Un film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu (2014 - France, Suisse) avec Mathieu Amalric, Karin Viard, Maïwenn, Sara Forestier, Denis Podalydès
Etrange.
L'histoire : Marc est professeur dans une université, et parallèlement grand séducteur. Un soir il ramène chez lui une de ses étudiantes, Barbara, et passe avec elle une nuit torride. Mais quand il se réveille, la jeune femme est morte. De qui de quoi, on ne sait pas. Ayant déjà une sale réputation sur le campus pour sa capacité à faire craquer les filles, il se débarrasse du cadavre, de peur qu'on l'accuse de crime. Se présente à lui quelques jours plus tard la belle-mère de la disparue qui veut lui poser des questions sur Barbara. Ils tombent amoureux. Ce qui agace prodigieusement Marianne, la soeur de Marc, avec laquelle il vit, dans le chalet familial, un amour fusionnel et ambigu.
Mon avis : J'ai un peu de mal avec les frères Larrieu. A la fois, ça se tient. A la fois, ça m'agace. Ils ont souvent de bons scénarios (ici un roman de Philippe Djian) mais ce qu'ils en font vire à une sorte de Chabrol à la sauce intello et à deux de tension. Des enjeux dramatiques certains, des personnages en chair, en os et en trauma, mais une sorte de nonchalance un peu surréaliste, du bavardage, des absences. Sans compter que je n'aime pas beaucoup Mathieu Amalric et son regard lubrique. Il m'a toujours fait peur, cet homme, je ne sais pas pourquoi.
Le film est plutôt intéressant, on se pose des questions sur ce type, on apprend peu à peu ce qu'il en est, on passe alors en mode va-t-il s'en sortir ou pas ? Sauf que la fin est totalement bâclée, disons qu'il manque un morceau : spoiler notre héros est soudain cerné par la police alors qu'on ne voit pas comment ils ont pu trouver des preuves le concernant et qu'on ne savait même pas qu'ils le soupçonnaient vraiment (en vertu de quoi ? juste parce que c'est un séducteur ?) fin du spoiler.
Par ailleurs, on nous présente le film comme un thriller... je n'ai pas du tout thrillé ! L'ambiance est tout sauf captivante et angoissante. L'histoire aurait évidemment pu s'y prêter, mais le rythme des Larrieu est du genre escargot. Ce qui n'enlève rien à la qualité de leur mise en scène et la beauté des images (paysages, université : le bâtiment est beau et génialement filmé). L'interprétation est également nickel.
Ca aurait pu être bien, vraiment bien. Vu par David Fincher par exemple.
Voyons voir ce que disent les critiques. Vu qu'en ce moment, je suis toujours à côté de la plaque, ils ont sûrement adoré.
En fait c'est partagé. Il y a de grands fans : "Les frères Larrieu réussissent un polar érotico-littéraire original, à l'intrigue astucieusement perverse et à la mise en scène raffinée." (Le Figaroscope) ; "Drôle, sensuelle, intrigante et brillamment contée, l’intrigue dévoile ses charmes comme une strip-teaseuse malicieuse. Ce n’est que petit à petit qu’apparaissent les motivations de personnages pris au piège d’une intrigue diabolique." (20 minutes) ; "Filmé dans des décors neigeux de toute beauté et emporté par un vent de folie qui rend l’ensemble à la fois drôle et inquiétant, ce nouveau long-métrage conquiert par sa capacité à sans cesse désarçonner le spectateur." (AVoirALire) ; "La diction très amidonnée que les réalisateurs ont imposée au personnage de Mathieu Amalric peut d’abord dérouter mais une fois l’oreille faite, le spectateur goûtera sans modération à une partition qui oscille entre polar et comédie noire." (Le Parisien). "Les Larrieu prennent un malin plaisir à nous entraîner au coeur d'une intrigue tortueuse où il est bien difficile de distinguer ce qui relève de la vérité et ce qui relève de la mystification." (Télérama). Etc. etc. Je réfute totalement les mots : drôle, diabolique, inquiétant, comédie noire, polar.
Et il y a ceux qui n'aiment pas du tout : "Cette difficulté à nous faire partager le paysage mental d’un être à la fois pervers et attirant qui signe l’échec du film, beaucoup trop brouillé dans son développement et explicatif dans son dénouement pour pouvoir distiller un quelconque venin." (Les Cahiers) ; "Du style et des idées au service d’un scénario empêtré dans un genre qu’il ne maîtrise pas et se refuse à interroger." (Ecran Large) ; "Les films des frères Larrieu font penser à ces blagues de potache dont l'auteur attend que les naïfs y voient une philosophie de l'existence". (Le Nouvel Observateur) ; "Les frères Larrieu (ont) décidé, en adaptant un roman de Philippe Djian, de se la jouer hitchcockiens de salon pour soirée karaoké intello. Du n'importe quoi ridicule expédié par-dessus bord." (L'Express) ; "l’intrigue est sulfureuse mais sonne faux, et ses ficelles sont grosses comme des cordes d’alpiniste. Restent une ambiance sympathiquement malsaine et un humour noir salvateur qui donnent un peu de goût à ce film surgelé." (Paris Match).
Les spectateurs sont quant à eux, pour une bonne partie, plutôt perplexes, et déçus par le terme "thriller" qu'affiche le film...
Moi ça me donne plutôt envie de lire le roman, c'est déjà ça !