France. Les pré-sélectionnés à Tignes, à deux jours de l’annonce des sept bannis
Au crépuscule d’un printemps plutôt frisquet, Tignes, en ce dimanche pluvieux, est une ville fantôme. Et pour brouiller encore plus l’image de la station tarentaise, la brume s’est posée sur les plus hautes cimes. Le soleil joue à cache-cache et la neige fondue vient calmer les ardeurs des randonneurs. Le mercure ne dépasse pas les 7 °C, pas de quoi réchauffer les cœurs. Seulement, trois hôtels et quatre restaurants sont ouverts alors que la cité alpine accueille plus de 30 000 skieurs en pleine saison. Morne montagne. Les touristes se comptent sur les doigts des mains. Les plus courageux sont montés de Chambéry ou de Moutiers pour assister à l’entraînement des Bleus sur la nouvelle pelouse synthétique du Val Claret.
Le mauvais temps y est pour beaucoup. Néanmoins, l’ambiance était plus chaleureuse lors de la préparation au Mondial 2006. Raymond Domenech et ses hommes avaient déjà choisi Tignes et l’hôtel Montana, véritable havre de paix, où un solide service de sécurité assure leur quiétude. Cette fois, les familles n’ont pas été conviées à ce rassemblement.
Une fois n’est pas coutume (sic), le sélectionneur a refusé d’être inhumain. Il n’a pas souhaité annoncer, mercredi prochain, aux sept exclus devant femmes et enfants qu’ils n’étaient pas conservés dans le groupe. Il s’agira du seul côté dramatique de ce stage de récupération et d’oxygénation. Même si la plupart des joueurs en balance connaissent les risques et l’issue fatale à venir. Il est quand même incroyable de savoir que 30 joueurs ont été convoqués au sein de la pré-sélection et qu’à deux jours de l’annonce officielle de la liste des 23, le groupe n’a été réuni au complet qu’hier soir, à l’heure du dîner. Le dernier arrivé fut Vieira, le capitaine. Les deux hélicoptères affrétés par la fédération pour accompagner les huit lyonnais autorisés à célébrer la coupe de France, hier midi, sur le balcon de l’hôtel de ville, ont atterri à Tignes vers 18 h 30. Landreau et Mexès, eux, sont arrivés par la route.
Deux jours de vie en commun à trente, cela démontre les difficultés rencontrées par le patron des Tricolores pour parer à toutes les éventualités. Car au terme d’une semaine éprouvante pour les nerfs, 14 internationaux étaient sur le pont entre la finale de la Champions League, la finale de la coupe de France et d’Italie. Les risques de blessure étaient légion. Et ce n’est pas sans soulagement qu’il accueilli en soirée tout son monde en pleine santé. Pour quelques-uns, les chances de poursuivre l’aventure s’amenuisent. Pourtant, le sujet n’est jamais abordé depuis le début du stage, si l’on en croit les cadres. Intéressant de découvrir les attitudes en altitude. Willy Sagnol assure volontiers : « Je comprends que cette question vous inquiète plus que nous. Entre nous, on n’aborde pas ce sujet, mais il n’y a rien de tabou. C’est davantage une question de respect. On ne peut pas se mettre à la place de quelqu’un qui va rentrer chez lui. Mais cela ne pèse absolument pas sur l’ambiance globale. Raymond a été obligé de s’adapter à un calendrier, notamment au sujet de la date de la finale de la coupe de France, auquel il n’adhérait pas. Même s’il sait que ses décisions font faire du mal, il était contraint d’adopter cette stratégie ».
Préparation mentale.
Neuf joueurs concernés par cette finale domestique, ça plombe forcément les plans d’un sélectionneur. Pas ceux des joueurs. Et encore moins l’ambiance. William Gallas en témoigne : « Sincèrement, je peux vous dire que l’on s’entend très bien. On passe d’ailleurs tout notre temps tous ensemble. Samedi soir, on était tous réunis pour regarder la finale de la coupe de France. La salle était partagée entre Lyon et le PSG, on a bien rigolé. Pour le moment, on ne ressent aucune tension par le fait que sept copains vont quitter le groupe. On est là pour passer de bons moments. Après, on verra ».
Lorsque les sept « bannis » quitteront l’hôtel Montana, mercredi en fin de matinée, l’ambiance en souffrira le temps des au revoir. L’équipe de France plongera alors de plain-pied dans la préparation mentale de cet Euro 2008. Il restera pourtant deux matches amicaux à disputer contre le Paraguay, le samedi à Toulouse, et contre la Colombie, mardi à Saint-Denis. Dans l’éventualité d’un pépin de dernière minute, rappeler un joueur qui n’aura pas encore digéré sa frustration ou sa déception d’avoir été éconduit garantira-t-il de sa part une totale implication ? Ce n’est pas gagné !
Article d’Alain Goujon, Sud Ouest