. Et puis il y a l'autoroute qui va être construite et dont le tracé n'est pas acté. Elle doit se frayer un chemin à travers les champs cultivés, au prix de certaines délocalisations de maisons. ce couple m'a particulièrement touché, sûrement parce que j'ai très bien projeté l'énergie, le temps, l'amour mis dans la construction pierre après pierre de leur maison et comment au fur et à mesure des réunions, des arrangements politiques, ils doivent déménager. J'ai été sensible à la manière dont ils ont décrit leur colère, voire les attitudes un peu brutes qu'ils ont pu avoir avec les personnes venant sur le chantier mais j'ai tellement compris ce déracinement, au sens propre du terme. Encore une fois, on sort de cette lecture avec un amour des gens, et une découverte profonde d'un métier. Après cette lecture, on a juste envie d'aller passer un we dans une ferme et d'acheter bio. La préface écrite par José Bové est également très intéressante.
Dans les Mauvaises Gens, on découvre une région, les Mauges, un combat, celui des ouvriers et un peu de la vie familiale de l'auteur. Toujours en noir et blanc, toujours en se mettant de temps en temps en scène pour raconter comment il a demandé à ses parents s'ils pouvaient parler d'eux (j'ai beaucoup aimé ce passage), toujours une pointe d'humour mais beaucoup de découverte pour le lecteur. On plonge dans la lutte syndicale, la difficulté des métiers à l'usine et comment la religion a également pu apporter du sens à la vie des ouvriers de ces régions dont on parle peu. J'ai été touchée par la carrière du père d'Etienne, débutant à l'usine, finissant en politique. Quel courage et quelle énergie ont eu ses parents pour mener de front ces combats et une vie familiale. cette BD a reçu le prix du festival d'Angoulême 2006.
Grâce au support BD assez ludique, à la pointe d'humour de l'auteur qui se met en scène, on apprend énormément de ces BD-reportages en noir et blanc. Encore de très belles oeuvres de cet auteur que j'aime particulièrement. Même l'Homme a lu ces BD, lui qui ne lit que l'actualité ou les magazines économiques mais l'effet reportage l'a convaincu!