[Podcast #21] Philippe Bolle, un photographe animalier grand voyageur

Par Auxoisnature

Il existe deux sortes de photographes animaliers : les bons et les mauvais ! Non, sérieusement, il y a ceux qui photographient uniquement la faune dans un rayon de 5 000 mètres autour de chez eux. Et les autres. Ceux qui shootent les espèces exotiques, dans un rayon supérieur à 5 000 km autour de chez eux.

Savoir dans quelle catégorie se situer est très simple. Savoir pourquoi, n’est pas bien plus compliqué, il suffit de se poser les questions suivantes :

  • question de sensibilité (non, pas celle des ISO )
  • question de motivation
  • question de moyens
  • question de temps disponible
  • question de condition physique
  • question écologique (les voyages en avion, le CO2 rejeté, tout ça … )

Parce que je suis un gros égocentrique qui ne pense qu’à lui et rapporte tout à lui , je meurs d’envie de vous dire où je me situe : je suis un photographe animalier de la première catégorie (les 5000 mètres). Voici pourquoi :

  • question de sensibilité : non, j’apprécierais tout autant photographier le gorille des montagnes que le renard de chez moi
  • question de motivation : non, je suis toujours motivé pour photographier les animaux !
  • question de moyens : oui, d’ailleurs, je vais peut-être lancer une campagne de dons à la Wikipédia en écrivant « si chacun des 9000 abonnés à la newsletter d’Auxois Nature faisait un don de 10 €, tous les voyages de Régis Moscardini seraient financés pour les 20 ans à venir !!! »  :-)
  • question de temps disponible : oui, à quand des journées de 12000 h ?
  • question de condition physique : non, j’ai mon certificat médical de non contre-indication à la pratique photographique
  • question écologique : oui et non. Ma pratique actuelle de la photo dégage environ 0 gr. de CO2. Il est certain que si je partais tous les 6 mois en voyage par avion, le bilan serait différent. Ceci étant, il est possible vous le savez de compenser ses émissions de carbone.

Philippe Bolle, un photographe animalier globe-trotter

Philippe Bolle appartient quant à lui à la 2ème catégorie, celle des plus de 5000 km.

Alaska, Costa Rica, îles Galapagos, Massaï Mara (en 2010, 2011 et 2012), USA et Ouganda font partis des nombreux voyages photos qu’il a eu la chance de faire. Enfin, nous avons vu en début d’article que la chance n’avait pas grand chose à voir là-dedans (sensibilité, temps, moyens, …)

Philippe ne participe pas à des voyages au cours desquels il fait de la photo animalière. Non, il fait des voyages dédiés à la photographie d’animaux sauvages exotiques. La nuance est de taille évidemment. Philippe n’est pas le grand photographe hyper connu à la mode que tous les salons s’arrachent. D’ailleurs, je suis certain que ça ne lui dirait rien ! Mais ça ne l’empêche pas de posséder une grande et riche expérience dans le domaine du voyage photo. Et oui, nul besoin d’être présent sur réseaux sociaux pour être un photographe aiment partager sa passion et son expérience.

Que vous soyez sur le point de partir à l’autre bout de la terre ou que votre projet de voyage n’est qu’un objectif à trèèèèès long terme, vous devriez écouter cette interview de Philippe Bolle. Vous y apprendrez notemment :

  • sur quels critères choisir son agence de voyage photo
  • comment bien choisir son matériel avant le départ (quoi emmener par exemple)
  • comment préparer son voyage
  • quelles agences sont des valeurs sûres
  • et de nombreuses autres astuces.

Vous pouvez découvrir une partie du travail de Philippe sur son site internet : Art Nature Passion et particulièrement sa page consacrée aux trucs et astuces.

Et si vous voulez aller plus loin et creuser un peu plus la question, j’ai fait un test de 2 agences de voyages photos sur le blog il y a quelques temps.

Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview :

Régis Moscardini : Bonjour Philippe Bolle, bienvenue à toi. Je te remercie d’avoir accepté de te prêter au jeu de l’interview.

Philippe Bolle : Oui. Bonjour Régis.

Régis Moscardini : La première question, désolé, tu ne pourras pas y couper. Mais peux- tu en quelques mots te présenter pour que nos auditeurs puissent te connaitre un peu mieux, s’il te plait ?

Philippe Bolle : Alors moi, je m’appelle donc Bolle Philippe. Je fais de la photographie animalière depuis une vingtaine d’années à peu près. Et depuis que je suis en retraite, c’est presque du plein temps. Donc j’aime beaucoup les voyages et en particulier les voyages photographiques, à but photographique exclusivement. Si tu veux, il y a beaucoup de voyages qui sont proposés et bien sûr il y en a qui sont purement photographiques, là ça devient intéressant, et d’autres qui sont plus, il faut bien faire attention où on va, tous les voyages photographiques ne sont pas comme moi je voudrais, c’est-à-dire prendre du temps, une flexibilité par rapport au voyage. Donc c’est un choix.

Par contre on peut aussi préparer son voyage, là ça demande beaucoup plus de temps, des connaissances, d’abord où on va, se renseigner. J’ai fait un voyage en Australie il y a 3 mois déjà, on a mis pratiquement 6 mois à préparer le voyage.

Régis Moscardini : Un petit historique te concernant, Philippe, si tu veux bien. On a tous les deux une chose en commun, c’est le souvenir que l’on a des odeurs des produits de développement de l’argentique à l’époque, comme le fixateur, le révélateur, une époque que beaucoup d’entre nous n’ont pas connue, que moi j’ai un petit peu connu, toi beaucoup plus. J’aimerais que tu nous rappelles comment se déroulait une séance de développement à la maison dans la fameuse chambre noire éclairée à la lumière rouge ?

Alors en quelques mots, on ne va pas faire tous les détails mais un petit peu par nostalgie et pour montrer que c’était une époque qui était importante pour la photo. Voilà, comment se déroulait une séance de développement de noir et blanc à la maison quand on faisait ça avec notre propre matériel ?

Philippe Bolle : Oui. Ecoute, il y a une énorme différence, si tu veux, avec, quand on faisait que ce soit en noir et blanc ou en diapositive, on devait attendre le retour des voyages pour soit recevoir nos diapositives dans les petites boites ou soit développer nos films. Donc effectivement on était plus dans l’attente, il y avait vraiment des émotions complètement différentes si tu veux. On développait, on n’était pas sûr du résultat, on regardait nos négatifs, il y avait des bons, il y avait des mauvais, c’était vraiment une autre époque, mais ça avait son petit charme.

Maintenant on regarde, on prend la photo, on regarde comment elle est, on la garde, on ne la garde pas, c’est complètement différent. Par contre il y avait aussi des émotions très fortes au développement ou quand on recevait notre boite de diapos, on était là, la poubelle d’un côté.

Régis Moscardini : Ah carrément, tu jetais vraiment ce qui n’était pas bon. Tu voyais les photographies apparaitre progressivement sur le papier, ça devait être magique, ça, quand même ce moment-là ?

Philippe Bolle : Oui, tout à fait. Même déjà pour commencer sur le négatif, lire un négatif, il y avait une planche contact, maintenant une planche contact on ne sait plus ce que c’est.

Régis Moscardini : Le négatif, peut-être qu’il est possible que certaines personnes ne savent pas ce que c’est, les plus jeunes. C’est la pellicule qui a été imprimée par la lumière, qu’on enlève de l’appareil, bien sûr dans le noir. Et donc tu découvrais ce négatif-là en petit format, en 24 x 36.

Philippe Bolle : Voilà. C’est là qu’on préparait nos recadrages, on faisait des croix sur celles qui étaient plus intéressantes, on refaisait des cadrages au marqueur rouge et puis on passait après au développement sur papier.

Régis Moscardini : D’accord. Ça devait être quand même assez sympathique, ça. Et les odeurs des produits chimiques ?

Philippe Bolle : Les produits chimiques, malheureusement, il reste un souvenir mais ce n’était pas sans risque non plus. On s’est aperçu avec le temps que les produits chimiques de développement, pour moi amateur qui développait une, deux, trois ou quatre fois par mois, il n’y avait pas de gros risques, par contre pour les personnes qui développaient dans les laboratoires professionnels, il y a eu des problèmes assez graves pour la santé. Par contre moi, en tant que photographe animalier, même maintenant j’ai gardé ce réflexe argentique, c’est-à-dire que quand j’appuie sur le déclencheur, en règle générale, c’est parce que c’est le bon moment, parce que c’est l’instant décisif. Mis à part des chasses où le moteur, ce qu’on appelait le moteur dans le temps

Régis Moscardini : La rafale ?

Philippe Bolle : Où la rafale est indispensable, mais j’ai gardé quand même cet esprit, moi je fais en voyage, allez, 3.000 photos, alors que certains en font 10.000, ça sert à rien. Pour moi, ce n’est pas une méthode pour photographier. Photographier l’animalier, c’est d’abord connaitre le milieu où l’on est, et puis le déclenchement au bon moment parce qu’on connait l’animal, on sait à peu près comment il va se comporter, et là, la rafale est rarement indispensable.

Régis Moscardini : En lisant ta bio, Philippe, j’ai appris que tu étais plutôt un touche-à-tout en photo, tu as fait quand même pas mal de choses, pas que l’animalier et la nature. Justement qu’est-ce qui t’attire plus en photo nature que dans tous autres domaines photo en fait, qu’est-ce qui t’a emmené à ce domaine-là de la photographie ?

Philippe Bolle : Moi, j’aime photographier à deux ou tout seul, donc la photographie animalière, c’est d’abord se sentir, il y a aussi les odeurs là, la forêt, les espaces où tu es tout seul, où tu fais du repérage pendant une semaine, 2 semaines voire peut-être 15 jours-3 semaines. Il m’arrive des fois d’observer et d’oublier de déclencher, parce que la photographie animalière, c’est aussi de l’observation, c’est aussi du plaisir, des émotions, et puis effectivement quand on a la chance d’être en affût et d’avoir des moments magiques, la concentration est effectivement sur la photo.

Mais il y a aussi les ambiances qu’on apprécie, le milieu, même en voyage. En voyage, c’est rare d’être tout seul, parce que malheureusement ça couterait beaucoup trop cher, donc en règle générale dans les voyages dits organisés en photo, on est entre 6 et 8 personnes, donc on est bien obligé

Régis Moscardini : De composer avec tout le monde ?

Philippe Bolle : De composer et de partager l’espace. En général le photographe animalier ou nature est de bonne composition et comprend un peu les désirs de chacun, il y a rarement de bousculades.

Régis Moscardini : Tu as un site Internet, Philippe, dans lequel tu partages tes prises de vue. Alors ça s’appelle art-nature-passion 78, j’invite d’ailleurs ceux qui nous écoutent à aller voir ton site qui est très joli avec de très belles photos. Mais dès la page d’accueil, ce qui saute aux yeux c’est l’origine de tes photos. Alors on se doute que tu ne les as pas prises en Région Parisienne évidemment. Alors dis-nous sans aller trop loin parce qu’après j’aurai plein de questions à te poser mais dis-nous les endroits de tes prises de vue justement ?

Philippe Bolle : Ecoute, depuis grosso modo 4 ans, 4-5 ans, je fais un voire deux, voire même des fois trois voyages dans l’année, et j’ai été attiré pendant un petit moment par l’Afrique, donc j’ai fait 4-5 voyages en Afrique, dont le Kenya et dernièrement l’Ouganda. Et dans ce genre de voyages, voyager seul, sans l’aide d’une organisation, c’est pratiquement impossible, donc je suis parti avec des prestataires, je suis parti avec Objectif Nature, je suis parti par Tony Croceta aussi pour Melting Pot Safaris qui est un très bon organisme, c’est vraiment de la photo animalière avec des gens très pointus au niveau des accompagnateurs, ce qui est très important dans les voyages, les voyages photographiques, c’est de tomber sur le bon guide.

Régis Moscardini : Quand on organise un tel voyage, quand on prépare un tel voyage, ça a un certain coût, il ne faut pas se tromper, parce que si on revient à la maison frustré d’avoir raté son voyage, ça peut être très embêtant, tu conseilles quoi justement, de faire ça tout seul en prenant justement les risques de se tromper, tu conseilles d’aller voir des agences ? Si oui, lesquelles, même si c’est peut-être plus cher ? Quels sont les conseils que tu donnerais aux auditeurs ?

Philippe Bolle : Ecoute, le choix il y a un peu le bouche-à-oreille avec des photographes, je connais pas mal de photographes animaliers, là tu peux aller là parce  que là c’est sûr, le gars est bien, etc. C’est vrai qu’il y a des agences où tu pars avec un accompagnateur qui fait plus de photos que toi, donc là ce n’est pas intéressant, il faut que l’accompagnateur soit bien sûr photographe mais qu’il soit vraiment accompagnateur.

Régis Moscardini : Guide avant même d’être photographe ?

Philippe Bolle : Les guides après, c’est sur place. Quand c’est un voyage qu’on a payé à un prestataire, là c’est pareil, moi par exemple je sais avec quel accompagnateur je peux partir parce que je les connais et je sais qu’il y en a d’autres que j’évite parce que je sais

Régis Moscardini : Tu peux le dire, il n’y a pas de souci. Quels sont ceux que tu proposerais, que tu privilégierais, en tout cas ceux avec qui, toi, tu n’as pas eu de problème et tu étais satisfait ?

Philippe Bolle : Moi, en Afrique je suis parti avec Tony Croceta et Melting Pot Safaris, et là sur place on a Simon en particulier qui est un pisteur absolument extraordinaire, j’y suis parti 3 fois avec lui. Et là je suis parti avec donc Objectif Nature plusieurs fois avec Gilles Martin, pareil, c’est un gars non seulement sympathique, très compétent, et vraiment un accompagnateur qui vous met vraiment devant, à des moments vraiment bien précis sur tel objectif, c’est vraiment très intéressant.

Et là dernièrement je suis parti avec Photographes du Monde et Benoist Clouet qui est un accompagnateur spécialisé plutôt dans le grand Nord, et là vraiment c’est pareil, c’est un gars sur qui on peut compter, qui est là pour vous. Il faut que l’accompagnateur soit là pour vous, et ce n’est pas toujours le cas.

Régis Moscardini : Tu as eu, sans donner de noms parce que ce n’est pas l’intérêt, mais ça t’est arrivé justement, toi, d’être frustré parce que tu n’avais pas la bonne personne ?

Philippe Bolle : Non, jusqu’à présent pas, non.

Régis Moscardini : Mais ça peut arriver ? Tu as eu des retours, des connaissances qui ont eu ce genre d’expérience ?

Philippe Bolle : Beaucoup. Maintenant il faut savoir que la photographie animalière, même dans des voyages organisés et bien organisés, la nature reste quand même maitre des lieux. C’est-à-dire que moi j’ai des amis qui sont allés en Inde par exemple pour voir le tigre

Régis Moscardini : Ils ne l’ont jamais vu ?

Philippe Bolle : Ils sont revenus, ils n’ont pas vu de tigres, et là on ne peut pas, c’est comme ça. C’est un petit peu la différence avec toutes les autres formes de photographies, que ce soit quand tu fais de la nature morte, la nature morte elle est devant toi, tu règles tes éclairages, il n’y a pas de problème, tu peux faire des photos. Si tu fais des portraits, du nu

Régis Moscardini : Le modèle est coopératif ?

Philippe Bolle : Le modèle est là, c’est à toi de régler tes lumières, d’avoir un fond correct, etc. La photo nature c’est très aléatoire, même dans nos régions. On peut aller faire un affût, préparer un affût parce qu’on a vu, on a fait un repérage, on est sûr, on peut calculer la lumière, voir à quelle heure les lumières sont correctes et tout, d’accord. Mais tu peux rentrer dans ton affût à 5h30 le matin, repartir à midi ou même le soir sans n’avoir rien vu.

Régis Moscardini : Exactement. C’est ce qui fait aussi le charme et ce qui plait beaucoup

Philippe Bolle : Il n’y a absolument rien en nature, où que l’on aille, il n’y a rien de sûr. Il peut y avoir aussi des problèmes de pluie, de mauvais temps. Quand je suis parti en Alaska avec Gilles Martin pour faire l’ours, la remontée des saumons au mois de juillet, sur les 9 jours on a eu 6 jours de pluie, et on a eu 3 jours magnifiques où on a pu vraiment faire tout ce qu’on voulait.

Régis Moscardini : Il faut partir en voyage en ayant ça en tête et peut-être s’y préparer d’ailleurs, et ne pas s’imaginer quelque chose absolument extraordinaire du début jusqu’à la fin ?

Philippe Bolle : Voilà. Ce n’est pas toujours, là pour l’Ouganda, on a eu beaucoup de chance, on est parti pour aller voir le gorille des montagnes, on était en période où la pluie commençait, les périodes de mousson, de pluie, et on a eu beaucoup de chance parce qu’on n’en a pas eu beaucoup, on a eu quand même des orages assez costauds, mais on peut faire de belles images sous un orage aussi. La nature c’est de toute façon, la photographie nature c’est très aléatoire.

Régis Moscardini : Evidemment, et peu importe le lieu, que ce soit au pas de sa porte ou à 2.000 kilomètres, c’est toujours la même chose. Alors Philippe, on dit souvent, enfin c’est un fait, pour bien photographier un animal quel qu’il soit, il faut connaitre l’animal en question et aussi son habitat. Comment, toi, tu t’y prends même si tu as des guides sur place, mais comment tu t’y prends pour avoir toutes les informations nécessaires malgré les milliers de kilomètres de distance qui te séparent du lieu à photographier ? Par exemple pour le gorille précisément, tu avais un guide sur place, mais une fois sur place, il ne fallait peut-être pas te découvrir, le comportement, la biologie du gorille. Tu as dû peut-être faire avant des recherches. Comment tu t’y es pris ?

Philippe Bolle : Là, pour le gorille et le bec-en-sabot, ça a été onc les deux points forts de ce voyage en Ouganda, je m’étais un petit peu renseigné, peut-être pas assez parce que, il faut voir aussi par exemple pour le gorille des montagnes, c’est le gorille des montagnes, ce n’est pas le gorille des plaines. Ce qui fait que pour aller voir le gorille des montagnes, on a fait 14 heures de marche globalement.

Régis Moscardini : D’accord.

Philippe Bolle : 8 heures pour le trouver et environ 7 heures pour revenir. Donc il y a aussi les conditions physiques. Il faut faire attention quand on choisit un voyage qu’on peut le faire.

Régis Moscardini : Je pense que le prestataire sur son site Internet ou l’agence de voyage doit le dire, si c’est un niveau facile, difficile.

Philippe Bolle : Oui. Oui et non. C’est-à-dire que la cherté des voyages fait que souvent ce sont des personnes d’un certain âge qui font ce genre de voyages. Là par exemple pour le gorille des montagnes, la moyenne d’âge c’était 60 ans. Donc on n’a plus 20 ans non plus. Moi j’ai beaucoup peiné, j’ai eu beaucoup de mal, j’ai eu beaucoup de mal à faire cette sortie. Mais par contre effectivement quand on arrive devant ce spectacle, c’est très émouvant.

Régis Moscardini : Il faut y arriver parce que là par contre la frustration doit être très forte si jamais il n’y a pas le résultat à la fin.

Philippe Bolle : Là, c’était très bien organisé.

Régis Moscardini : Mais je reviens à ma question de départ, Philippe. Est-ce que toi, sur Internet,  avant de partir tu regardes, tu te documentes sur le gorille ?

Philippe Bolle : Oui, bien sûr.

Régis Moscardini : Tu regardes des photos faires par d’autres photographes ? Tu t’empreignes un peu de tout ça ?

Philippe Bolle : Je crois que c’est indispensable, que ce soit pour n’importe quel voyage, même si on est accompagné, on se renseigne. Internet, maintenant on peut aller sur pas mal de sites. Si tu tapes gorille des montagnes, tu vas avoir tout de suite, alors il faut faire attention parce qu’il y a des reportages qui sont faits avec des moyens que, nous, nous n’avons pas, donc il faut faire attention, tout n’est pas possible.

Régis Moscardini : Tu veux dire que l’on risque peut-être d’être déçu de ses propres photos parce qu’on n’est pas équipé aussi comme peuvent l’être les documentaires que l’on peut voir sur Internet ?

Philippe Bolle : Voilà, c’est ça. Alors il y a des documentaires, les documentaires par la BBC c’est autre chose, on ne peut pas faire ce genre de reportage, on n’a pas de drone, on n’a pas de, comment on appelle ça, il y a même des genres de girafes qui vous montent à la hauteur de l’animal, ça c’est des choses qu’on ne peut pas faire.

Régis Moscardini : Bien sûr.

Philippe Bolle : Par contre, pour revenir un peu, il y a un problème de matériel aussi.

Régis Moscardini : J’allais en parler, Philippe, c’est bien que tu enchaines là-dessus. Une question qui revient souvent, c’est par rapport aux précautions à prendre pour le transport, pour l’avion particulièrement. On parle souvent des cabines, est-ce qu’il faut mettre en cabine, en soute ? Alors voilà, quels sont les fondamentaux à respecter, puisque tu as fait plusieurs fois des voyages, tu sais ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire avec son propre matériel ?

Philippe Bolle : Bien, le problème avec les compagnies aériennes maintenant, il faut éviter à tout prix le low cost qui est très pointu et très exigeant sur les bagages accompagnés. Le bagage accompagné, c’est bien sûr le matériel photo. Et à une époque, j’avais donc un 600 mm, un 200-400, 70-200 plus le grand angle, bref, grosso modo 23 kilos de matériel.

Régis Moscardini : Quasi une valise de vêtements ?

Philippe Bolle : Dans un sac. Les sacs photo, les gros sacs photo sont prévus pour être des sacs photo cabine. Le seul problème, c’est qu’ils dépassent largement le poids. En règle générale, je me suis rarement fait contrôler par le poids du moment que ça rentre, que c’est un bagage cabine qui a les bonnes dimensions.

Régis Moscardini : Tu veux dire que c’est la dimension qui importe plutôt que le poids, en cabine ?

Philippe Bolle : Oui et non. Normalement non. Normalement le poids, maintenant je crois que ça doit être 7 kilos, ce qui est pratiquement impossible quand on a un 500 mm qui pèse déjà 4 kilos et des poussières. Donc ça, ce n’est pas possible. Moi je n’ai jamais eu de difficultés pour l’instant, même quand j’avais mon sac qui pesait 23 kilos, maintenant j’ai descendu à 17 kilos parce que j’ai revendu le 600 et que je me suis équipé d’un 500 mm, 70-200 et un grand angle. Par contre on peut aussi décharger un peu son sac avec des genres de vêtements qu’on peut acheter, de photographes, avec des grandes poches où on peut mettre le grand angle dans la poche.

Régis Moscardini : Ah oui ! Carrément tu conseilles pour gagner un peu de poids dans la valise cabine de mettre certains objectifs, des petits, dans les poches.

Philippe Bolle : Dans les poches, oui, dans les poches. Les doubleurs, tout ce qui peut aller dans les poches, toutes les connexions par exemple ou pour recharger les piles et tout ça, on peut le mettre à part. Moi j’ai une banane ventrale où je mets un boitier et mon grand angle.

Régis Moscardini : D’accord. Et ça, ça ne pose pas de souci particulier ?

Philippe Bolle : Ça ne pose pas de souci.

Régis Moscardini : Est-ce que c’est dangereux, risqué de mettre son reflex ou, je ne sais pas moi, son 200 mm dans sa valise de vêtements, coqué au milieu des vêtements par exemple ? Quel est le risque, là ?

Philippe Bolle : Je connais des gens qui le font, moi personnellement dans ma valise je ne mets que mon pied et ma rotule, enfin tout mon système de

Régis Moscardini : De fixation ?

Philippe Bolle : De fixation, mais je n’ai pas encore mis, je sais qu’il y en a qui le font. Le seul risque qu’on peut avoir, c’est sûr que si un objectif est bien emballé en plein milieu de la valise

Régis Moscardini : S’il est coqué ?

Philippe Bolle : Il n’y a pas grand risque. Alors moi, ce que je fais aussi, généralement pour certaines destinations, pour ne pas dire toutes, je fais emballer ma valise avec un film

Régis Moscardini : On voit ça dans les aéroports, c’est vrai, c’est payant.

Philippe Bolle : C’est déjà au niveau de la valise, c’est quand même mieux parce que souvent elles sont plus ou moins esquintées, et on est sûr au moins que si on a mis quelque chose d’important, soit un objectif, soit un pied photo, que la valise ne va pas être visitée, ce qui peut arriver quand même malgré tout.

Régis Moscardini : Tiens justement, toujours au niveau du matériel, tu en as parlé un petit peu, mais toi tu es plutôt du genre à tout emmener, quitte à ne pas tout utiliser, ou tu sélectionnes quand même pas mal avant de partir, et de partir plutôt léger. Quel est ton état d’esprit par rapport à ça ?

Philippe Bolle : Une fois qu’on est sur place, on peut partir ou léger ou pas léger selon la photo qu’on va faire, mais en règle générale j’emmène tout. 

Régis Moscardini : Tu emmènes tout, mais par contre après sur place tu choisis ?

Philippe Bolle : J’emmène tout, en règle générale, enfin tout le temps deux boitiers. Ça c’est important aussi quand on peut, parce qu’en photographie animalière ou même sportive on a rarement le temps de changer d’objectif, si par exemple vous avez un animal qui est relativement près, votre 500 vous ne pourrez pas le prendre.

Régis Moscardini : On emmène tout, mais par contre une fois sur place, on peut faire un choix selon la photo qu’on va faire. Et tu disais emmener deux boitiers, parce que déjà c’est bien pour être plus réactif mais aussi s’il y en a un qui tombe en panne par exemple ?

Philippe Bolle : Oui. Voilà. Normalement  ça ne tombe pas en panne, mais ça peut arriver. Sans tomber en panne, on peut très bien le faire tomber ou, là effectivement ça devient chaud si on n’a pas la possibilité de photographier avec un autre boitier, surtout quand on est là pour la photo.

Régis Moscardini : Alors question toute bête. Tu l’as dit, tu fais plus de 3.000 photos par voyage. Qu’est-ce que tu fais de toutes ces photos ? Je connais déjà la réponse mais bon. Tu les laisses sur ta carte mémoire, tu les mets sur ton ordinateur, tu as un déchargeur de cartes ? Comment tu fais ? J’enchaine peut-être sur une autre question. Tu les tries au fur à mesure ? Qu’est-ce que tu fais en fait ? D’abord ce que tu fais de tes photos dans un premier temps.

Philippe Bolle : Dans un premier temps, tous les soirs, enfin quand on fait un voyage, tous les soirs on décharge les cartes, je décharge la carte sur un ordinateur portable qui a environ 300 Go de mémoire et puis je les transfère sur un disque dur externe pour les sauvegarder. Ça c’est très important.

Régis Moscardini : Ça veut dire qu’elles sont à la fois sur le disque dur de l’ordinateur portable et en même temps sur un disque dur externe ?

Philippe Bolle : Sur un disque dur externe.

Régis Moscardini : D’accord.

Philippe Bolle : Alors au niveau de la sélection, en voyage, mis à part les photos qui sont complètement floues ou des fois il y a des photos floues qui sont intéressantes aussi, mais rarement je fais de la sélection dans le voyage. Pour sélectionner ses photos, même en rentrant de voyage, sélectionner ses photos tout de suite en rentrant, on est dans l’émotion, on est dans la photo, on est dans le souvenir et ce n’est pas très bon pour faire un editing, il faut attendre que tout se calme, que tout revienne en place.

Il y a des photos là que j’ai faites par exemple en Afrique il y a 3 ans maintenant, je les reprends, je regarde mes raw que j’ai conservés, je me dis, tiens celle-là comment ça se fait que je ne l’ai pas prise, elle est sympa, mais je ne l’ai pas vue toute de suite parce que on est, et puis il y a 3 ans je travaillais mes photos d’une certaine manière, maintenant tout a progressé dans tout ce qui est, comment on appelle ça

Régis Moscardini : Le développement, le post-traitement ?

Philippe Bolle : Le développement, voilà. Donc on peut retravailler une photo qui n’avait pas tout ce qu’il fallait. Maintenant avec les logiciels, on arrive à récupérer quand vraiment la photo est formidable, a un intérêt. Pour revenir un peu, j’ai encore toujours gardé un peu mon esprit argentique. Une photo, quand je prends ma photo, pour moi il faut qu’il n’y ait pas de problème d’exposition, de surexposition, de sous-exposition, qu’il n’y ait pas grand-chose à faire dessus.

Régis Moscardini : D’accord. Ça veut dire que peut-être tu as un peu moins de travail après, de tri. Ce que tu dis là, c’est super important, c’est d’ailleurs un conseil à respecter pas qu’en voyage photo, même pour toutes les sorties photo, de ne pas trier tout de suite dans l’instant, et de laisser retomber l’émotion, laisser retomber la pression, et de trier ses photos tranquillement au retour quelques jours après, voire quelques mois comme tu le fais, le faire plusieurs fois, c’est super important tout ça. Parmi tous les voyages que tu as faits, quel est celui qui t’a le plus marqué ?

C’est peut-être un peu personnel, un conseil peut-être pas à prendre au pied de la lettre mais quel est celui que tu pourrais recommander pour la personne qui n’aurait qu’un seul voyage à faire ? Même si c’est surtout une question de goût pour les voyages, mais quel est celui qui t’a vraiment marqué que tu pourrais refaire ?

Philippe Bolle : Le premier et le dernier. Le premier voyage photographique que j’ai fait, c’était les iles Galápagos avec Objectif Nature et Yves Vallier comme accompagnateur, que je conseille fortement, qui est un gars hyper sympa et qui connait bien son, là les iles Galápagos quand j’y suis allé, ça faisait la 4e fois qu’il y allait.

Régis Moscardini : D’accord.

Philippe Bolle : Ça c’est intéressant aussi

Régis Moscardini : Il ne découvre pas en même temps que le client ?

Philippe Bolle : En règle générale, non. Mais là, c’était un voyage vraiment formidable que j’ai fait donc avec Objectif Nature. Pour faire les Galápagos, c’est vraiment un voyage photographique. J’ai un ami qui en revient, là, il est resté 3 jours, il a fait deux iles. Ça ce n’est pas un voyage pour les Galápagos.

Nous on était sur un voilier, on était 10 ou 12 je ne me rappelle plus, 10 ou 12 photographes, on était debout à 5h30 du matin, à 6h-6h30 un petit café, et on partait directement pour un débarquement au lever du jour avec une lumière qui était correcte jusqu’à 10h grosso modo à peu près, à 10h on rentrait, on déjeunait un peu plus copieusement, chacun regardait ses photos, on faisait un peu ce qu’on voulait et puis on repartait l’après-midi sur un autre débarquement à partir de 16h jusqu’à  18h, pratiquement à la tombée de la nuit. Il faut vraiment que le voyage joue avec les bonnes lumières. Si  on prend un voyage pour les Galápagos et que l’on dort jusqu’à 10h et qu’on part à 11h pour débarquer, la lumière est affreuse.

Régis Moscardini : Au-delà du côté sensationnel et extraordinaire du lieu, parce qu’il est connu vraiment par tout le monde, c’est vraiment un voyage photo que tu pourrais recommander, surtout avec l’accompagnateur que tu avais ?

Philippe Bolle : Oui, tout à fait. Surtout, je crois qu’il y a une dizaine d’iles où on peut débarquer, de toute façon quoi que l’on fasse aux iles Galápagos, le temps sur l’ile est limité à 2 heures je crois.

Régis Moscardini : C’est une règle, c’est la loi ?

Philippe Bolle : Oui. Pratiquement, en débarquant à 6h30-7h, enfin à 7h-7h30 au lever du jour, à 10h de toute façon, déjà la lumière commence à être un peu dure parce que le soleil plombe, et là on n’a pas de détails, c’est trop dur comme lumière.

Régis Moscardini : On n’a pas parlé du prix, c’est quoi le coût d’un tel voyage comme ça ?

Philippe Bolle : Alors les Galápagos, je ne me souviens pas trop, ça doit être aux alentours des 3.000 euros à peu près. Et puis le dernier que j’ai fait là, c’est au Spitzberg avec Photographes du monde et Benoist Clouet comme accompagnateur. Alors là c’est pareil, déjà à cette période-là, j’y suis allé au mois d’août, fin août début septembre, là il fait jour tout le temps, donc les plages de prises de vue 

Régis Moscardini : Sont très larges ?

Philippe Bolle : Sont très larges mais on a réussi à réguler pour essayer de dormir un petit peu.

Régis Moscardini : Et ne pas faire que de la photo.

Philippe Bolle : Mais voilà, il y a des photos pratiquement tout le temps, mais enfin le voilier s’arrête de toute façon à partir de 10-11h le soir, donc après il ne bouge plus jusqu’au lendemain matin. Donc les photos, on arrête. Mais c’est un voyage passionnant et j’y retourne au mois de juin pour avoir un autre aspect du Spitzberg. Là on était au mois d’août, donc on était dans une période où il n’y avait pas trop de neige, et là au mois de juin on va être en période hivernale avec du blanc partout. Là au niveau du coût par contre, c’est dans les 5.000 euros, c’est un voyage qui est très cher mais pour le Spitzberg c’est à peu près les prix, à peu près partout.

Régis Moscardini : Mais c’est vrai que quand on parle de ces tarifs-là, c’est sûr que ça fait cher en valeur absolue mais après tout est relatif. Quand on compare par exemple au prix d’une voiture, même au prix du matériel photo

Philippe Bolle : D’un boitier.

Régis Moscardini : Voilà, d’un boitier, on prend un boitier pro voire semi-pro, c’est 1.000, 2.000 voire même 3.000 euros, donc voilà tout est relatif.

Philippe Bolle : C’est pareil, on peut faire des voyages moins chers sur un bateau où on est 50 ou même voire 100 mais ce n’est pas du tout le même voyage. Là on était 10 sur le bateau, c’était un équipage qui parlait français, à fond, à fond dans la photo, ça n’a rien à voir.

Régis Moscardini : Oui. Et puis il vaut mieux faire un voyage tous les 3 ans plutôt qu’un tous les ans dans des conditions pas top.

Philippe Bolle : Voilà. Dans des conditions où on est 50 sur le bateau et la promenade dans les fjords ça dure une heure, on ne peut rien faire de propre, au niveau photographique. On peut toujours s’émerveiller, il y a des choses magnifiques, même du bateau on voit des choses extraordinaires. Mais pour la photographie, non, ce n’est pas possible de partir à 50, enfin pas pour moi.

Régis Moscardini : Ecoute Philippe, c’était très intéressant, j’ai appris plein de choses parce que je voyage assez peu pour la photo, en tout cas dans ce type de voyages-là, donc j’ai appris plein de choses, je pense que les auditeurs auront aussi appris pas mal d’astuces. Merci beaucoup Philippe.

Philippe Bolle : Je t’en prie. Merci à toi.