Depuis la nuit des temps, le don transforme les ennemis en alliés. Il crée des obligés, avec toute l’ambivalence que cela produit, puisqu’il y a une obligation de rendre. Et ce que montre très bien l’anthropologue Marcel Mauss dans Essai sur le don, c’est cette ambiguïté du don. Un don qui ne peut pas être rendu transforme celui qui l’a reçu en obligé et le rend inférieur à celui qui l’a donné. Donc à certains égards, le don, s’il devient asymétrique, devient un instrument de pouvoir et de la domination.
Le premier mobile du don, c’est l’intérêt pour soi. Cela correspond à une pulsion de survie. On le voit dès la naissance, dès les premiers jours. Mais il y a aussi de l’intérêt pour autrui, ce n’est pas contradictoire. Dans tous les dons que nous accomplissons, il y a une part d’obligation sociale et une part de liberté créative. Par exemple, à Noël ou lors d’un anniversaire, on est bien obligé d’offrir un cadeau à ceux qu’on aime. Mais ces cadeaux peuvent être plus ou moins élaborés, ils peuvent être offerts avec plus ou moins de talent ou de grâce. Dans ce domaine, chacun est amené à faire preuve de créativité. Ce qui veut dire que dans le cadre de l’obligation sociale il y a de la place pour la liberté et pour l’inventivité. Ce qui compte, finalement, ce n’est pas seulement la nature du don, c’est aussi la manière dont nous l’accomplissons.
source : La Vie