Écriture — Nous n’écrivons pas l’histoire du Rien. Parfois de l’inanité, je vous l’accorde. Souvent d’une recherche vraie, de ce qui hausse l’humain au-dessus des circonstances.
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Écrite pour qui ? — Nous sommes la première société où l’humain idéal est l’humain moyen. Statistiquement évalué à des courbes normales et encensé par le discours public. S’en dégagent le culte de la prévention et un jeu de cache-cache avec l’inéluctable mortalité : boire peu, manger peu, courir, faire de l’exercice, assurer sa retraite, ses vieux jours, comme s’ils devaient s’étirer éternellement. Tout cela sous le sourire niveleur de la liturgie publicitaire. Sans exigences lourdes, nous vous conduirons au bonheur.
Je n’écris pas pour ces gens. Je n’écris ni pour les pauvres ni pour les riches. Mes poèmes demandent un effort — mot honni ! J’écris pour ceux ou celles qui ont le courage d’explorer ces marges chatoyantes où univers et conscience se rencontrent, se testent, s’apprennent, s’étudient, s’éprennent et s’étreignent parfois.
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Toujours dans les ponts, l’ineffable ministre Lebel vient d’annoncer que le pont Champlain s’appellera… le pont Champlain ! Après des semaines de tiraillements inutiles. On a les leaders que l’on mérite, semble-t-il. Pauvres de nous !
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Distraction — Ce verbe, distraire. À l’origine, il signifiait séparer, démembrer. En finance, détourner une somme de la fin à laquelle on l’avait destinée. En terme nautique, perdre le cap, ne plus voguer vers le but fixé au départ. Donc, si je suis distrait, je me suis laissé disloquer, je me suis détourné (ou une cause externe m’a détourné) du travail auquel j’avais décidé de consacrer temps et énergie.
À la décharge de la distraction, il est honnête de souligner que sans elle, de nombreux sens, de nombreuses images nous auraient échappé – dont (et donc) la poésie même.
L’auteur…
Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon