Une rentrée de profs...

Publié le 02 septembre 2010 par Paradoxale

Au bout de dix années dans la maison, je commence à avoir l’habitude mais les rituels de rentrée me font toujours autant sourire.

9h, c’est l’heure du café, de l’accueil de tous les professeurs par l’administration. Brouhaha général, exclamations de retrouvailles, conversations sur les vacances, les mariages, les enfants et naissances, sans parler des petits nouveaux qui se retrouvent irrémédiablement entre eux pour des « tu viens d’où ? t’étais où avant ? ça va, t'es content ? »

9h40 (prévu à 9h30), début de la grande réunion plénière.

Le chef d’établissement prend la parole, souhaite la bienvenue à chacun, présente son équipe et demande à tous de se plier à l’exercice du lever de fesses.

Le lever de fesses, qu’est-ce ? Cela n’a rien de sexuel, qu’on se rassure, nous sommes entre gens convenables… Le lever de fesses, c’est tout simplement les trois quarts de seconde les plus importants de la rentrée : 1er quart, vous levez vos fesses de votre chaise ; 2ème quart, vous prononcez d’une voix claire et forte vos nom, prénom et fonction ; 3ème quart, vous vous rasseyez. Le lever de fesses comporte bien des dangers : dérapage au 1er ou 3ème quart ; voix mal assurée, fesses qui refusent de se lever complètement en un quart de seconde (d'ailleurs, plus on avance, plus les gens les fesses basses, voir assis)… et tout le monde qui dévisage tout le monde, car l’attention est encore à son point culminant.

Le chef reprend ensuite la parole pour se lancer dans une très longue présentation de l’établissement et là, tout étranger à la maison est incapable de comprendre ce langage fait de chiffres, de pourcentages et de sigles : les AP côtoient les PPS, ST2S, AID et autres TPE… même au bout de 10 ans, on a parfois du mal à suivre…

Le brouhaha, présent depuis le début de la réunion, enfle autour de 11h10… Tous les enseignants présents sentent que l’heure fatidique approche, l’heure de la remise de l’emploi du temps. L’attention flanche, le chef parle de plus en plus seul, transpirant à grosses gouttes pour garder calme et contenance, tandis que les conversations privées s’amplifient, que certains regardent en trépignant leur montre, se lèvent pour aller prendre un café ou fumer une cigarette…

12h, enfin, l’emploi du temps tant attendu ! Et là, le brouhaha prend des proportions jamais atteintes encore : sourire de contentement (rare) ; exclamations indignées ; plaintes auprès des collègues, auprès de l’administration… cette dernière s’étant vite réfugiée dans son bureau pour échapper au premier flot de lamentations.

12h15, le moment de « convivialité » : apéro entre collègues, plus ou moins chaleureux selon les équipes et les lieux. Ca tournoie, ça grignote, ça buvotte, ça discutaille beaucoup mais finalement, plusieurs finissent par partir rapidement, pour manger chez eux ou entre eux.

14h-18h : là, s’enchaînent les réunions sur un rythme flegmatique ou intenable, selon les établissement... Le rythme flegmatique, c'est : on papote de tout, sauf de projets ; pas de réunions prévues ; l'administration invisible ; seuls les profs qui travaillent ensemble sur des projets les finalisent et tout le monde s'en va à 15-16h.

Le rythme intenable, ça donne ça : rencontrer les professeurs de chaque classe que l’on a en charge et les professeurs principaux, avoir les listes d’élèves et l’emploi du temps des classes, obtenir les clés des salles, faire les premières photocopies, se rencontrer autour d’un projet que l’on a monté ou que l’on veut monter, mettre en place les nouvelles directives ministérielles, se mettre d’accord sur des progressions communes et sur les dates des examens blancs… tout cela prend du temps mais c’est le meilleur moment pour commencer à cerner les personnalités car il y a ceux qui travaillent d’arrache-pied, s’impliquent dans cent cinquante mille projets, dynamisent –ou dynamitent – l’établissement et gèrent comme des chefs ; il y a ceux qui passent leur temps à se plaindre, à se récrier des nouveautés de la rentrée et refusent de participer à leur mise en œuvre ; il y a ceux qui observent et écoutent, plaçant la phrase ou la proposition juste au moment propice ; il y a ceux qui suivent et préfèrent que les autres gèrent pour eux…

18h, quelques discussions se poursuivent sur le parking ou dans le bureau de l’administration, mais la plupart sont pressés et heureux de rentrer chez eux.

20h : contents ou non de leur journée, beaucoup se diront, le cœur rempli d’espoir : « ça y est, c’est parti, une nouvelle année commence… Ca va être chouette ! »