Je savais que les finances publiques étaient mal gérées,
mais j’étais loin de m’imaginer ce qui en est en réalité. En quelques semaines
seulement la Commission permanente de révision des programmes a trouvé 2,3
milliards de dollars gaspillés annuellement. Si cinq commissaires, secondés par
une douzaine de consultants et d’assistants peuvent trouver 2,3 milliards de
gaspillages en quelques semaines de travail, sans même regarder les mastodontes
de la santé et de l’éducation, imaginé l’ampleur réelle du problème.
Il y a tellement de programmes que personne ne sait
exactement combien il y en a, à quoi ils servent et encore moins quels sont les
chevauchements et les dédoublements entre les ministères et les organismes
gouvernementaux. Des milliers de fonctionnaires travaillent sans relâche à
gérer tous ces programmes sans se préoccuper de savoir s’ils servent à quelque
chose, mais tout en s’assurant de protéger la chasse gardée de leur ministère
ou organisme. C’est la tour de Babel à la sauce québécoise.
Dans ce premier rapport, la Commission a concentré ses
efforts sur trois domaines en particulier : les transferts aux
municipalités, les coûts du régime de garderies subventionnées et les
subventions au régime de l’assurance stabilisation des agriculteurs.
Depuis dix ans le taux de croissance annuelle des dépenses
municipales atteint près de 6 %. Plus du double de la somme de la croissance de
la population et de l’inflation. Les fonctionnaires municipaux gagnent,
incluant les avantages sociaux, 38 % de plus que les fonctionnaires
provinciaux. Bien entendu, la comparaison aux employés des entreprises privées
serait encore plus odieuse.
Mais pourquoi en serait-il autrement? Depuis 40 ans les élus
municipaux achètent la paix syndicale en leur accordant le beurre et l’argent
du beurre. Ensuite, ils vont pleurer à Québec pour renflouer les coffres de la
ville en menaçant les élus d’augmenter les impôts fonciers et de les en blâmer s’ils
refusent. Il est vrai que la manie de Québec
d’infantiliser les élus municipaux leur fournit une belle excuse. Mais, quelles
que soient les raisons de ce fiasco, il est urgent de renverser la vapeur.
Les services de garde subventionnés sont devenus un puits
sans fond. Entre 2003-2004 et 2014-2015,
la subvention gouvernementale aux services de garde est passée de 1,3 milliard de dollars à 2,4
milliards de dollars, une augmentation de près de 80 %. Le coût moyen pondéré
d’une place de garde subventionnée est passé de 36 $ par jour à près de 47 $
par jour, une hausse de près de 30 %, bien au-delà de l’inflation.
Mais le pire c’est qu’en maintenant les tarifs bas, le
Québec se prive de 150 millions de transferts du gouvernement fédéral. C’est irresponsable. Pour récupérer cet argent, il
faudrait augmenter les tarifs à 35 $ par jour. À première vue cette
augmentation peut paraître drastique, mais la plupart des familles y
gagneraient. Les réductions et les crédits d’impôt leur permettraient de récupérer
plus que la différence entre le tarif actuel et le tarif proposé. Malheureusement, le gouvernement Couillard a
manqué de courage et a préféré moduler les tarifs et les limiter à un maximum
de 20 $ par jour. Résultat : le Québec perd 130 millions de transferts
fédéraux. Il fallait seulement se pencher un peu pour les ramasser. Mais que
voulez-vous la politique a ses raisons que la raison ne peut pas comprendre.
Les commissaires concluent que l’aide gouvernementale aux
agriculteurs est trop généreuse. En pourcentage des recettes monétaires, elle
est de 38 % supérieure à celle de l’Union européenne, de 36 % supérieure à
celle des pays de l’OCDE, trois fois plus élevée qu’aux États-Unis et deux fois
plus élevée que dans les autres provinces canadiennes. La Commission recommande
donc de réduire de 300 millions de dollars les subventions à la Financière
agricole.
De plus, ce programme a des effets pervers dommageables pour
l’industrie agricole. Les entreprises rentables reçoivent une compensation
supérieure à leur déficit réel, alors que la compensation est insuffisante pour
les entreprises qui en ont vraiment besoin. Pire, plusieurs agriculteurs ne
gèrent plus en fonction de l’amélioration de leur productivité, mais en
fonction des critères du Programme d’assurance stabilisation.
Enfin, selon la Commission, il serait possible de réduire de
dix milliards de dollars les dépenses de l’État simplement en ramenant les
dépenses du Québec au même niveau que celui de l’Ontario. Pourquoi avons-nous
plus de programmes, plus de fonctionnaires, plus de politiciens, plus de maires
que les Ontariens? Sommes-nous mieux servis? Jouissons-nous d’une qualité de
vie supérieure? À bien des égards, c’est plutôt le contraire.
Dix milliards, c’est
certainement un minimum, car l’État ontarien n’est pas particulièrement
efficace dans sa gestion des fonds publics.