Le premier roman de Julien Sansonnens, Jours adverses, décrit la vie d'un trentenaire actuel. On y retrouvera les processus, les tics, les ambiances, les non-valeurs de la société actuelle. On y repérera aussi une recherche de sens, qui saisit Sam, le personnage principal, emblématique de cette génération, et perdu dans un labyrinthe carriériste absurde. Porté par une écriture contemporaine qui joue sur les niveaux de langue, le roman fonctionne bien et sa tentative de faire le portrait critique et ample d'une génération est réussie.
Sam a tout ce qu'il faut. Un poste dans une boite de communication qui lui permettra de monter, des petites amies draguées sur les sites de rencontre, un ami avec qui il se soûle au MAD. Pour ça, il a renoncé à une carrière de photographe, troquée en échange de la sécurité. Il vit à Lausanne, une ville qu'il voit différente au gré de ses humeurs et de ses états, entre petite ville provinciale qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, et cité hallucinée, labyrinthique et hostile.
Mais Sam n'est pas heureux. Mal intégré dans son travail, solitaire, n'adhérant pas à l'esprit de la boite, manquant des matinées après des soirées trop intenses, ne convoitant pas l'avenir que son métier lui offre. On le voit, dans des scènes houellebecquiennes, à une fête de Noël, à la cafétéria ou dans son bureau, désenchanté. De plus, il se fâche avec son meilleur ami qui se convertit à une vie petite-bourgeoise, apprend que son père a le cancer, fréquente une prostituée malgré sa relation avec une petite amie adorable. Sur un coup de tête, il démissionne.
Deuxième partie, très différente. Sam choisit de reprendre une buvette d'alpage au Crêt-Meuron, au-dessus de Neuchâtel. C'est un nouveau départ, qui semble lui réussir. Nouvelle fiancée, contacts humains, rencontre d'un vieux militant ouvrier, ancien horloger, avec qui il parle politique, lui, un ancien du Front Révolutionnaire Internationaliste des Travailleurs Solidaires, un mouvement trotskiste, dans lequel il a d'ailleurs rencontré un certain Julien Sansonnens, dont il n'a pas gardé un très bon souvenir. « Le pire c'était encore Julien Sansonnens, dont on lisait qu'il était l’étoile montante de notre organisation : ce petit merdeux se la jouait Che Guevara alors que ses parents étaient prof, son grand-père pharmacien et son arrière-grand-père directeur de banque ! Tu te rends compte ? »Bref, tout semble aller mieux. On croirait aux vertus du retour à la nature si, à la fin, les démons de Sam ne reprenaient le dessus. Car tout se délite encore et il se retrouve seul avec son chien, dans une attente qui constitue une fin ouverte...
Quant à Julien Sansonnens, on pense à lire son livre qu'il ne se se la joue plus Che Guevara. Ou un Che Guevara très désenchanté. Né en 1979 à Neuchâtel, il est engagé à gauche, tient un blog littéraire, est critique littéraire à l'hebdomadaire Gauchebdo, travaille en Valais comme chercheur en santé publique.
Julien Sansonnens, Jours adverses, Editions Mon Village