Depuis trois semaines, l’UDI est enfin présente dans les médias : son
nouveau président Jean-Christophe Lagarde multiplie les prestations à la télévision et à la radio. Il fait partie de ceux qui, demain, compteront de manière déterminante dans la vie
politique française.
Cela fait plaisir de voir que des idées auxquelles l’on croit ont de nouveau droit de cité dans les médias actuels. Jusqu’à maintenant réduite à la seule
personnalité de Jean-Louis Borloo, l’Union des démocrates et indépendants a souffert pendant deux ans d’une absence de visibilité, renforcée par
le retrait de la vie politique de Jean-Louis Borloo. L’élection de Jean-Christophe Lagarde à la présidence de l’UDI a changé radicalement la donne
médiatique et permet aux centristes d’exister à nouveau dans les médias, en rappelant quelques évidences tant sur l’immigration que sur l’Europe, deux thèmes souvent dévoyés par les intérêts électoralistes.
En novembre 2014 s’est mise en place effectivement l’organisation de l’opposition à François Hollande pour les prochaines années : trois congrès de partis ont en effet émaillé les feux de l’actualité avec le renouvellement de leurs instances
dirigeantes : l’UDI le 14 novembre 2014 (à Paris), l’UMP le 29 novembre 2014 (à Paris) et
le FN le 30 novembre 2014 (à Lyon).
Bruno Le Maire
Le très bon score de Bruno Le Maire (45 ans) avec près de 30% fera de lui, mieux que les autres, l’un des leaders majeurs de demain. Incontournable,
comme l’ont été au PS Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, le premier pour sa performance au congrès de Reims en novembre 2008 et le second pour la sienne à la primaire socialiste d'octobre 2011.
C’est d’ailleurs une mauvaise nouvelle pour Alain Juppé qui
pourrait voir en Bruno Le Maire un véritable concurrent, aussi intelligent, aussi doué, aussi sérieux, aussi responsable, mais plus jeune et peut-être plus courageux et plus travailleur,
puisqu’il s’est frotté au verdict des militants de l’UMP. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs joué très habilement puisqu’il ne cesse aujourd’hui de
valoriser Bruno Le Maire, en lui demandant de représenter (avec lui) l’UMP au congrès de la CDU et aussi au congrès du PPE, et en confiant le soin
de préparer une primaire ouverte à droite et au centre à Thierry Solère, l’un des très proches de Bruno Le Maire et qui fut aussi l’ancien dissident qui fit trébucher Claude Guéant aux dernières législatives à Boulogne-Billancourt.
J.-C. Lagarde, M. Maréchal-Le Pen et L. Wauquiez
Dans l’émission "Mots
croisés" présentée par Anne-Sophie Lapix diffusée en direct le lundi 1er décembre 2014 sur France 2, Bruno Le Maire n’était pas invité mais trois autres (jeunes) députés l’ont été
qui représentent, eux aussi, pour des raisons parfois différentes, l’avenir de la politique française.
Le thème était sur l’avenir de la droite ("Où va la droite ?"), en invitant également l’extrême droite
(non revendiquée) et le centre (revendiqué), sans représentant de la gauche.
Jean-Christophe Lagarde (47 ans), député-maire de Drancy depuis près d’une quinzaine d’années, avait sans doute sur le plateau le plus d’expérience sur le
terrain et sa présence venait de sa récente élection à la présidence de l’UDI. Il faudra d’ailleurs m’expliquer pourquoi France 2 l’a placé à droite de la députée du Front national. Il avait la
même couleur de cravate que Laurent Wauquiez : celle de l’UDI mais aussi de la Haute-Loire qui avait eu longtemps une couleur "centriste".
Laurent Wauquiez (39 ans), député-maire du Puy-en-Velay, ancien
ministre de 2007 à 2014, et représentant de la "Droite sociale" à l’UMP (il faudra m’expliquer ce
qu’il y a de "social" à dénigrer sans arrêt les droits sociaux et à dénigrer l’assistanat chez ceux qui, parmi les plus défavorisés, ont besoin des aides sociales pour survivre), était là parce
qu’il est cité, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le poste de numéro deux de l’UMP, sur lequel Nicolas
Sarkozy a un peu hésité (le 4 décembre 2014, NKM est finalement nommée "numéro deux" de l’UMP au poste de vice-présidente déléguée et Laurent Wauquier nommé "numéro trois" de l’UMP au poste de
secrétaire général). Laurent Wauquiez est un fort en thème, normalien, major à l’agrégation d’histoire, sorti major de l’ENA, et fut repéré par Jacques Barrot (qui vient de disparaître) pour être son "héritier" (hélas, ce
dernier est loin de lui avoir transmis son enthousiasme européen, lui qui avait pleuré d’émotion lors de
l’attribution du Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne).
Marion Maréchal-Le Pen (24 ans), députée du Vaucluse depuis deux ans, et surtout la petite-fille de son
grand-père, la nièce de sa tante, où l’on sait que les liens de famille sont essentiels dans ce parti qui reste, malgré ce qu’elle proclame,
un "Front familial" avec la tante à la présidence, le grand-père à la présidence d’honneur, le compagnon au secrétariat général, et des élus de gauche n’hésitent pas non plus à ajouter à la
maisonnée le "majordome" Florian Philippot. En étant la mieux élue des apparatchiks du FN lors du dernier congrès à Lyon le 29 novembre 2014, elle a acquis la conviction qu’elle s’est maintenant
émancipée de ses liens familiaux.
Participait au débat également la journaliste (de "Challenges") Ghislaine Ottenheimer qui a pris des
positions quasiment de gauche en rappelant que l’immigration n’est pas le problème fondamental de la France d’aujourd’hui, qui est le chômage, la désindustrialisation et l’incapacité surtout à créer de nouveaux emplois, de nouvelles activités économiques (le nombre de demandeurs d’emploi
est nettement plus élevés que le nombre d’étrangers, de toute façon !).
Proximité programmatique UMP/FN ?
Dans ce débat à trois, j’ai été assez étonné, malgré les dénégations des deux, d’une véritable convergence
idéologique entre Laurent Wauquiez et Marion Maréchal-Le Pen, que ce soit sur l’Europe, même si les mesures préconisées sont différentes, le sentiment
antieuropéen est le même (Laurent Wauquiez a même prétendu vouloir refaire l’Europe des Six sans savoir quoi faire des vingt-deux autres), sur l’immigration (les mesures prônées sont les mêmes, notamment sur l’aide médicale d’État) ou sur le
mariage gay.
Seuls les discours se voulaient antagonistes, Laurent Wauquiez reprochant à Marion Maréchal-Le Pen un FN
"poussiéreux" et "démodé", elle-même mettant sans conviction dans le même panier UMP et PS (les contribuables ont pourtant des moyens d’apprécier les différences).
Le courage de Jean-Christophe Lagarde
J’ai été au contraire très heureux que Jean-Christophe Lagarde ait défendu des positions rationnelles,
raisonnables, et courageuses par les temps qui courent. Il l’a fait sur plusieurs thèmes de manière claire et nette, sans ambiguïté, au risque de caresser dans le mauvais sens le poil populiste.
Il était temps qu’un responsable national ait ce courage de rappeler quelques éléments d’évidence.
Sur l’immigration
En effet, il a par exemple dénoncé ceux qui voudraient supprimer l’aide médicale d’État (AME) pour les
étrangers, qui coûte actuellement 700 millions d’euros (et pas un milliard comme souvent proclamé). Ce dispositif avait été installé par le Premier Ministre Lionel Jospin parce qu’on avait constaté une recrudescence de la tuberculose. Le moyen ne servait pas à soigner les étrangers
malades, car ils étaient de toute façon soignés gratuitement dans les hôpitaux mais sans facturation. L’AME n’a donc pas augmenté les dépenses de soins mais permet au moins de "tracer" ces
malades et d’éviter les épidémies, d’avoir une bonne vision épidémiologique de la France pour protéger aussi et même d’abord les Français. Jean-Christophe Lagarde n’a pas hésité d’ailleurs à
reprendre le thème du virus d’Ebola évoqué par Jean-Marie Le Pen en disant que sans l’AME, cela voudrait dire qu’on laisserait un étranger clandestin atteint du virus d’Ebola dans la nature en
France, sans soin, avec les risques majeurs de contamination qu’on peut imaginer ! La suppression de l’AME va donc au-delà du déraisonnable, selon l’intérêt bien compris des nationaux.
Toujours sur l’immigration, Jean-Christophe Lagarde a rappelé que le taux d’étrangers sur la population
totale a à peine varié (de l’ordre de 8%) en France sur une trentaine d’années alors que le chômage a crû énormément. S’en prendre aux étrangers relève donc d’un véritable phénomène de bouc
émissaire qui ne résoudra pas les problèmes économiques qui sont tout autres. Il est donc regrettable que cette obsession idéologique du FN soit reprise souvent par l’UMP et en particulier par Laurent Wauquiez qui méritait mieux que de surfer dans un populisme démagogique assez grégaire.
J’ajoute que le FN ne cesse d’évoquer les environ 200 000 étrangers qui entrent chaque année sur le
territoire national en oubliant de parler de ceux qui s’en vont, car ce ne sont que quelques dizaines de milliers qui restent, les autres sont essentiellement des étudiants et des chercheurs
associés, des expatriés qui apportent de la richesse à la France. Et Jean-Christophe Lagarde d’insister sur les statistiques fausses portées par le FN à propos du coût de l’immigration. La seule
étude fiable car provenant de chercheurs reconnus pour leurs compétences (à Lille) donne au contraire un apport des étrangers de 12 milliards d’euros en cotisations, taxes et impôts divers alors
qu’ils bénéficient peu des aides sociales et autres prestations, contrairement à l’idée souvent admise même par les plus modérés.
Jean-Christophe Lagarde a dénoncé justement ce discours qui fustige l’immigration sans rien faire pour
l’organiser, car dans tous les cas, les flux migratoires sont ce qu’ils sont et ils sont aujourd’hui bien plus nombreux Afrique vers Afrique que Afrique vers Europe. Le principe de réalité, c’est
au contraire d’organiser cette immigration pour favoriser l’intégration des étrangers en France. Il a cité un exemple concret dans sa ville de Drancy : une salle de classe de maternelle a
une majorité d’enfants "allophones", c’est-à-dire ne parlant pas français. Or, ce ne sera qu’en CP (à 6 ans) que l’État s’apercevra qu’il faudrait proposer des cours de français supplémentaires.
Alors qu’on pourrait le faire dès l’âge de 3 ans. Trois ans de perdu.
Sur l’Europe
Jean-Christophe Lagarde n’est pas non plus timoré sur le sujet européen. Il a préconisé ouvertement une
Europe fédérale avec surtout un gouvernement de la zone euro. Tout à fait en accord avec la suggestion récente et pertinente de Valéry Giscard
d’Estaing, l’idée est de créer plusieurs Europe, une Europe à deux vitesses, l’actuelle et celle qui s’intégrerait dans une gouvernance plus démocratique et plus efficace, regroupant une
douzaine de pays de la zone euro.
Là encore, il a dénoncé ceux qui veulent en finir avec l’Espace de Schengen alors qu’il faudrait au contraire
le renforcer. S’il y a des problèmes, c’est parce que l’Union Européenne n’a pas mis suffisamment de moyens pour faire respecter les règles de Schengen à l’intérieur d’un vaste territoire. De
plus, supprimer Schengen, ou sortir de cet espace pour la France ne changerait rien au "problème", puisque la Grande-Bretagne est soumise aux mêmes enjeux mais ne fait pas partie de l’Espace de
Schengen. Tout le discours sur le sujet reste démagogique mais n’apporte aucune des clefs de résolution.
Enfin, Jean-Christophe Lagarde s’est dit favorable au Traité
transatlantique qui permet de s’intégrer dans un vaste ensemble économique qui pourrait imposer ses standards et sa qualité face au Brésil, à la Chine et à l’Inde. Cette lucidité des
grands ensembles internationaux paraît très peu compréhensible en France où la classe politique reste
systématiquement repliée sur des considérations purement franco-françaises alors que les enjeux économiques sont avant tout mondiaux, et sans
cette prise en compte, il n’y a aucune raison d’éviter cette hémorragie industrielle.
Se démarquer
Dans les jours qui ont suivi ce débat, ce fut surtout la collusion idéologique entre Marion Maréchal-Le Pen
et Laurent Wauquiez qui a nourri la plupart des commentaires, avec un avantage pour la première qui a su faire taire Laurent Wauquiez sur un certain nombre de sujets (en particulier sur le
mariage gay et l’hésitation supposée de Marine Le Pen). Laurent Wauquiez n’avait visiblement pas beaucoup travaillé ses dossiers tandis que Marion Maréchal-Le Pen est devenue une oratrice
redoutable, capable d’asséner des idées assez nauséeuse avec un sourire d’ange.
Quant à Jean-Christophe Lagarde, il a présenté une vision très
humaniste de la politique, n’hésitant pas à se démarquer des démagogues de tout poils, qu’ils soient politiquement corrects ou incorrects. Il a ainsi pu montrer que l’UDI représentait bien
une option nouvelle dans l’offre politique, entre une UMP de plus en plus perméable aux idées du FN et un
PS complètement discrédité dans l’exercice du pouvoir.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (4 décembre
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Émission "Mots croisés" du 1er
décembre 2014 sur France 2.
Jean-Christophe
Lagarde.
Jacques Barrot.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Marine Le Pen.
Jean-Marie Le Pen.
Bruno Le Maire.
Magazine Société
Dossiers Paperblog
- Personnalités politiques
- Finance
- Politique
- Personnalités politiques
- Politique
- Politique
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- France
- Films
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Europe
- Actu
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Marques
- Personnalités politiques
- Maladie