Le nouveau pont Champlain : pas trop tard pour bien ou mieux faire
Publié le 09 décembre 2014 par JclaudedAujourd’hui, le trafic des ponts et du tunnel qui relient Montréal au territoire de la Rive-Sud est intense aux heures-de pointe, au point qu’il déborde partout et est souventes fois arrêté par des bouchons. Les périodes d’attente par les automobilistes sont longues et nombreuses. Pourtant du côté nord, on sort relativement facilement de l’île de Montréal. L’explication est simple. Sur le côté sud, il y a 13 voies de circulation de véhicules pour traverser le fleuve, dans chaque direction, alors qu’il y en a 22 sur le côté nord pour une population presque équivalente. Il n’y a eu aucune nouvelle voie de circulation pour traverser le fleuve Saint–Laurent depuis 1967.
Depuis de nombreuses années, les montréalais et les citoyens de la Rive-sud exaspérés, les industriels et les commerçants demandent un pont additionnel sur le Saint-Laurent pour desservir l’île de Montréal. Pont additionnel veut dire voies additionnelles. Malheureusement, le nouveau pont Champlain ne répondra pas à ce besoin car il ne comporte que trois voies dans chaque direction, tout comme l’actuel. Le même nombre et la même largeur de voies sauf pour un accotement additionnel et un train léger.
Il y aura donc encore des bouchons sur le nouveau Pont Champlain, et sur les rives de chaque côté, même si le nouveau train léger remplacera les dizaines d’autobus qui aujourd’hui font la navette. « Mais ce ne sera pas suffisant car le déficit en termes de capacité routière est trop grand » m’a confirmé un ingénieur spécialisé en circulation de véhicules. De plus, les camions qui viennent des USA auront toujours la même difficulté pour livrer leurs marchandises. Avec un accès rapide, les coûts seraient diminués.
Dès l’ouverture du pont, nous en serons presque au même point. Il ne me semble pas y avoir eu de collaboration entre Québec et Ottawa (conflit Harper-Marois) pour le design du nouveau pont en rapport avec les besoins de circulation des véhicules entre Montréal et la rive-sud. Où en serons-nous dans 10 ans, avec un nombre d’automobiles qui croît au rythme de 1,9% par année au Québec dont environ 50,000 par an dans la grande région de Montréal. L’autoroute des Laurentides nous démontre clairement les effets du boom automobile.
Une voie additionnelle dans les deux directions du nouveau pont serait un ajout, nécessaire, essentiel et minimum. Deux voies équivaudraient à un pont additionnel. D’ailleurs, cela est conforme aux conclusions de la très sérieuse Commission Nicolet, dirigée par le réputé ingénieur québécois Roger Nicolet, en janvier 2003 et qui a fait une étude intensive pour améliorer la mobilité entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent. Elle a suggéré l’addition d’un tunnel à deux voies et deux niveaux dans chaque direction, parallèle au pont Champlain (alors en bonne condition). Il est inconcevable qu’aujourd’hui personne ne relève cette situation.
Une voie de plus, c’est 2 000 véhicules par heure additionnelles aux heures de pointes, dans chaque sens, soit une augmentation de 33% de véhicules.
Il nous faut demander, je dirais même exiger, l’ajout d’une voie additionnelle dans chaque direction? Ces voies ne coûteraient relativement pas cher.
De plus, pour la construction du nouveau pont Champlain, le gouvernement fédéral n’a pas fait de concours international invitant les designers de ponts à présenter leurs propositions. Il a unilatéralement décidé d’engager le compétent danois Poule Ove Jensen. À ce moment-là, il a mis de côté la possibilité d’obtenir les concepts d’autres grands designers, tel sir Norman Foster qui a fait le superbe viaduc de Millau.
L’architecte français Roger Taillibert est un de ceux qui auraient aimé présenter leur projet de pont mais n’en ont pas eu l’opportunité. Devant l’évolution du dossier, il a décidé de faire connaître, en catastrophe, son projet aux Montréalais. C’est un beau et spectaculaire projet, tout d’acier, qui, il me semble, leur plait plus que celui de Jensen. Taillibert assure qu’il est moins cher et peut être réalisé plus rapidement. Or, sa proposition arrive en pleine période de préparation des soumissions pour la réalisation du nouveau pont par les trois groupes de constructeurs choisis par le fédéral. Ils doivent présenter leurs propositions techniques dans un peu plus de 2 mois, le 4 février 2015, et leurs propositions financières le 1er avril 2015.
Les groupes choisis sont très compétents et regroupent chacun des ingénieurs et constructeurs de grande réputation au Québec, au Canada et à travers le monde pour la réalisation de grands ouvrages d'art semblables. Ils doivent respecter le design et le concept de Jensen, mais à la demande du gouvernement fédéral, ils pourraient soumettre un prix pour un pont à quatre voies dans chaque sens au lieu de trois et en faire les plans et devis. Un retard de quelques mois seulement pour la remise de propositions dans ce sens serait requis mais le résultat en vaut la chandelle.
Le projet actuel du nouveau pont Champlain doit être repensé. Il ne s’agit pas de changer les équipes de constructeurs choisis pour la compétition, mais plutôt de réfléchir davantage à sa capacité-véhicules et à son allure. Jensen devrait modifier son projet pour ajouter de nouvelles voies.
Malheureusement, cela n’assure pas que notre pont sera le meilleur possible à tous les points de vue car si d’autres designers, jamais sollicités, sont en mesure de proposer des solutions différentes, pratiques, moins coûteuses, plus spectaculaires, pourquoi ne pas les considérer ? Sur la proposition de Taillibert, le ministre Lebel a affirmé spontanément « il est trop tard ! » sans même demander à ses ingénieurs d’examiner le concept proposé par Taillibert avant de le rejeter du revers de la main.
Trop tard ? Pourtant, si un projet représente une solution permettant d’avancer la livraison du pont, il ne peut être question de retard. Et s’il était moins coûteux, cela diminuerait le coût du péage, non ? On n’a pas les moyens de refuser de meilleures idées ou de meilleurs concepts. Si le concept de Taillibert est acceptable au point de vue technique, pourquoi ne pas le soumettre aux soumissionnaires comme possibilité d’une proposition alternative. Notre nouveau pont sera là longtemps et ces quelques mois supplémentaires peuvent changer beaucoup de choses.
Les Montréalais ont débattu sur le nom du nouveau pont, mais ils n’ont pas eu la possibilité de discuter de son concept et design, ce qui est beaucoup plus important. Le temps est venu qu’ils s’impliquent.
Nous voulons le plus beau pont. Nous voulons qu’il réponde aux pressants problèmes quotidiens de mobilité pour les personnes et les marchandises. Nous voulons éliminer la pollution que génère la congestion qui nous confronte, de plus en plus chaque jour. Nous voulons que les économies montréalaise et québécoise cessent d’être pénalisées par les problèmes de circulation des véhicules. C'était le constat de la Commission Nicolet.
Claude Dupras