Créée en 1764 par privilège du Roi, la verrerie puis cristallerie de Baccarat célèbre son 250ème anniversaire d'une manière naturellement étincelante, au Petit Palais. C'est Jean-Baptiste qui m'a suggéré cette visite et nous l'avons faite ensemble. Un vrai bonheur de grand-mère …
Baccarat, c'est un des fleurons, un symbole international de l'art de vivre à la française. Même à une époque où le coût de la main d’œuvre n'est pas aussi élevé qu'aujourd'hui, il faut une somme de compétences techniques, industrielles, artistiques, innovatrices inouïes pour concevoir puis réaliser des objets souvent seulement destinés à en « mettre plein la vue », des marqueurs de supériorité sociale, d'un luxe et d'une habileté éblouissants. Baccarat rime avec apparat et l'on perçoit dès l'entrée de l'exposition la dimension spectaculaire du sujet avec cette paire de vases coulés et taillés, avec monture de bronze, dont l'un des exemplaires fut acquis par le Négus.
Ce qui mérite aussi l'attention c'est l'unité de style des créations, malgré les règnes successifs, les modes, la diversité des personnalités qui passent commande. On remarque aussitôt la grande cohérence de l'art des verriers de Baccarat : certains des services de verres datant de la première moitié du XIXème siècle demeurent tout à fait actuels. Chaque souverain, cependant, donne son nom à un service qui devait rencontrer un grand succès auprès de la clientèle fortunée. Pouvoir déguster le vin dans les mêmes calices que le souverain … un vrai luxe qui n'a pas de prix !
Pour moi cependant, le plus élégant modèle reste « Harcourt » (en haut, à droite) créé en 1841, avec son pied hexagonal, noué, sa paraison à côtes plates, et son modèle dérivé « Talleyrand » juste un peu moins haut (qui dit sans doute quelque chose à Anne-Christine). La mode « Art Déco » donne également lieu à de merveilleuses interprétations par l'artiste verrier Georges Chevalier (créateur du flacon de parfum « L'heure bleue" de Guerlain).
Une autre notation : le rôle des Expositions Universelles qui draînent une foule d'acheteurs, et en particulier les souverains venant du bout du monde comme la reine de Siam, le maharadjah de Bikaner, la reine d'Espagne, le président F.D. Roosevelt qui choisit un modèle très épuré, le Tsar Nicolas II pour lequel on crée un verre à vodka filiforme en cristal teinté de rouge carmin taillé dans la masse.
L'exposition conduit l'admirateur de cristal de merveilles en merveilles. Le parcours est chronologique. Il commence par les premières années de la Restauration, avec des innovations techniques comme la façon de mouler le cristal, l'opaline, les couleurs prises dans la masse, les techniques mêlant le crital taillé, moulé ou gravé, la fabrication d'énormes candélabres destinés à illuminer les fêtes, prisées des magnats de la Révolution Industrielle.
On perçoit nettement la course à l'esbrouffe, encore que le service commandé par l'Impératrice Eugénie soit d'une sobriété toute classique, mais toujours dans un goût exquis. En fin de parcours, une salle à demi plongée dans la pénombre met en scène successivement une série de grands lustres, plus spectaculaires les uns que les autres. En finale, le lustre Zénith noir moulé (24 lumières) de Philippe Starck et l'immense lustre suspendu dans la grande galerie qui comporte – lui – 250 lumières.
Baccarat, la légende du cristal - exposition au Petit Palais jusqu'au 4 janvier, fermé le lundi. 11€