Magazine Culture
Après le Goncourt du
premier roman en 2012 avec Ce qu’il
advint du sauvage blanc, le deuxième livre de François Garde était attendu
avec espoir. L’espoir n’est pas déçu. Pourtrois couronnes nous emporte dans des ailleurs improbables, avec un
imaginaire débordant et un sens de la narration jamais pris en défaut.
Philippe Zafar s’est
inventé une profession : curateur aux documents privés. Il trie les
documents laissés par un défunt, tâche parfois pénible dont les proches se
débarrassent ainsi pour ne garder que l’essentiel et, parfois, quelques
questions embarrassantes. Précisément, Thomas Colbert, riche armateur, a laissé
un document qui ne lui rassemble pas et semble raconter une aventure vécue dans
sa jeunesse : marin, il aurait été recruté par un médecin pour féconder
une femme que l’on suppose d’un milieu aisé, tout comme il faut supposer la
stérilité de son mari. Fin de l’histoire avec le paiement de trois couronnes en
or et début de l’énigme quand l’épouse de Thomas Colbert, placée devant ce
texte, demande à Philippe Zafar d’enquêter sur cette mystérieuse affaire, au
cas où un enfant serait né de l’union éphémère. Ce qui compliquerait
l’héritage.
Il y a peu d’indications
sur le lieu où se serait passée l’aventure de Thomas Colbert : la forme
approximative d’une ville, qu’il faut comparer à la liste des ports où ont fait
escale les bateaux sur lesquels a travaillé le jeune homme. Les recherches sont
aussi minutieuses que brouillonnes. Une piste en ouvre une autre, qui se ferme
pour orienter dans une nouvelle direction. Philippe Zafar dispose de crédits
presque illimités, il pourra faire appel à tous les spécialistes dont il a
besoin et voyager où bon lui semble. Pour arriver sur une île tropicale,
Bourg-Tapage, qui se remet lentement d’une longue crise politique aux
conséquences tragiques.
François Garde trace
patiemment la route de son héros, sur les traces ténues d’un passé dont
manquent certains éléments. Un long travail de décryptage, favorisé par des
intuitions, fournit la matière d’un roman fabriqué à l’ancienne et avec soin,
si bien que l’application artisanale mise en œuvre par l’écrivain débouche sur
un résultat aux échos multiples. Où les trois couronnes du titre ne sont pas
oubliées puisqu’elles prennent, au fil des pages, une part importante à la
compréhension du mystère.
Que peut-on avoir pour trois couronnes ?
Une vie différente, d’une part. D’autre part et surtout, un roman passionnant,
bourré de questions.