Magazine Culture

« Que Dalle » de Pascal Louvrier : et la lumière créa Betty Blue …

Par Alyette15 @Alyette1

« Que Dalle » de Pascal Louvrier aux Editions Sonatine

« Betty était comme un cheval sauvage qui s’est tranché les jarrets en franchissant une barrière de silex et qui essaie de se relever. Ce qu’elle avait pris pour une prairie ensoleillée n’était en fait qu’un enclos triste et sombre et elle connaissait rien du tout à l’immobilité, elle n’était pas faite pour ça. » 37°2 le matin – Philippe Djian

1ère de couverture

1ère de couverture « Que dalle » de Pascal Louvrier aux Editions Sonatine

Béatrice Dalle est une femme asymétrique qui traverse au rouge, une femme que personne n’écrase. Au moment où tout pourrait prendre fin, elle lève la tête et vous plante son regard de fièvre en plein cœur. Impossible de lui en vouloir car ce regard est déjà à lui seul un périple de cinoche. Et le cinoche ça lui va à la Dalle, mieux que le cinéma et les salamalecs que la belle écarte d’un éclat de rire aussi spontané que démesuré. Bouche en trois dimensions, poitrine explosive, démarche qui n’appartient qu’à elle, Béatrice Dalle met la lumière à ses pieds tandis que d’autres se battent à coups de retouches pour un sourire Studio Harcourt. C’est qu’elle ne mange pas de ce pain-là la madone corsetée de noir, aussi pudique qu’accro au verbe cru et dont le parcours évoque un conte de fées en ballade dans un philtre méphistophélique. En choisissant de la raconter Pascal Louvrier n’a pas eu froid aux yeux et c’est avec gourmandise que l’on suit sa déambulation auprès de celle qu’il baptise la panthère. Imprévisible, poursuivie par une réputation aussi sulfureuse qu’usurpée, toujours là où ne l’attend pas, plus branchée orange pressée que whisky-coca, c’est en toute franchise et avec son phrasé gouailleur et poétique que la plus insolite des comédiennes françaises s’est confiée à son biographe.

Une confession où amitié et fascination sont les invités d’honneur car ce qui fait la qualité de cette biographie c’est bien l’estime que l’auteur porte à cette actrice femelle qui fait de la morsure son identité de cinéma. Tour à tour belle à pleurer comme lorsque dans un plan culte 37°2 le matin elle débarque avec son bagage de joie et de mélancolie, dévoreuse de désir dans le « Trouble Every Day » de Claire Denis, Marie-Madeleine gitane dans « La Belle Histoire » filmée par Claude Lelouch, Béatrice Dalle possède cette grâce rare : celle d’être. En dépit d’une vie privée sur le fil du rasoir dont le tranchant aurait pu la défigurer elle parvient par la ténacité de sa foi intérieure à renverser le néant.

Une vie privée sur laquelle elle revient sans tabous revendiquant son goût pour les types à la marge, les paradis artificiels et les partitions du chaos. C’est qu’elle s’ennuie la vierge noire dès qu’elle ne tourne pas et que le quotidien impose à nouveau son tempo. Alors, elle fuit et fait de la nuit sa seconde peau. Des masques et des manques que Pascal Louvrier fait tomber avec la délicatesse que lui inspire cette égérie singulière découverte par Dominique Besnehard. En recueillant ses confidences, c’est aussi sur ses propres convictions que l’auteur revient et à son contact il se débarrasse des peaux mortes d’une société du spectacle moribonde.

Sensible et rythmée la plume introspective de Pascal Louvrier restitue avec justesse les effleurements et coups de griffe de cette femme dont la plastique demeure au service d’une âme libre. A lire les divers témoignages de ceux qui l’ont côtoyée, on se dit qu’il est temps que le cinéma français lui rende enfin ce qu’elle lui a donné. En 2014, Béatrice Dalle est montée pour la seconde fois sur les planches dans le rôle de Lucrèce Borgia. Un rôle à la mesure de son frémissement.

« Que Dalle », vaut bien plus que son titre et sa lecture est une invitation à renouer avec la quête rimbaldienne et cet archaïsme d’aristocrate que nous nous donnons tant de mal à étouffer. Betty Blue chérit son instinct, il est à jamais sa couronne d’épines …

Astrid MANFREDI, le 01/12/2014

Informations Pratiques :
Titre : Que Dalle
Auteur : Pascal Louvrier
Editeur : Sonatine
Nombre de pages : 248
Prix France : 18 euros

l-epoux-de-l-actrice-beatrice-dalle-a-ete-remis-en-liberte_499219_510x255

MBDNION EC007

beatrice-dalle-798079

Évaluez ceci :

J'aime :

J'aime chargement… Catégorie : Le coin des romans, Mes recommandations culturelles Mots-clés : 37°2 le matin, Béatrice Dalle, Critique littéraire, Editions Sonatine, Pascal Louvrier, Philippe Djian, poésie, Rentrée littéraire, Rock and Roll attitude, Romancier, Sonatine, Vintage

Navigation des articles

← « Ecarlate » de Christine Pawlowska : et la lumière fut …  

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Alyette15 9796 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines