Les fêtes de Noël en Islande ? Bientôt fin août !

Publié le 06 décembre 2014 par Vivreenislande @vivreenislande

Avez vous vu les pères Noël, leur mère Grýla et leur suite ? Non je ne ferai pas le 10ème article sur le folklore des 12 joyeux lurons des fêtes de fin d’année, leur sorcière de maman et les trolls ou les chats qui les accompagnent, qui animaient les sombres soirées d’hiver avant l’arrivée du père Noël. En Islande, on n’en parle pas  avant le 12 décembre, la veille de leur arrivée – sauf sur les emballages du lait.

Ma réflexion en ce début de décembre, le plus sombre des mois de l’année, portera bien plus sur ce qui est désormais ici-bas le folklore des marchands, pardon, le folklore au service des marchands.

Cette année, les fêtes de Noël ont commencé fin octobre – voire même avant ? Étant au Maroc à ce moment-là, je ne l’ai pas vécu directement. Mais les publicités des journaux feuilletés à mon retour sont bien le signe que tout le monde voulait devancer le voisin. Il m’a suffi d’aller chez le coiffeur dans les premiers jours de novembre : une chaîne de radio commerciale -Létt Bylgja- habituée à diffuser de la variété, jouait déjà des airs de Noël. Il a pourtant toujours existé une sorte d’accord tacite entre les stations de radio : pas de musique de Noël avant le 1er décembre. Exception faite d’IKEA qui a toujours commencé bien en avance ses ventes de Noël (mi-octobre) avec ses portions de hangikjöt et autres biscuits „piparkökur“ dans sa cafétéria pour mettre mieux dans l’ambiance (et cette année encore plus tôt que d’habitude). Et ne parlons pas des publicités dans les journaux, lesquelles sont plutôt habituelles.

Il n’y a pas si longtemps, l’automne était bien rythmé. Fin août, tout le monde était à son poste de travail; en septembre, ceux qui n’ont pas d’enfants à l’école narguaient les autres et prenaient une ou deux semaines de rab; les journaux publiaient (tous en même temps) le programme très varié des écoles proposant des cours dans tous les domaines : fromages, vins, tango, informatique, danse, hypnose, cuisine crue ou paléo (à base d’aliments utilisés avant l’âge de Pierre)… Octobre était le mois des menus „gibiers“ dans la majorité des restaurants, attirant les fameux « árshátíð » ou fêtes annuelles des entreprises; tous les week-ends de la mi-octobre à la mi-novembre étaient bloqués sur ce thème (la saison de la chasse à l’oie commence le 20 août). Alors quoi de plus facile et naturel que de passer directement aux „jólahlaðborð“, les buffets de Noël, où il fut un temps le Beaujolais Nouveau trônait ?

Subrepticement, insidieusement, sans que personne ne s’en rende compte, les menus gibiers ont disparu, presque tous en même temps, et les menus de Noël ont commencé plus tôt. Mais il fallait bien boucher le trou des mois d‘octobre et novembre, avant que les buffets de Noël ne commencent – eux aussi de plus en plus tôt. Tout d’un coup sont apparues des publicités par pages entières sur le Thanksgiving. Suite logique de l’introduction de Halloween, comme partout où les marchands dominent et les citoyens ne sont plus que des consommateurs ? Probablement. Les supermarchés ne vendent alors à la fin octobre que les citrouilles destinées à être évidées, leur partie comestible jetée. Ne vous risquez pas à demander au personnel chargé de remplir les étagères qu’il vous en coupe une tranche, non non, on ne les vend qu’entières. Et comme si cela ne suffisait pas, comme si les restaurants et les bars ne devaient pas rester les seuls à profiter de la manne des traditions des autres, voilà que cette année, les supermarchés et autres marchands d’électro-ménager et d’informatique se sont rendus compte qu’ils passaient à côté d’une occasion mirobolante. Les journaux se sont remplis de publicités vantant les mérites du Black Friday, version Islandaise du Thanksgiving sacré Outre-Atlantique. Et en dépit des obligations qui prévalent ici, la plupart des publicités n’ont pas été traduites (personne n’aurait compris s’il avait fallu traduire « black friday » en islandais…).

Ce jour-là (et même tout le week-end pour certains marchands, qui par l’odeur alléchés se laissèrent tenter par les bonnes affaires à venir !), les remises époustouflantes, les prix cassés, les promos exceptionnelles s’étalaient partout où c’était possible. L’objectif visait sans doute à créer une ambiance de folie dans cette période mi-figue, mi-raison durant laquelle les achats de Noël n’ont pas encore vraiment commencé – comme les Britanniques semblent faire, important eux aussi une « tradition » des plus récentes qui ne leur appartient pas, uniquement pour faire de l’argent. Il est probable que la majorité des Islandais (comme les Britanniques) ignorent tout de l’histoire de ce vendredi, dénommé noir dans un contexte bien particulier puisque ce jour-là les comptes des marchands qui étaient en rouge pour cause de déficit, passaient à l’encre noire, signe de bénéfices.

Et puis ce premier dimanche de l’Avent, tout le monde va gentiment faire sa couronne éponyme et allumer la première bougie, découper les galettes de « laufabrauð » en famille, faire 6 fournées de petits gâteaux pour bien recevoir amis et familles pendant les fêtes. Les buffets de Noël s’enchaîneront, et finalement les « jólasveinar », leur mère Grýla, leur chat, reprendront leurs droits.

Pour l’instant, ils se cachent au Musée National (et sur les emballages de lait !) en attendant que les traditions des autres passent et (tré)passent. Ils continueront à mettre des mandarines dans les chaussures des enfants ou des pommes de terre s’ils ne sont pas sages, à souffler les bougies, à claquer les portes, à finir le skyr ou à chiper les saucisses. Et Grýla, avec son sac sur le dos et ses verrues sur le nez, continuera à kidnapper les enfants pas sages avant Noël.

Ouf !