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L’Inde, tu aimes ou tu détestes, par Raph

Par Annsuffit

Pour la première fois depuis le début de notre voyage et de nos récits sur ce blog nous allons vous proposer une mise à jour différente.
Vous aurez le plaisir de lire deux billets : « L’Inde vue par Raph » et « L’Inde vue par Jess ».
Vous l’aurez déjà compris nos deux ressentis sont différents mais en même temps proche aussi. La magie de l’Inde… !

Jaisalmer

Ce pays ne faisait pas partie de mes premiers choix lorsqu’il y a deux ans nous commencions à penser à notre voyage. Jess voulait par contre y aller absolument et à la réflexion, faire un long voyage sans passer par ce pays aurait été dommage. Lorsqu’on entreprend un voyage au long court c’est pour voir de belles choses, visiter des pays lointains, rencontrer, échanger mais aussi apprendre sur soi (comme par exemple qu’un audio guide c’est parfois bien !).

Au bout de dix mois de voyages, je pensais que l’Inde ne serait pas si terrible que cela à vivre.
Après avoir découvert plusieurs pays d’Asie aux opposés de notre cher pays, je pensais que l’expérience et le vécu seraient suffisants pour passer outre certains des aspects difficiles de ce pays.
Après avoir déambulé dans les métropoles chaotiques du Cambodge, du Vietnam ou encore du Népal, je pensais que le bruit et la foule ne serait pas un réel problème.
Après avoir négocié des heures avec des chauffeurs de tuk-tuk ou des marchands, je pensais que le sentiment « occidental-portefeuille-sur-patte » ne serait pas plus fort qu’ailleurs.

Jaisalmer
Je me suis trompé sur chacun de ces points ou en tout cas sous estimé la démultiplication indienne.
Tout est « dix fois » plus dans ce pays et tout semble différent, a commencer par les vaches qui n’occupent pas les mêmes espaces que chez nous…

Au cours de notre voyage, nous avons rencontré beaucoup de voyageurs qui étaient déjà passés par l’Inde. Tous disaient la même chose : « tu aimes ou tu détestes ».

Ils avaient raison.
J’ai aimé et j’ai détesté.

Je vais commencer par ce que je n’ai pas aimé et ce que j’ai eu du mal à voir ou à vivre.
Je terminerai par ce que j’ai aimé car au final je souhaite garder en mémoire les belles choses vues et les bons moments vécus dans ce pays.

Le plus dur pour moi dans ce pays a été le bruit constant. Je pense très honnêtement que 90% de la population en Inde du Nord est sourde. Il me paraît impossible de vivre dans un environnement aussi bruyant sans y laisser très rapidement une bonne partie de ses tympans. Le code de la route est totalement inexistant. Chaque véhicule se fraye donc un chemin à coup de klaxon dans les rues bondées. Le plus gros ou le plus fou passe. Le plus petit ou le plus prudent n’aura d’autre choix que de céder la priorité ! Le trafic est ahurissant. Les grandes avenues ressemblent à un flot incessant de véhicules en tout genre et au milieu quelques vaches qui bloquent la circulation sans que personne ne puisse rien y faire.

Jaisalmer
Les ruelles ne sont pas épargnées. Les deux roues y sont très nombreux et klaxonnent pour prévenir de leur passage ou pour vous dire « dégage ». On apprend vite à décrypter le sens d’un klaxon court, d’un long très appuyé ou d’un sec répété tout au long d’une ruelle…
Tout est bruit, partout, à toute heure du jour ou de la nuit. C’est incroyable. A certains moments j’aurai payé très cher pour me retrouver seul dans un monastère tibétain à 6 000 m d’altitude ! Impossible d’être au calme plus de dix secondes. Et si par miracle vous trouvez un endroit miraculeusement épargné par le bruit, dans les instants qui suivent il va y avoir un « Hello, what’s your name and your country ? Are you married ? Come in my shop… »

Musicien
Impossible d’être seul, impossible de se poser au calme pour reprendre un peu ses esprits. Impossible en tout cas dans les villes. Il existe très certainement en Inde des petits havres de paix et de calme mais nous n’avons visité que des villes.

Le second vrai choc a été la saleté incroyable des villes et la pauvreté noire de certain endroit.

Varanasi

Nous avions déjà été confrontés à la saleté et à la pollution dans certains pays d’Asie, mais pas à ce point là. Certaines villes du Rajasthan comme Jaisalmer ou Udaipur sont moins touchées. Mais des villes comme Jaipur, Varanasi ou Agra sont de réelles poubelles à ciel ouvert. Pour essayer de vous illustrer cela (car la photo n’était pas possible à prendre)… Imaginez que vous êtes dans une rue très passante d’une ville d’un million d’habitants. Sur votre droite une maison en ruine éventrée sur un tiers de sa largeur. Le toit et les étages ont disparus, seuls restent les quatre murs. Sur le « trottoir » devant la ruine des tas d’ordures qui sont petit à petit poussés dans la maison à la pelle. A l’intérieur le tas atteint les traces du premier étage sur les murs. Et sur ce tas un petit troupeau de vaches qui se régalent de sacs plastiques et autres déchets peu recommandés pour l’alimentation d’un mammifère. Et là vous repensez au Lassi que vous avez bu quelques minutes plus tôt. Etait-ce un Lassi au lait version vache-plastique ?

Puis cinq minutes après, changement de décor et vous tombez sur un endroit magnifique…

Varanasi
Sur l’aspect pauvreté et mendicité, je ne vais pas faire un long discours. Vous imaginez tous ce que cela peut donner. Une seule chose qui m’a réellement choqué c’était une petite fille, 5 ou 6 ans peut-être, qui vivait visiblement dans la station de bus que nous empruntions. Elle était si jeune et si jolie malgré la saleté qui lui faisait un manteau… En la regardant j’ai pensé à mes petites sœurs à cet âge là, heureuses, souriantes et avec leurs jeux pour seules préoccupations. Son regard disait « une roupie pour manger » en me tirant doucement la main. Dur…Il y a des visages et des regards qui marquent plus que d’autres.
Quelle chance de traverser l’enfance en étant bercé d’insouciance, d’amour et de crêpes le dimanche soir…

Le dernier point difficile (avant de passer au positif, parce qu’il y en a rassurez vous !) a été la violence des rapports humains et la malhonnêteté ambiante dès qu’il s’agit de pouvoir prendre de l’argent à un touriste.
Les rapports entre indiens m’ont semblé être souvent très durs. Je vous ai parlé des rues et de l’incivilité incroyable. Il en est de même dans tous les autres lieux de vie. Laisser passer l’autre, s’excuser si on le bouscule ou si on vient de cracher sur son pied semblent être des comportements totalement inconnus. J’ai eu l’impression, comme en Chine, qu’ils sont trop nombreux pour se payer le luxe de faire attention à tout cela. Les enfants travaillent souvent très jeunes dans les hôtels ou restaurants. Ils sont là pour tout, à toute heure ou presque. Je ne parle pas Hindi mais les intonations et les yeux d’une personne ne trompent pas. Les ordres étaient souvent aboyés et visiblement peu discutables. J’ai arrêté de compter le nombre de fois ou j’ai vu et entendu des maris parler à leurs femmes sur un ton hallucinant, mêlant les gestes aux paroles. Certaines fois je me suis demandé s’ils utilisaient les mêmes gestes pour appeler leur chien. La condition de la femme laisse très souvent dubitatif et participe fortement à cette impression de rapports tendus et violents.

Désert de Thar
 Dans tout cela, le touriste a une place à part, en tout cas tant qu’il ne négocie pas trop.
Les « Hello Sir » sont de rigueur en s’adressant uniquement à l’homme du couple (Jess s’est souvent sentie totalement invisible…). Le sourire est commercial et la dégustation de thé jamais très longue à arriver. Par contre si la négociation ne tourne pas à l’avantage du vendeur, on est éconduit de façon assez brusque. Comme en Chine ou au nord Vietnam, on s’y habitue et on finit par avoir le même comportement.
Mais venant du Népal, où la douceur est une façon de vivre, j’ai trouvé tout cela parfois un peu hard.

Toutes ces choses choquantes, dérangeantes, immondes ont tout de même un effet positif. Elles font ressortir ce que l’Inde a de beau et de passionnant !

J’ai été émerveillé par la forteresse de Jaisalmer et par le désert de Thar, aux portes de la citée. Nous avons passé deux jours dans le désert et la nuit à la belle étoile au milieu des dunes restera un très grand souvenir. Peut être parce que le silence nous enveloppait ?

Désert de Thar - Jaisalmer (6) (Copier)

Non ! Parce que les étoiles étaient magnifiques, parce que le levé de soleil sur les dunes était grandiose et parce que j’ai eu l’impression à certains moments de faire partie d’une caravane traversant le désert à dos de dromadaire pour convoyer des épices au Pakistan voisin;

Le fort de Jaisalmer posé en haut de sa colline est très imposant. Ses murs servaient à protéger la ville qui était un point stratégique pour le commerce et l’armée : départ des caravanes commerciales pour les régions voisines et forte garnison pour dissuader les envahisseurs de s’intéresser de trop près à la région. Ses rues sont toujours vivantes et habitées. On se promène donc à l’époque des Maharadja dans un décor d’époque ! Les rues sont propres et la population est très largement consciente de l’importance de préserver ce site historique et donc touristique.

Jaisalmer

Le hasard nous a fait retrouver Jezequiel et Romain, deux potes bretons qui voyagent autour du monde pendant un an. Nous avions croisé leur route en Chine puis au Népal. C’est en leur compagnie que nous sommes partis à dos de dromadaire dans les dunes du désert.

La belle découverte suivante a été la ville de Jodhpur, la ville bleue du Rajasthan et son fort.

Jodhpur
Nous avions prévu d’aller à Jodhpur pour le Marwar Festival. Ce festival est à classer dans la catégorie folklore local avec son concours de Monsieur Moustache et du nouage de turban, ses concerts de musique traditionnelle et ses matchs de polo-dromadaire. Malheureusement nous n’avons pas pu assister aux plus folkloriques (je pense à Mr Moustache par exemple), suite à un petit « accrochage » avec le chauffeur qui nous baladait dans le Rajasthan. Une des expériences de la cupidité stupide des indiens quand ils sont en business avec des touristes…
Mais nous nous sommes rattrapés car au même moment se déroulait un second festival dans le fort de la ville : le Riff festival.
Il n’était plus question de moustaches ni de turbans mais uniquement de musique.
Nous avons assisté à plusieurs concerts.

Les premiers, cela a été par hasard lors de notre visite du fort de Jodhpur. Des groupes de musiques traditionnelles de plusieurs régions de l’Inde qui jouaient dans les différentes cours du fort. Cela donnait de la vie à la visite. Le fort est en soi un monument fabuleux, mais avec de la musique qui résonne et rebondit d’une cour à une autre, c’était encore plus agréable. Le dernier concert auquel nous avons assisté était celui de la clôture du festival. Il s’est déroulé à l’aube devant un palais de marbre blanc juste à côté du fort.

Jodhpur - Riff Festival

Le réveil a été matinal, le trajet à pied parsemé de chiens plus ou moins sympas, mais le concert valait sans aucun doute le déplacement !

Ensuite il y a eu Udaipur, un peu pompeusement surnommée la Venise d’Inde. C’est une très jolie ville avec ses palais sur le lac, mais je cherche toujours les canaux et les gondoles version Hindou !

Udaipur - City Palace
Et puis les deux dernières découvertes d’Inde qui étaient attendues et qui se sont révélées à la hauteur de mes attentes : le Taj Mahal et la ville de Varanasi.

Le Taj Mahal fait partie des monuments que l’on connaît tous depuis très longtemps. Et pourtant lorsque que l’on se retrouve devant, la magie opère ! L’ensemble est magnifique.
Malgré la foule importante, les jardins un peu tristes à cette période de l’année et une tenace brume de pollution, la vue de ce mausolée construit pour l’amour d’une femme ne laisse pas insensible.

Taj Mahal de loin
Varanasi
Là aussi c’est un nom qui raisonne, mais pas pour les mêmes raisons. On pense Gange et crémation. Et comme pour le Taj Mahal, une fois devant l’impression est forte, moins agréable qu’au Taj mais forte !!
Pour tout Hindou, mourir et se faire incinérer au bord du Gange est un souhait très fort et une fin de vie idéale.
On dit que les feux de la ville brûlent depuis plusieurs milliers d’années et chaque nouvelle journée apporte son lot de cadavres à incinérer…

La pratique n’est pas discutable, c’est une question de religion, de croyances et de souhait de fin de vie. Par contre l’ambiance, le décor dans lequel tout se passe peut être discutable.
Comme certaine ville du Népal, c’est bienvenu au Moyen Age mais là c‘était pour l’aspect trash du décor. Le Népal proposait un Moyen Age joyeux et vivant. Varanasi et ses ghats au bord du Gange en proposent une version gore.
Nous ne pourrons pas vous montrer de photo, elles sont interdites et peuvent apporter bien des ennuis. Nous nous sommes donc abstenus hormis un soir depuis un bateau sur le Gange. Cette photo, même floue, donne une idée d’un ghat et des nombreux feux qui ne cessent d’emporter les morts.

Ghat - Varanasi
Quand on visite cette ville on s’attend fatalement à voir un corps brûler et se consumer. Malgré le fait d’y être préparé, voir un crâne, un bassin et des os terminer de se consumer ne laisse vraiment pas insensible. Ce que je n’imaginais par contre pas c’est les chiens qui cherchent à attraper un bout de viande cuite, le nombre de crémations par jour (on m’a dit 200 sur le ghat principal…) et le merdier environnant. J’ai plus eu l’impression d’être face à un traitement à la chaîne que face à un véritable « passage » vers autre chose. L’Inde trash, brutale et parfois incompréhensible.

Et puis comme souvent dans ce pays, un peu plus tard ce sera le tour d’une découverte colorée et saisissante comme les cérémonies du soir au bord du Gange…

Cérémonies du soir - Varanasi
Nous étions à Varanasi lors d’une des principales fêtes Hindou : Deepavali. C’est la fête Hindou des lumières, la victoire du bien sur le mal. Pour l’occasion les Indiens achètent des millions de pétards et les font exploser durant trois jours et trois nuits. Je ne connais pas la guerre mais je pense en avoir eu un petit aperçu, en tout sur l’aspect sonore. Les nuits étaient emplies des explosions et des couleurs des feux d’artifice, tant et si besoin qu’au matin, la ville baignait dans un brouillard gris et acide ! Trois jours en zone de guerre !

Si j’avais écrit ce texte juste avant de prendre notre avion pour le Sri Lanka, j’aurai dis « l’Inde, je déteste, je n’y retournerai jamais ». Trois semaines après, je ne dis toujours pas que j’y retournerai dans un avenir proche, mais je dis pourquoi pas un jour dans le sud du pays.
J’ai vu de très belles choses, croisé des personnes très agréables et accueillantes. J’y ai vécu quelques moments difficiles, mais je garde en mémoire le bon et le beau de ce pays.
Je suis arrivé dans ce pays avec beaucoup de craintes et des idées assez arrêtées. Je sais aujourd’hui que mes craintes principales étaient infondées et exacerbées par le traitement de l’information à l’occidentale, c’est-à-dire du sensationnel à l’heure du dîner.
J’ai appris sur moi, sur certaines de mes réactions et de mes idées. Rien que pour cela, ce voyage devait passer par l’Inde.
La partie sud du pays paraît moins difficile, moins violente. Alors je retournerai peut être dans ce pays, mais au sud. J’ai vu la partie nord, j’ai senti l’Inde légendaire qui fait naître autant de fantasmes et j’ai compris pourquoi !

Publié par Raph 


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