En 2001, une année qui correspond à celle où je commençaistout juste à entrer dans le monde adulte (aussi bien professionnellement qu'affectivement, euh ceux qui connaissent mon âge pourraient penser que ce n'était pas trop tôt :o)), je me rappelle avoir lu un premier roman qui m'avait laissé comme un uppercut à l'estomac, un roman qui parlait non pas du monde des adultes, mais au contraire de celui de l'adolescence, période charnière souvent abordée dans la littérature avant ce roman, mais rarement avec une telle rage et une telle justesse.
Ce "Respire" (le nom du roman en question) était d'autant plus étonnant et la jeune romancière, Anne Sophie Brasme ( qui malheureusement n'a pas vraiment confirmé l'essai, ses romans postérieurs étant bien plus faibles) n'avait même pas 18 ans au moment ou elle l'a écrit, alors que ce roman dégageait une maturité dans l'écriture, maturité d'autant plus étonnante que comme je l'ai dit, les deux héroines du livre sont deux adolescentes, Charlène et Sarah, deux adolescentes qui développent une amitié aussi fusionnelle que destructrice, une amitié comme souvent seul les adolescences peuvent en vivre, tant la distance et la retenue est absente de cet âge charnière.
J'ai relu le livre, 13 ans après ma première lecture, car il faisait partie de la sélection des blogueurs du Livre de Poche du mois de novembre, et aussi pour pouvoir le comparer au film de Mélanie Laurent que j'avais vu juste avant, et en faire une petite analyse pour cette rubrique "de l'écrit à l'écran" que j'aime bien ( et que vous aussi il me semble d'après ce que vous m'avez dit en quelques occasions).
Si l'intrigue des deux oeuvres repose bien entendu sur une trame identique, Mélanie Laurent, qui dit l'avoir lu à l'âge de 15 ans sans qu'il ne l'ait plus jamais laché depuis en a fait une adaptation très libre et terriblement réussie.
Alors que le livre nous livre d'entrée le dénouement forcément tragique de l'histoire, que celle ci se déroule sur une durée de quatre ans et que le récit n'épouse que le point de vue de Charlène (rebaptisé Charlie dans le film), Mélanie Laurent a pris le parti pris contraire de ne pas dévoiler l'issue de son histoire d'amitié passionnelle avant la dernière scène, ce qui le rend d'autant plus inattendu et brutal et de concentrer cette histoire d'amitié fusionnelle sur une seule année scolaire. De même, la cinéaste suit quasiment le personnage de Sarah autant que celui de Charlie, même si Sarah reste évidemment assez insaississable, caractéristique indispensable pour que l'on puisse croire à l'emprise qu'elle a sur Charlie.
Et si "Respire" (le roman) m’avait totalement bluffé par sa maîtrise absolue de l’engrenage fatal menant à la catastrophe et que, pris dans les filets du roman, on ne peut qu’assister, impuissant, à ce qu'on devine inéluctable dès le départ, Mélanie Laurent parvient à rendre la même intensité à son histoire et ses personnages, sans passer par ce procédé là.
Mais en dehors de ses divergences, le roman et le film racontent la même histoire, cette histoire d'amitié qui n'est pas éloignée d'une histoire d'amour passionnée, avec un dominant et un dominé, autrement dit un pervers narcissique qui choisit sa proie et veut la détruire, et la victime qui ressent cette relation comme une dépendance affective et obsessionnelle, comme une drogue.
Tous ceux qui comme moi auront connu à l'adolescence ce genre d'amitiés toxiques ne pourront être qu'épaté par ces deux oeuvres qui nous obligent à regarder en face la complexité des relations entre les individus qui n'ont d'amicales que le nom. En effet, une relation faite de perversité, de soumission et d'impossible sevrage. Le film a d'ailleurs visiblement un écho énorme chez les adolescents, en jouant une sorte de catharsis pour ceux qui ont cru être tombés sur la bonne personne au bon moment et qui se sont ensuite rendus compte qu'ils s'étaient fourvoyés.
Le livre et le film laissent la même impression au lecteur et au spectateur, celle d'avoir du mal à reprendre son souffle, et le film de Mélanie Laurent parvient à conserver le coté coup de poing à l'estomac, grâce à une réalisation stylisée toujours à propos et ne faisant jamais éteindre totalement la tension.Respire est un drame psychologique à l'intensité viscérale, confit dans une authenticité vertigineuse des situations qu’il dépeint. Boule à l’estomac et nœud à la gorge, il ressemble à un écrin semblable à la passion.
Mais au-delà de cet aspect haletant et fascinant, "Respire" bouleverse également grâce à la prestation de jeunes comédiennes en état de grâce, avec une révélation absolument ébourrifante en la personne de Joséphine Japy en tête, suivie de près par une Lou de Laâge ambigue et fascinante, sensuelle et envoûtante.
Bref, un coup double parfait et une adaptation cinématographique en tous points réussi pour miss Laurent, et vu que je ne suis pas le seul à le penser sur ce coup là ( le film a reçu d'excellentes critiques dans la presse, malgré le Mélanie Laurent Bashing d'avant sa sortie), on ne pourra pas me rétorquer, pour une fois, mon manque d'objectivité!!
MELANIE LAURENT : PARLE DE SON FILM " RESPIRE " , INTERVIEW .HD