Un jour, un pêcheur est attiré par les chants d'une femme-poisson qui devient par la suite son épouse.Un jour, l'épouse et le petit garçon de Titiky lui sont arrachés, car il n'a pas apporté des zébus pour les funérailles de son beau-père; la jeune maman et son enfant sont donnés à un prétendant qui a offert des zébus.Un jour encore, une cérémonie des crachats est organisée en faveur de Tava pour le désenvoûter. Dès lors, il retrouve toute son habileté et peut enfin vivre de sa passion et de son art: la musique.La route d'un médecin vazaha croise un jour celui d'un vieux musicien autochtone; celui-ci est peut-être sorcier, devin, mort-vivant ou dieu. Les chants de sirènes, les histoires de zombies, les rites mystérieux entraînent les deux amis dans les arcanes de la pensée du grand sud malgache qui les rapproche singulièrement, jusque dans l'au-delà.Enfin, pour en savoir plus, je vous renvoie à la page que consacre le site Île en île à David Jaomanoro.
Magazine Culture
C'est un article publié sur le site de Mayotte 1ère qui m'apporte, ce matin, la triste nouvelle: David Jaomanoro est décédé dimanche au Centre hospitalier de Mayotte, une semaine après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral. Il aurait eu 58 ans le 30 décembre.
En hommage à cet écrivain bourré de qualités et dont on ne regrettera que la minceur de la production, je republie un texte que j'avais écrit en 2006 à l'occasion de la publication de son recueil de nouvelles, Pirogue sur le vide.
On attendait cela depuis longtemps. Depuis 1993, pour être
exact, l’année où une nouvelle de David Jaomanoro, « Funérailles d’un cochon », avait remporté le prix RFI.
Elle avait été publiée l’année suivante, avec d’autres nouvelles lauréates,
dans un recueil collectif. Republiée dans le gros volume Omnibus consacré à
l’océan Indien.
Entre-temps, David Jaomanoro avait reçu la médaille d’or des
Jeux de la Francophonie à Tana, en 1997. On avait pu lire quelques textes de
lui ici ou là, dans « Revue
noire », notamment. Ou, plus récemment, dans l’ouvrage composé par
Dominique Ranaivoson, « Chroniques
de Madagascar ». Sa collaboration avec Rajery, quand il avait écrit le
texte de la chanson « Viavy »
sur l’album « Volontany »,
avait été remarquée. Mais, en fait, il semblait avoir plus de chance avec le
théâtre. Sa pièce « La
retraite » avait été publiée, « Tanguena »
avait été adapté à la scène au Centre culturel Albert Camus.
C’est donc un grand bonheur de voir paraître enfin un
recueil de nouvelles, « Pirogue sur
le vide », chez un éditeur – les Editions de l’Aube – qui a dans son
catalogue un prix Nobel de littérature, l’écrivain d’origine chinoise Gao
Xingjian et Vaclav Havel, qui fut dix ans président de la république tchèque.
Entre autres.
« Notre » David Jaomanoro est donc en belle
compagnie, et il le méritait bien. Son livre est en effet de très belle
facture. On en connaissait certaines pages, mais de les trouver rassemblées
avec celles qu’on ne connaissait pas encore leur donne une force
supplémentaire : celle d’un écrivain à maturité, capable, à la manière
d’un Raharimanana, de parler de tout sur le ton d’une poésie âpre, qui bouscule
les esprits.
Installé à Mayotte depuis quelques années déjà, il puise à
plusieurs sources, et ses textes sont au point de rencontre d’une triple
culture : française, puisque c’est la langue qu’il utilise, malgache, bien
sûr, mais aussi comorienne. La phrase fait le va-et-vient entre ces trois
enracinements.
Prenons la nouvelle d’ouverture, « Le rêve d’Assiata ». Moins de dix pages (mais quelles
pages !) pour dire une terrible nuit de noces, un combat entre celle qui
est encore presque une enfant et son mari dont elle devient la quatrième femme.
Le destin pèse sur Assiata, qui est la narratrice de sa propre histoire, et
qu’elle clôt sur ces mots : « Je
suis finie. »
David Jaomanoro n’est pas un auteur confortable. Il fouille
des blessures anciennes, ravive les douleurs. Il s’en prend aux traditions et
aux rapports de force qu’on ne voit plus à force de les vivre au quotidien. La
lumière qu’il jette sur le monde est crue, brutale.
Ce n’est pas pour autant un monde sans espoir. La dernière
nouvelle, « Ndzaka Lapiné »
(qu’il faut comprendre « l’apnée », parce que Ndzaka est une spécialiste
du plongeon), est l’histoire d’une autre fillette, étalée celle-ci sur
plusieurs années. Elle paraît être une proie facile pour les jeunes caïds du
coin – nous sommes à Mayotte, mais cela pourrait être n’importe où ailleurs.
Mais elle a de la ressource, et elle fait mieux que se défendre. Elle se bat,
elle tue…
Non, décidément, lire David Jaomanoro n’est pas ce qu’on
appelle une partie de plaisir. Il vous jette souvent la violence à la figure,
et il est peu de moments paisibles. Il remplit parfaitement, en cela, son rôle
d’écrivain : être un éveilleur plutôt qu’un endormeur.
On n’est donc pas surpris qu’il ait été choisi,
avec 39 autres écrivains francophones, comme invité du Salon du Livre de Paris,
qui s’ouvre dans quelques jours. Avec le Grec Dimitri Analis, le Béninois
Florent Couao-Zotti, les Congolais Emmanuel Dongala et Alain Mabanckou, la
Sénégalaise Ken Bugul, la Hongroise Agota Kristof, la Belge Caroline Lamarche,
l’Algérien Boualem Sansal, et tous les autres. Là aussi, David Jaomanoro sera
en belle compagnie.
Il y a un an, il avait publié Le mangeur de cactus, que je n'ai malheureusement pas lu et dont voici la présentation en quatrième de couverture: