Retrouvez ci-dessous mon interview parue dans 20 Minutes à l’occasion de l’anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 :
Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud
La loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État est fêtée ce mardi. 20 Minutes revient avec le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, sur les principes de cette loi et les enjeux de la laïcité aujourd’hui…
La loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat fête ses 109 ans mardi. Quel bilan en tirez-vous?
NC : Le bilan est très positif et cette loi est toujours d’actualité. La laïcité n’est pas une vieille lune, car elle est participe au vivre ensemble et à la lutte contre les discriminations.
Cette semaine, le sujet des crèches interdites dans des bâtiments administratifs a fait polémique. Quelle est votre réaction?
NC : Sur ce sujet, il y a une confusion des espaces. L’Etat, l’administration sont neutres et impartiaux dans les services rendus aux personnes, qu’elles soient croyantes ou non. Il n’y a donc pas d’emblèmes religieux dans les locaux administratifs. Et c’est également pourquoi la crèche, comme élément cultuel, de mise en avant d’une religion par rapport aux autres, n’y a pas sa place. Cependant, cette crèche peut être considérée comme un élément culturel. Prenez l’exemple d’une crèche, dans le sud-est de la France, composée de santons de Provence. Cette crèche présente un intérêt culturel qui n’a pas à être sanctionnée. Il faut ainsi travailler au cas-par-cas sur ce genre de sujet.
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Jean Baubérot, fondateur de la sociologie de la laïcité, expliquait à 20 Minutes que «la laïcité devient un cache-sexe pour dissimuler l’islamophobie». Etes-vous d’accord avec cette idée?
NC : Dans une période de crise, de repli sur soi, la laïcité peut être instrumentalisée pour exclure, stigmatiser. Prenez le cas des menus prétendument casher et halal dans les cantines scolaires, dont parle le Front national. C’est totalement faux, ça ne se fait nulle part. Les propos de ce parti visent à faire peur, à stigmatiser. La simple diversité des menus n’est pas au service d’une religion, elle sert tous les enfants qui ne souhaitent pas forcément manger de la viande ce jour-là.
L’autorisation de l’abattage rituel en France est pourtant une dérogation à des règles d’ordre public (sur l’interdiction de la souffrance animale) pour un motif religieux…
NC : Les croyants ont le droit de pratiquer leurs rituels. L’abatage rituel est un fait en France et l’Etat n’est pas hypocrite devant cette réalité. L’Etat préfère que cela se passe sur le territoire national et que cela soit encadré dans des abattoirs. Interdire, laissez-faire, développer des filières contestables, c’est à ce moment que cela devient dangereux.
La laïcité est un sujet sensible. Produire des lois (comme en 2004 sur les signes religieux, ou en 2010 sur la dissimulation du visage) est-il la solution?
NC : Non, je ne le crois pas. La loi ne règle pas tout. Le droit actuel suffit à répondre aux situations d’aujourd’hui. Le souci, c’est que la loi est méconnue, et il y a un gros effort de pédagogie à faire. Nous avons réalisé trois guides sur la laïcité en ce sens. Et puis je soulignerai que sur ces questions très sensibles, très médiatisées, le dialogue est primordial. S’informer, se dégager du ressenti immédiat, dialoguer sont des clefs essentielles pour éviter les conflits.
>> Le rapport 2013-2014 de l’Observatoire de la laïcité, à lire ici