Que la presse du vin en France soit constituée de chapelles, c'est un fait reconnu.
Qu'elle ait comme objet d'informer ses lecteurs sur ce qui se passe dans la planète "vins", cela semble - ou devrait sembler - évident pour tous.
Qu'elle ne se sente pas d'irrésistibles envies d'informer sur ce que fait la concurrence, c'est de bonne guerre. Ainsi, chacun peut comprendre que le Groupe B+D ne soit pas enthousiaste à évoquer les salons de la RVF comme la RVF ne fera pas de reportage sur le Grand Tasting.
Par contre, on peut avoir quelque difficulté à voir dans notre événement à Villa d'Este une quelconque concurrence à cette revue française sur le vin.
Il se trouve donc que Jean-Robert Pitte, qui tient un éditorial mensuel dans cette revue, a écrit un article sur notre dernière édition qui a été tout simplement censuré sous le prétexte qu'il avait déjà écrit l'an dernier un article sur l'édition 2013.
Son article - publié ci-dessous - traite pourtant d'un séminaire singulier qui n'était pas une sorte de redite sur ce qui avait été écrit l'an dernier.
Bref : on peut penser que d'autres raisons ont naturellement été à la base de cette censure, ce mot étant probablement trop fort pour cette mesquinerie typiquement franchouillarde.
On ne va pas en faire un fromage :-)
Mais comme le billet de Jean-Robert Pitte peut intéresser quelques lecteurs, on se permet de le publier ci-dessous.
© Jean-Robert Pitte
Le vin est une œuvre d'art
Hegel distinguait cinq arts : l'architecture, la sculpture, la peinture, la musique et la poésie. Depuis le XIXe siècle, leur nombre s'est accru et l'on admet communément qu'ils sont désormais neuf ; s'y sont adjoints les arts de la scène (théâtre, danse, mime et cirque), le cinéma, la photographie et la bande dessinée. Il est clair que ce numerus clausus ne résiste pas à l'analyse et que bien des créateurs sont injustement exclus d'une telle liste : les couturiers, les ébénistes, les verriers, les tapissiers ou les cuisiniers, par exemple, et, sans aucun doute possible, les vignerons.
Je sais que la plupart de ces derniers se qualifient plutôt d'artisans, ce qui témoigne de leur modestie face à des matériaux vivants comme Vitis vinifera ou les fantasques levures qui se chargent de la fermentation, face également à des éléments imprévisibles comme l'air et l'eau. Seule la terre est relativement stable, encore que ses réponses aux sollicitations de la plante dépendent en partie de la foisonnante microfaune qui l'habite lorsqu'elle n'a pas été gorgée d'intrants de synthèse.
Démonstration a été faite lors du dernier Davos du vin (www.worldwinessymposium.com) que le vin est une œuvre d'art à part entière. Les concerts et festivals dans les vignobles, suivis de dégustations sont désormais monnaie courante. Mais le programme musical est rarement choisi en harmonie avec les vins proposés aux auditeurs et, surtout, les deux ne sont jamais présentés simultanément. À la Villa d'Este en novembre 2014, Le grand violoniste Nicolas Dautricourt - actuel titulaire du stradivarius Fombrauge de Bernard Magrez -, le critique d'art et expert en peinture René Millet et l'œnologue Stéphane Derenoncourt se sont livrés pour la première fois à un exercice de haute voltige que les participants ne sont pas près d'oublier. Sur le thème des quatre saisons, ils ont imaginé de présenter en même temps des extraits musicaux, des tableaux et un vin. Ainsi l'été a permis de marier un flamboyant Bargylus de Syrie avec Le songe d'une nuit d'été de Mendelsohn et la Berceuse de Porgy and Bess de Guershwin, pendant qu'étaient projetés des reproductions de tableaux du Titien (Le concert champêtre) et de Fragonard. Pour l'automne, le Château Vrai Canon Bouché 2006, un canon-fronsac aux fragrances à la fois salines et truffées s'est marié avec nonchalance et un rien de mélancolie avec le Trio de Brahms pour violon, piano et cor, le Chant d'automne de Fauré et avec une série de tableaux de Watteau parmi lesquels son étrange Baigneuse. Un champ nouveau et profond de l'expression artistique est désormais ouvert.
Qu'il soit enfin admis que la liste des Beaux-Arts est aussi extensible que le génie humain. Souhaitons que l'académie qui porte ce nom au sein de l'Institut de France élise bientôt en son sein un grand chef de cuisine et un grand vigneron. Ils sont légion, nous font rêver et sont l'honneur de la France, sans oublier les emplois qu'ils créent et ce qu'ils apportent à notre balance commerciale.
Jean-Robert Pitte