Comme cela était prévisible l'arrivée de l'exposition Jeff Koons au Centre Pompidou à Paris n'a pas manqué de soulever les passions. Il avait été déjà possible de prendre la mesure du phénomène lorsqu'en 2008 l’artiste américain s'était emparé du Château de Versailles. Ceux qui cherchaient Koons à l'époque pour lui faire un sort se recrutaient surtout dans des associations conservatrices (voire plus si affinités). L'organisateur de la Contre-révolution comptait ses troupes : «Les Orléans ont déjà répondu présent à l'invitation lancée, en revanche, les membres de la branche des Bourbon, conviés également, n'ont toujours pas répondu». Ils brandissaient le glaive contre Koons dont les œuvres en ce lieu constituaient à leurs yeux " un outrage à Marie-Antoinette ". Le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, pour ne pas être en reste, déposa plainte contre la tenue de l'exposition au château de Versailles.
Six ans plus tard, d'autres escadrons, venus d'horizons fort opposés, se mettent en mouvement. Il faut dire que Jeff Koons a délibérément offert le bâton pour se faire battre : « Mon travail est contre la critique. Il combat la nécessité d'une fonction critique de l'art et cherche à abolir le jugement afin que l'on puisse regarder le monde et l'accepter dans sa totalité ». Une telle provocation ne pouvait que garantir le retour de bâton et provoquer la réprobation d'une corporation dont l'existence même se voit ainsi contestée. Parmi ces critiques se retrouvent certains qui s'opposaient... aux opposants de Koons à Versailles : "Il m’était difficile, écrit l'un d'entre eux, de me ranger du côté des cris d’orfraie des descendants de la famille royale française."
Balloon Dog (1994-2000) Jeff Koons
" Le degré zéro absolu de l'art "
Il serait vain de prétendre cerner ici toutes les objections émises sur un artiste businessman, entrepreneur, manager, artiste vivant le plus cher au monde, dont on stigmatise le caractère vulgaire, kitsch, tape-à-l'œil. Son passé de courtier à Wall street corrobore l'image d 'une oeuvre-marchandise n'existant que grâce à la folie spéculative mondialisée, cette dernière pouvant s'abattre d'ailleurs sur toute autre activité créative ou non. Si bien que la survie de Jeff Koons tiendrait alors à la nécessité impérieuse que sa côte ne s'effondre pas en entraînant dans sa chute tous les spéculateurs impliqués dans cet engouement.
Les réseaux sociaux n'ont pas été en reste pour fustiger " le degré zéro absolu de l'art " par l'intermédiaire de blogs qui annoncent régulièrement la fin définitive de l'art contemporain et font de Koons le messager objectif de cette mort annoncée. Mais comme la fin du monde est toujours reportée au lendemain, les augures devront attendre encore un peu.
Pour l'exposition elle-même, l'ayant vu il y a trois mois au Whitney muséum de New York, je ne reviendrai pas sur l'article concerné si ce n'est pour remarquer que l'architecture aérée et la lumière du Centre Pompidou me semble proposer un meilleur plateau aux œuvres de Koons que les murs gris et fermés du Whitney muséum.
Puis l'exposition prendra la route du Guggenheim de Bilbao, consacrant la vocation mondialisée d'un artiste qui n'a pas fini d'attirer à lui les foudres venues de cénacles fort divers, aux valeurs opposées mais chacun résolu à lui réserver un chien de son Koons.
Jeff Koons
Du 26/11/2014 au 27/04/2015
Centre Georges Pompidou
Place Beaubourg
75004 Paris 4