Plutôt méfiant depuis quelque temps vis à vis des thés noirs japonais, convaincu aussi que ce sont les thés verts, étuvés en particulier, qui forment "l'âme" et la vraie personnalité du thé japonais, je n'étais pas vraiment pressé de venir remplir la catégorie thé noir de Thés du Japon. Et puis finalement lors d'un salon, je tombe sur un thé noir japonais qui a capté mes envies. Le nom que lui a donné le producteur, M. Matsumoto : Fuji-san Souchong. Il s'agit bien sûr d'une référence au célèbre thé noir chinois Lapsang Souchong.
En effet, ce thé noir en provenance de Shimada (Shizuoka) est le premier thé noir japonais fumé.
Après plusieurs années d'essais, le producteur en est venu à utliser simplement le cultivar Yabukita pour le thé, rien de bien spéciale ici, en revanche, pour le bois qui sert à fumer le thé, M. Matsumoto utilise des copeaux de bois provenant de tonneaux de whisky japonais. Il s'agit donc de chêne américain ayant servi pour les fûts servant au vieillissement d'un célèbre whisky japonais de la distillerie The H. .
Au premier abord, on note que les feuilles sèches ne sont pas vraiment jolie. En revanche, le parfum fumé est très net et très fort, dominant sans peine le parfum du thé.
Je ne sais jamais comment infuser ce type de thé noir, et je proposerai trois méthodes, qui permettent aussi de bien comprendre ce thé étonnant.
3g de feuilles dans 90ml d'eau très chaude, 60 secondes.
Le parfum est fort. Alors que l'on pourrait s'attendre à un "fumé" très envahissant, on constate que quand le thé est encore très chaud, le parfum fumé apparaît plutôt comme un support de cette douceur sucrée, de fruit mur, typique des thés noirs japonais. Puis, en refroidissant un peu , les arômes fumés se confirment, venant établir un bel équilibre avec les doucereux arômes du thé. Le tout est tout de même assez dense et puissant.
Cette force se retrouve en bouche. Il le semble que le fumé joue ici un rôle tout aussi fort, peut être plus encore même, que dans le parfum. Dès la première attaque, on le ressent, puis, alors que la douceur du thé apparaît, accompagnée d'une pointe d'astringence bienvenue, le fumé semble se faire composante principale de l'arrière-goût, et enfin d'un after-taste subtil mais bien présent.
Grâce à cette pointe d'astringence, et au délicieux arômes fumés qui semble enrobé ce thé noir, on atteint un équilibre tout à fait délectable, qui efface la lourdeur, la trop forte douceur qui me déplaisent dans nombre de thés noirs japonais. Cette liqueur coule sans accrocs dans la gorge, là encore chose pas toujours évidente avec ce type de thé.
On pourra enchaîner sur deux autres infusions, dans la même ligné, où le fumé ne s’essouffle pas.
Une autre solution, 4g dans 150ml d'eau très chaude, pour 100s.
Je pense que j'ai là des paramètres classiques à l'occidentale pour le thé noir (?).
Le résultat, les impressions, ne sont pas radicalement différentes qu'avec la 1ère méthode, sauf qu'on se retrouve avec une dégustation moins stratifiée, les différents arômes apparaissent plus simultanément sans pour autant, au contraire même, se marcher sur les pieds. Le résultat globale est plus léger, les angles sont arrondis, l'ensemble bien cadré et harmonieux. Pour une consommation quotidienne c'est une bonne solution. Profondeur des différents arômes, absence de lourdeur.
Le producteur, M. Matsumoto conseillant l'infusion à froid, j'ai essayé en conservant les même 4g pour 150ml, mais avec de l'eau froide. Je ne sais pas combien de temps j'ai laissé infuser exactement, 15 minutes peut être, mais il me semble que j'aurais dû laisser plus.
Si selon le producteur l'idée est justement de ne pas donner trop de force au fumé qui pourrait gêner nombre de personnes, le résultat dans le parfum lui laisse tout de même de la place. Certes, c'est plus diffus, apparaissant presque comme une composante du parfum léger et épicé qui occupe le verre. Aussi, les arômes douceâtre semblent tout à fait domptés, et d'une manière complètement différente de l'infusion à chaud, on obtient donc un parfum très équilibré, aromatique, plus "féminin" peut-être.
Faute de temps d'infusion, la liqueur est très légère. A froid, il n'y a bien sûr aucune astringence. De très légères saveurs épicées, subtilement florale, et là encore en arrière-goût, les arômes fumés.
Avec une infusion à froid, j'avais peur d'obtenir justement tout ce trop plein de douceur qui rend à mon goût beaucoup de thés noirs japonais écœurants. A ma grande surprise, ne ce n'est pas le cas. La liqueur coule très bien en gorge, et ce thé est vraiment très agréable à boire ainsi.
Il m'apparaît alors que malgré l'aspect extérieur assez peu engageant des feuilles sèches, ce thé noir, avant même le fumage, est déjà relativement réussi. Il ne possède certes pas à la base de qualités ou caractéristiques particulières je pense, mais c'est là qu'intervient le fumé.
Ces saveurs fumées arrivent donc non pas comme un cache-misère, mais bien comme un facteur d'harmonie. C'est globalement un thé surprenant, vraiment très agréable...... mais évidemment, ceux qui n'appricient pas le fumé passeront leur chemin.
Par ailleurs, j'ai pu aussi goutter deux autres de ces thés, fumés avec du bois de pommier pour l'un, et du bois de cerisier du Japon (Sakura) pour l'autre. Le premier donne un fumé extrêmement fort, l'autre très léger et rond, pas très intéressant pour moi.