En Argentine, il se trouve que la Patagonie reste un terroir culturel flou, plein de clichés, souvent dédaigné sinon moqué et méprisé (1). La seule région de l'Intérieur qui n'ait pas son cachet propre dans l'esprit de tous. Nelson Avalos fait ici un travail de réhabilitation de cette personnalité régionale du grand sud argentin, avec un son et des thèmes qui appartiennent en propre à ces cinq provinces battues par le vent glacé venu du Pôle, Neuquén, Río Negro, Chubut, Santa Cruz, Tierra del Fuego.
Jusqu'à présent, seuls deux grands musiciens patagoniens ont obtenu une certaine reconnaissance et quelque notoriété dans le reste du pays, Hugo Giménez Agüero et Marcelo Berbel. Cette fois-ci, c'est l'ensemble du terroir que Avalos, lui-même natif de la Province de Chubut, veut promouvoir.
“Después de la dictadura comenzaron a surgir encuentros espontáneos entre músicos y cantautores. Se buscaba definir la música patagónica, la identidad musical que diferenciara esta región de las demás, y se mezclaban Berbel o Giménez Agüero con otros menos conocidos como el Chele Díaz, Marcelo Falcón o Héctor Ossés. Nosotros nos reflejamos en estos últimos […] Lo de don Marcelo y don Hugo, sí, fueron búsquedas. Búsquedas dentro de las tantas en este territorio de búsquedas.” Nelson Avalos, in Página/12
Après la dictature, des rencontres entre musiciens et auteurs-compositeurs interprètes ont commencé à surgir spontanément. Berbel ou Giménez Agüero se mêlaient à d'autres moins connus comme El Chele Díaz, Marcelo Falcón ou Héctor Ossés. Nous nous retrouvons dans ces derniers. La musique de don Marcelo [Berbel] et de don Hugo [Giménez Agüero], ça a plutôt été de la recherche. Des recherches parmi tant et tant sur ce territoire de recherches. (Traduction Denise Anne Clavilier)
“Nos juntó la cuestión ética más que la estética” […] “Creo que Javier olfateó que por acá había un gran caudal cancionero desconocido, aún en el mapa musical y poético del país, y actuó en consecuencia. Su intención inicial era producir un disco de cantautores chubutenses. Y me pidió que le recomendara diez artistas. Yo no lo pensé mucho y le envié una contrapropuesta: le dije que para entender y reflejar lo que hacíamos en Chubut, necesariamente había que referenciarlo en exponentes de otras provincias patagónicas y que la poesía recitada tendría que estar presente. Y que tampoco podíamos obviar a la patagonia chilena, pues desde siempre habíamos visto a la región en forma integral” Nelson Avalos, in Página/12
C'est la question de l'éthique qui nous a rassemblés plus que celle de l'esthétique. […] Je crois qu'avec son flair, Javier [Chalup] (2) a senti que de ce côté-ci, il y avait une grande dynamique pour la chanson, tout un mouvement inconnu, même sur la carte musicale et poétique du pays, et il a agi en conséquence. Son intention première était de produire un disque d'auteurs-compositeurs-interprètes de Chubut. Et il m'a demandé de lui recommander dix artistes. Je n'ai pas réfléchi longtemps avant de lui envoyer une contre-proposition : je lui ai dit que pour comprendre et rendre compte de que nous faisions dans la Province de Chubut, il fallait nécessairement le relier à des représentants d'autres provinces de la Patagonie et que la poésie récitée devrait y avoir sa place. Et nous ne pouvions pas nous plus oublier la Patagonie chilienne, parce que depuis toujours nous avons toujours regardé la région dans son intégralité. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Dans l'interview accordée à Cristian Vitale, pour Página/12, Nelson Avalos explique les difficultés qu'il a dû vaincre pendant les quatre ans qu'a exigé la concrétisation du projet de ce disque.
Pour l'occasion, il a aussi donné d'autres interviews, dont une est disponible en ligne (on peut même la télécharger pour l'écouter et la réécouter à loisir) pour l'émission de radio Un canto se hace al viento (une chanson au gré du vent).
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 lire l'article du site Identidad cultural écouter l'interview dans Un canto se hace al viento, diffusée en octobre 2014.
(1) On n'hésite pas à Buenos Aires à parler des pingüinos (les pingouins) pour désigner les Patagoniens. L'intention n'est pas méchante mais la moquerie est tout de même sous-jacente, un peu comme cela se produit en France avec les Bretons ou les Auvergnats que certains secteurs de la société ont bien du mal à regarder avec la même considération que celle qui est manifestée aux Bordelais ou aux Champenois... (2) Javier Chalup est un producteur de Trelew, dans le nord de Chubut, près de la capitale provinciale Rawson. La rencontre avec le groupe autour de Avalos et ce producteur a eu lieu il y a une dizaine d'années et elle a quelque peu dynamisé la démarche des artistes. Mon prochain livre prendra en considération cette question de l'identité culturelle des régions, et notamment de la Patagonie, et Chubut devrait être représentée en bonne place. On verra ce que donne le contenu final, qui devra tenir compte des impératifs éditoriaux de la collection que ce livre intégrera.